Ils l’ont surnommée la “Sénégauloise”. Pendant six ans, Myriam Meyer a enseigné le français, le latin et le grec dans un collège de banlieue parisienne. Un défi quotidien pour cette trentenaire pleine de convictions, parachutée dans un établissement classé en réseau d’éducation prioritaire. Entre fous rires et crises de larmes, coups de gueule et petites victoires, elle raconte sans fard son combat pour transmettre le savoir à des élèves majoritairement issus de l’immigration.
Le choc des cultures
Myriam débarque en plein cœur de la banlieue, dans un collège difficile où plus de 30 nationalités se côtoient. “Au début, j’étais complètement larguée”, confie-t-elle. Confrontée à des jeunes qui ne maîtrisent pas les codes de l’école républicaine, elle doit s’adapter, innover, bousculer sa pédagogie pour capter leur attention.
Ils pensaient que j’étais une “rebeu qui a réussi”. Avec mon prénom Myriam, beaucoup croyaient que j’étais d’origine arabe. J’ai dû leur expliquer que non, je suis née au Sénégal, d’une mère prof comme moi.
– Myriam Meyer, enseignante en banlieue
Dans sa classe, les niveaux sont extrêmement hétérogènes. Certains élèves brillent quand d’autres sont totalement largués. “Mon plus grand défi, c’était de les garder tous à bord, de ne laisser personne sur le carreau”, explique-t-elle. Une gageure dans un système éducatif qui peine à s’adapter aux spécificités des jeunes de banlieue.
Inculquer le goût d’apprendre
Malgré les difficultés, Myriam veut croire en sa mission éducative. Avec beaucoup de patience et de créativité, elle cherche à éveiller chez ses élèves la curiosité intellectuelle, l’envie de comprendre et d’apprendre.
Le déclic se fait parfois sur des petits riens. Un mot qu’ils ne connaissent pas et dont ils cherchent le sens, un auteur qui les interpelle, un débat qui les passionne… C’est là que tout se joue.
– Myriam Meyer
Rester exemplaire malgré tout
Dans un environnement parfois hostile à la culture scolaire, l’enseignant doit incarner l’exemplarité. “Je n’ai pas le droit de baisser les bras, de montrer mes failles. Même quand je doute, je dois rester un modèle, un repère pour eux”, martèle-t-elle.
- Garder son sang-froid en toutes circonstances
- Être juste et constant dans ses exigences
- Valoriser les progrès, si infimes soient-ils
- Instaurer un cadre bienveillant mais ferme
Un sacerdoce qui demande une énergie folle et une foi inébranlable dans les vertus de l’école. Car les victoires sont rares et précieuses. “Quand un élève en grande difficulté progresse d’un seul point, c’est un immense succès. Notre récompense, ce sont ces petites lueurs dans leurs yeux qui montrent qu’on a réussi à les raccrocher”, savoure Myriam.
Le prix du nivellement par le bas
Son plus grand regret ? Voir certains élèves doués “tirés vers le bas” par un système éducatif qui peine à promouvoir l’excellence en banlieue. L’introduction de bons élèves dans les classes difficiles, censée favoriser l’intégration scolaire, se révèle à double tranchant.
C’est terrible pour un prof de ne pas donner à ses meilleurs éléments toutes les chances de progresser. On nivelle souvent par la base et ça fait mal au cœur.
– Myriam Meyer
Une frustration partagée par de nombreux enseignants en éducation prioritaire, écartelés entre leur désir de tirer chaque élève vers le haut et la réalité parfois écrasante du terrain. Malgré tout, beaucoup restent animés par cette conviction chevillée au corps que l’école peut et doit faire la différence, un enfant après l’autre.
La transmission, essence du métier
En filigrane du témoignage de Myriam, c’est la beauté du rôle de l’enseignant qui transparaît. Cette noblesse d’un métier qui, envers et contre tout, s’obstine à transmettre à chaque génération ce que l’humanité a de meilleur. Un engagement exigeant, souvent ingrat, mais ô combien vital pour notre société.
Enseigner, c’est donner un peu de son âme pour éveiller celle des autres. C’est une mission magnifique et terrible à la fois. Mais pour rien au monde je ne voudrais faire autre chose.
– Myriam Meyer, prof de banlieue
Le parcours de Myriam est un vibrant plaidoyer pour l’école de la République, celle qui, malgré ses failles et ses limites, reste le creuset de notre pacte social. Ce témoignage sincère et sans concession nous rappelle que la transmission du savoir, partout et pour tous, est un enjeu crucial. Et que les enseignants, soldats de l’ombre trop souvent décriés, en sont les infatigables passeurs.