Une décision retentissante vient d’être rendue par le tribunal de l’Union Européenne dans une affaire opposant la Commission Européenne à plusieurs grandes banques. Pas moins de 28 millions d’euros d’amendes ont été confirmés à l’encontre de trois établissements bancaires majeurs, dont le Crédit Suisse (désormais UBS) et le Crédit Agricole, pour une entente illicite visant à fausser la concurrence sur le marché obligataire il y a une dizaine d’années.
Retour sur une collusion qui secoue le secteur bancaire
C’est en 2021 que la Commission Européenne avait initialement infligé ces lourdes sanctions financières, réparties comme suit :
- 12,6 millions d’euros pour la banque américaine Bank of America
- 11,9 millions pour le Crédit Suisse
- 3,9 millions pour le Crédit Agricole
Ces établissements étaient accusés de s’être entendus, via leurs traders, pour manipuler les cours sur le marché des obligations entre 2010 et 2015. Une quatrième banque, la Deutsche Bank, était également impliquée mais a échappé aux sanctions en révélant elle-même l’affaire aux autorités européennes.
Le Crédit Suisse et le Crédit Agricole déboutés
Suite à la décision initiale de la Commission, le Crédit Suisse et le Crédit Agricole avaient déposé un recours devant le tribunal de l’UE, exigeant l’annulation pure et simple des sanctions. Mais les juges européens en ont décidé autrement, estimant que Bruxelles n’avait pas commis d’erreur d’appréciation dans son analyse et ses conclusions.
La période d’infraction retenue contre le Crédit Agricole a certes été légèrement réduite, mais sans impact sur le montant de l’amende infligée précise le tribunal dans un communiqué. Pour les autres banques, les sanctions pécuniaires sont intégralement confirmées.
Des traders peu discrets
Au cœur de cette affaire : les agissements des traders des banques concernées entre 2010 et 2015. Le tribunal a relevé que ceux-ci échangeaient très librement des informations sensibles sur leurs activités via des forums de discussion sur internet, et ce de façon récurrente.
Les comportements adoptés par les traders s’inscrivaient dans un plan d’ensemble poursuivant un objectif anticoncurrentiel unique.
Le tribunal de l’UE
Même si la fréquence des échanges a diminué après 2013, les discussions à caractère anticoncurrentiel se sont poursuivies, les traders continuant de partager des données stratégiques sur leurs opérations en cours.
Vers un pourvoi devant la Cour de Justice de l’UE ?
Si le jugement du tribunal de l’UE constitue déjà une victoire importante pour la Commission Européenne, l’affaire pourrait toutefois ne pas en rester là. Les banques ont en effet la possibilité de contester la décision devant la Cour de Justice de l’Union Européenne, l’instance suprême de l’ordre juridique européen.
Mais un tel pourvoi ne pourrait porter que sur des points de droit, et non remettre en cause l’appréciation des faits par le tribunal. Les chances d’obtenir une annulation ou une réduction des sanctions apparaissent donc limitées pour les établissements concernés.
Un signal fort des autorités européennes
Au-delà des banques directement visées, cette décision envoie un message clair à l’ensemble du secteur financier. Dix ans après les faits, la Commission Européenne et la justice de l’UE démontrent leur détermination à sanctionner sévèrement les pratiques anticoncurrentielles, même quand elles concernent des acteurs de premier plan.
Dans un contexte économique tendu, marqué par une inflation record et des taux d’intérêt en forte hausse, les autorités semblent plus que jamais décidées à faire respecter les règles du jeu sur les marchés financiers. Une vigilance accrue qui pourrait pousser les établissements bancaires à renforcer leurs procédures internes de conformité et de contrôle des opérateurs.
Cette affaire d’entente dans le secteur bancaire, tranchée par le tribunal de l’UE, illustre la complexité de la régulation des marchés financiers à l’heure de la mondialisation. Elle met aussi en lumière les dérives rendues possibles par les nouvelles technologies de communication, qui facilitent les échanges d’informations sensibles entre acteurs concurrents. Autant d’enjeux cruciaux pour l’avenir d’un secteur dont la stabilité et l’intégrité sont essentielles à l’économie européenne.