L’Autorité française de la concurrence vient d’infliger des amendes records à 4 géants du secteur de la distribution électrique française. Au total, 470 millions d’euros ont été exigés de Schneider Electric, Legrand, Rexel et Sonepar pour avoir participé à une entente verticale sur les prix impliquant fabricants et distributeurs. C’est la plus lourde sanction prononcée par l’institution ces dernières années.
Une coalition tarifaire entre poids lourds de l’équipement électrique
Cette entente, qui se serait étendue de 2012 à 2018, concerne du matériel électrique basse tension utilisé pour l’installation et la protection des réseaux électriques des bâtiments. D’après les conclusions de l’Autorité, ce “cartel” aurait permis aux fabricants “de fixer les prix de revente de leurs produits aux clients finals” et aux distributeurs “de préserver leur marge”.
L’enquête, ouverte en 2018 suite à un signalement de l’Agence française anticorruption et un article de Mediapart, avait donné lieu à des perquisitions dans les locaux des entreprises incriminées. Schneider Electric, Rexel et Legrand ont finalement été mis en examen fin 2022, notamment pour “entente” et “corruption active” pour le premier, “corruption passive” pour les deux autres.
Un système de “dérogation” détourné
Selon l’Autorité de la concurrence, ce complot aurait été mis en œuvre via un système de “dérogation” aux conditions générales de vente des fabricants. Un procédé a priori licite, mais qui aurait été ici détourné pour “maintenir des prix standards élevés en France en limitant, notamment, la concurrence intra-marques, au détriment des clients finals”. Des rabais “hors barème” auraient été accordés à certains gros clients, vidant de sa substance le jeu normal de la concurrence.
Des sanctions individualisées et des recours probables
Au final, Schneider Electric écope de l’amende la plus salée : 207 millions d’euros. Ses distributeurs Rexel et Sonepar sont sanctionnés respectivement de 124 et 96 millions d’euros. Legrand s’en sort avec une pénalité de “seulement” 43 millions.
Tous contestent fermement les conclusions de l’Autorité de la concurrence et se réservent le droit de faire appel de ces condamnations. L’affaire est donc loin d’être close, en dépit de la sévérité affichée du gendarme de la concurrence.
Des pratiques “parmi les plus graves” en matière de concurrence
Pour justifier ces amendes records, l’Autorité invoque le caractère particulièrement dommageable de ces ententes verticales sur les prix :
Les pratiques d’entente verticale sur les prix sont considérées de manière constante comme une des pratiques anticoncurrentielles les plus graves.
L’Autorité de la concurrence
En clair, ces agissements auraient entravé le libre jeu du marché, au préjudice du consommateur final, captif de prix artificiellement gonflés.
Répercussions sur un secteur stratégique
Cette décision fracassante n’est pas sans conséquence sur un maillon clé de l’économie française, à l’heure de la transition énergétique et de la rénovation massive des bâtiments. De telles sanctions pourraient fragiliser ces acteurs incontournables et lester leurs capacités d’investissement.
Elle pose aussi la question de l’efficacité du contrôle des pratiques commerciales dans des filières aussi techniques, où les mécanismes de fixation des prix sont d’une complexité redoutable. Le doute est-il encore permis sur le caractère équitable des tarifs imposés aux professionnels comme aux particuliers ?
Vers un électrochoc sur les prix de l’électricité ?
Une chose est sûre : ce coup de tonnerre dans le ciel des installateurs et équipementiers électriques français pourrait bien rebattre les cartes du marché et faire baisser la facture des consommateurs. Encore faudra-t-il s’assurer que les amendes infligées n’entravent pas l’indispensable modernisation des infrastructures du secteur…
Affaire à suivre donc, car au-delà du choc et des invectives juridiques, cette décision pourrait bien sonner le glas d’une époque et l’amorce d’une autre, avec de nouveaux rapports de force et une pression concurrentielle accrue sur le marché de l’électricité.