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Enrôlement Forcé : Deux Jeunes Ukrainiens Échappent à l’Armée Russe

David, 19 ans, était convaincu que c’était la fin. Assis face aux agents russes, il tremblait : une erreur et il serait renvoyé à Marioupol pour être enrôlé de force. Ce qu’il a vécu ensuite est presque inimaginable…

Imaginez-vous à dix-neuf ans, assis dans une pièce glaciale, face à des hommes en uniforme qui sourient en vous menaçant de vous accuser de trafic de drogue. Votre cœur bat si fort que vous croyez qu’il va exploser. Vous savez que derrière cette porte, il y a soit la liberté… soit le retour forcé vers une ville en ruines où l’on veut faire de vous un soldat ennemi.

C’est exactement ce qu’ont vécu David et Nikolaï, deux amis d’enfance originaires de Marioupol. Leur histoire, presque incroyable, montre à quel point la vie sous occupation peut devenir un cauchemar permanent pour la jeunesse ukrainienne.

Une fuite pour rester soi-même

Lorsque les convocations pour le service militaire russe sont arrivées, les deux adolescents n’ont pas hésité longtemps. Rester signifiait accepter de porter l’uniforme de ceux qui avaient détruit leur ville. Partir était la seule option, même si le chemin vers la liberté passait par des dizaines de points de contrôle tenus par l’occupant.

Ils ont rassemblé leurs économies, préparé un sac léger et menti à leurs proches pour ne pas les mettre en danger. Direction : Kiev, la capitale encore libre. Mais entre Marioupol et la partie contrôlée par l’Ukraine, il y avait des centaines de kilomètres surveillés, fouillés, dangereux.

Le souvenir qui ne s’efface pas

David se souvient encore du sourire des agents. Un sourire qui n’avait rien d’amical. C’était le sourire de quelqu’un qui sait qu’il détient tout le pouvoir.

« J’étais assis là et je pensais que c’était la fin. Qu’ils allaient nous refouler, nous accuser de n’importe quoi et nous renvoyer à Marioupol. »

David, 19 ans

Ils ont été séparés. Interrogés pendant cinq longues heures. On leur a pris leurs empreintes digitales. On a fouillé leur téléphone. On leur a demandé pourquoi certaines photos avaient été supprimées. Chaque question était un piège.

Les agents ont même menacé de « trouver » de la drogue dans leurs affaires. Une accusation inventée de toutes pièces aurait suffi à les renvoyer immédiatement en arrière. À leur âge, personne ne résiste longtemps à ce genre de pression psychologique.

Une ville transformée en prison à ciel ouvert

Marioupol, autrefois ville portuaire dynamique, est devenue méconnaissable depuis mai 2022. Après un siège meurtrier qui a duré plus de deux mois, les forces russes ont pris le contrôle total. Les écoles, les lycées, tout a été réorganisé selon les règles de l’occupant.

Dans le lycée de David et Nikolaï, le directeur accueillait désormais les élèves sous le portrait du président russe en les appelant « futurs défenseurs de la Russie ». Une phrase qui a fait bondir les deux amis.

« C’est quoi ce délire ? Défenseurs de quoi ? »

David, encore révolté par le souvenir

Pour beaucoup de jeunes, afficher son identité ukrainienne est devenu extrêmement risqué. On peut disparaître pour un drapeau bleu et jaune caché dans un tiroir ou pour une chanson patriotique écoutée trop fort.

Étudier en secret l’ukrainien

Malgré tout, certains résistent. David et Nikolaï ont continué à suivre en cachette le programme scolaire ukrainien en ligne. Le soir, porte fermée, volume baissé, ils apprenaient l’histoire de leur pays telle qu’elle est enseignée à Kiev, pas celle réécrite par l’occupant.

Cette double vie était épuisante, mais elle leur donnait la force de ne pas céder. Ils savaient que le 24 février 2022, des troupes étaient entrées dans leur pays. Ils avaient entendu les premières explosions. Personne ne pouvait leur faire croire le contraire.

Nikolaï se souvient particulièrement d’un épisode traumatisant : le bombardement du théâtre de Marioupol, utilisé comme abri par des centaines de civils. Il s’est rendu sur place après la frappe.

« Des matelas. Des cadavres. L’odeur de la mort… et des mouches partout. Je m’en souviens encore. »

Nikolaï

Cette image ne le quitte plus. Elle a renforcé sa détermination : jamais il ne porterait l’uniforme de ceux qui avaient fait ça.

La machine de recrutement russe en action

Dans les territoires occupés, le recrutement ne se limite pas aux volontaires. Les autorités distribuent des convocations pour le service militaire obligatoire russe. Officiellement, les conscrits ne sont pas envoyés au front. En réalité, la pression pour signer un contrat professionnel est énorme.

Des milliers d’Ukrainiens auraient ainsi été poussés à rejoindre les rangs russes. Les chiffres avancés par Kiev parlent de plus de 46 000 personnes mobilisées de force, dont une grande partie originaire de Crimée. Impossible de vérifier ces données de manière indépendante, mais les témoignages se multiplient.

Pour les jeunes hommes en âge de porter les armes, sortir du territoire occupé devient une course d’obstacles. Obtenir un passeport russe est parfois la seule solution pour espérer voyager, mais se rendre au bureau de recrutement pour le demander équivaut souvent à se livrer soi-même.

Le prix de la liberté

David a pleuré en quittant Marioupol. Pas seulement à cause du danger, mais parce qu’il abandonnait sa ville natale, ses souvenirs d’enfance, une partie de lui-même. Pourtant, il n’avait pas le choix.

« Je pleurais parce que je quittais ma ville. Mais je n’avais pas d’autre solution. »

Au poste de contrôle, le moment le plus critique est arrivé. Après des heures d’angoisse, les agents ont fini par les laisser passer. Un retournement de situation que les deux amis n’expliquent toujours pas. Un miracle ? Une erreur ? Un ordre venu d’en haut ? Ils ne le sauront jamais.

Aujourd’hui à Kiev, ils regardent vers l’arrière avec une inquiétude permanente. Beaucoup de leurs camarades n’ont pas eu leur chance. Certains n’avaient pas de passeport. D’autres n’avaient pas assez d’argent. D’autres encore ont été arrêtés avant même d’avoir pu tenter leur chance.

Un crime de guerre reconnu internationalement

L’enrôlement forcé de civils dans les territoires occupés est clairement défini comme un crime de guerre par les Conventions de Genève. Transférer sa propre citoyenneté de force à une population occupée l’est également. Pourtant, ces pratiques continuent.

Les deux jeunes hommes ont choisi de témoigner sous pseudonyme. Leurs familles sont toujours dans les zones occupées. Un mot de trop pourrait leur coûter cher. Même loin de Marioupol, la peur ne les a pas totalement quittés.

Leur histoire est celle de milliers d’autres qui n’ont pas eu la possibilité de parler. Elle rappelle que derrière les cartes militaires et les communiqués officiels, il y a des vies brisées, des choix impossibles, des adieux déchirants.

David et Nikolaï ont réussi à garder leur identité. Ils ont refusé de devenir les soldats de ceux qui ont détruit leur ville. À dix-neuf ans, ils ont déjà vécu ce que beaucoup n’imaginent même pas en une vie entière.

Leur fuite n’est pas seulement une histoire de survie. C’est un acte de résistance silencieux, déterminé, profondément humain.

Et quelque part, dans les ruines de Marioupol, d’autres jeunes regardent encore vers l’horizon en espérant qu’un jour, eux aussi, pourront choisir qui ils veulent être.

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