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Enquête sur la corruption d’un haut fonctionnaire européen lié au Qatar

Scandale à la Commission européenne : un haut fonctionnaire soupçonné de corruption par le Qatar. Des voyages en famille et des cadeaux somptueux au cœur de l'enquête ouverte par le parquet européen. Le "Qatargate" s'étend-il jusqu'aux plus hautes sphères de l'UE ?

Le spectre de la corruption plane à nouveau sur les institutions européennes. Après le retentissant “Qatargate” qui a ébranlé le Parlement européen fin 2022, c’est au tour de la Commission d’être éclaboussée par des soupçons de favoritisme impliquant le Qatar. Au cœur de la tempête : Henrik Hololei, un haut fonctionnaire estonien qui occupait jusqu’à récemment un poste clé à la direction générale des Transports.

Des révélations explosives

Selon une enquête publiée par le journal français Libération, Henrik Hololei aurait profité pendant des années de la générosité intéressée du Qatar, bénéficiant de séjours luxueux “parfois en famille” et de “sessions shopping” aux frais de l’émirat. Au total, pas moins de 25 voyages suspects auraient été identifiés par les enquêteurs de l’Office européen de lutte antifraude (Olaf), la plupart du temps sans être déclarés comme il se doit.

Ces avantages indus auraient été octroyés au fonctionnaire alors même qu’il était en charge de négocier un accord aérien dit de “ciel ouvert” entre l’UE et le Qatar, visant à offrir à la compagnie Qatar Airways un accès élargi au territoire européen. Un évident conflit d’intérêts qui jette une lumière trouble sur l’intégrité du processus décisionnel au sein de la Commission.

Le parquet européen s’en mêle

Face à la gravité des faits allégués, le parquet européen a décidé de s’autosaisir et d’ouvrir sa propre enquête, regrettant au passage de ne pas avoir été alerté plus tôt par l’Olaf ou la Commission elle-même, pourtant tenues de signaler sans délai tout soupçon d’infraction pénale. Une carence d’autant plus étonnante que l’Olaf aurait bouclé son rapport sur l’affaire Hololei dès juillet 2024, recommandant l’ouverture d’une procédure disciplinaire à son encontre.

La Commission se défend

Interrogée sur sa gestion de ce dossier brûlant, la Commission assure avoir réagi “immédiatement” en transmettant les conclusions de l’Olaf à son Office d’investigation et de discipline (Idoc), chargé de mener l’enquête interne. Henrik Hololei, qui a depuis quitté son poste de directeur général pour un rôle moins en vue de “conseiller”, sera “entendu” dans le cadre de cette procédure dont l’issue reste incertaine.

Un scandale de trop ?

Quelle que soit l’étendue exacte des responsabilités du haut fonctionnaire, cette nouvelle affaire de corruption présumée tombe au plus mal pour l’UE, déjà fragilisée par le “Qatargate” qui a vu plusieurs eurodéputés écroués pour leur implication dans un vaste réseau d’influence occulte piloté par Doha et Rabat. Alors que la confiance des citoyens dans les institutions est au plus bas, l’urgence est plus que jamais à la transparence et à l’exemplarité. Faute de quoi, c’est la légitimité même du projet européen qui pourrait être durablement entamée.

La priorité doit être de faire toute la lumière sur ces allégations de corruption et d’en tirer toutes les conséquences, au niveau disciplinaire comme judiciaire s’il y a lieu. L’Europe ne peut plus se permettre le moindre soupçon.

– Un responsable européen s’exprimant sous couvert d’anonymat

Une urgence d’autant plus criante que d’autres affaires pourraient ne pas tarder à émerger. Plusieurs sources proches du dossier évoquent en effet l’existence d’autres signalements visant de hauts dirigeants, actuels ou passés, de la Commission. Sans oublier les zones d’ombre qui entourent encore le “Qatargate” et ses éventuelles ramifications au-delà du Parlement.

Face à ces défis, l’UE jouera dans les prochains mois sa crédibilité et sa capacité à incarner les valeurs d’intégrité et de bonne gouvernance dont elle se veut le porte-étendard. Un test crucial, à l’heure où les tentations populistes n’ont jamais été aussi fortes et où la tentation du repli gagne du terrain sur le continent. Car c’est bien la nature du lien qui unit les institutions européennes aux citoyens qui est en jeu. Un lien de confiance, fragile et précieux, qu’il appartient à chacun, à son niveau, de préserver et de régénérer.

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