Un vent de scandale souffle sur Washington alors que la nomination par le président élu Donald Trump de Matt Gaetz, personnage très controversé, au poste de ministre de la Justice, provoque une paralysie sans précédent au sein du Congrès. Au cœur de la tempête, un rapport explosif de la commission d’éthique de la Chambre des représentants sur les agissements troubles du sulfureux élu de Floride. Accusations d’exploitation sexuelle d’une mineure, consommation de stupéfiants, détournements de fonds… Les révélations s’annoncent fracassantes. Mais à quelques semaines de l’investiture, un bras de fer politique s’engage pour enterrer l’affaire.
Une enquête bâclée, un Congrès divisé
Tout commence le 13 novembre, lorsque Gaetz démissionne avec fracas de son mandat de représentant, quelques heures à peine après l’annonce de sa nomination surprise par Trump. Un timing qui soulève bien des questions. Car le bouillant quadragénaire, réputé proche du président, est alors visé depuis des mois par une enquête de la commission d’éthique pour de multiples infractions présumées :
- Relation sexuelle avec une jeune fille de 17 ans
- Consommation illégale de drogues
- Usage inapproprié de fonds de campagne
- Diverses fautes professionnelles
Des accusations graves, que Gaetz a toujours farouchement niées. Mais sa démission précipitée, visant à court-circuiter les investigations, crée un imbroglio sans précédent. Prise de court, la commission est contrainte de mettre un terme à ses travaux, le suspect n’étant plus député. Le rapport tant attendu restera-t-il donc lettre morte ?
Pressions pour étouffer le rapport
C’est bien le souhait de influents élus républicains, qui montent immédiatement au créneau pour empêcher toute publication. A commencer par Mike Johnson, président de la Chambre, qui juge que le rapport « n’a plus lieu d’être » et appelle à passer l’éponge en catimini. Mais en coulisses, nombre de parlementaires s’indignent et dénoncent un scandaleux déni de justice. Des élus des deux bords réclament à cor et à cri que le fruit de longs mois d’enquête soit a minima transmis au Sénat, seul habilité à statuer sur la nomination des ministres.
Il n’y a pas d’accord au sein de la commission pour publier le rapport.
Michael Guest, président de la Commission d’éthique
Mercredi, lors d’une réunion marathon à huis clos, le ton est monté entre partisans de la transparence et défenseurs de l’omerta. Tard dans la soirée, c’est la douche froide. Les deux camps n’ont pu s’entendre, laissant le dossier dans les limbes. « Il n’y a pas d’accord au sein de la commission pour publier le rapport », lâche laconiquement le président Michael Guest à sa sortie, visiblement ulcéré.
Le Sénat hausse le ton, le FBI sous pression
Mais l’affaire est loin d’être enterrée. Car ce blocage en règle passe très mal auprès de la puissante commission judiciaire du Sénat, qui doit se prononcer sur le sort de Gaetz. Son président démocrate Dick Durbin sort l’artillerie lourde et adresse une lettre au vitriol au patron du FBI, Christopher Wray. Il exige ni plus ni moins que lui soit communiqué en urgence l’intégralité du dossier d’enquête fédéral visant l’élu, et en particulier les éléments sur ses relations sexuelles présumées avec une mineure.
Ouvert en 2021 puis mystérieusement refermé sans suite en 2023 sans que l’on sache pourquoi, ce volet hautement sensible pourrait faire exploser la torpille Gaetz en plein vol. « Nous devons examiner en détail la crédibilité de ces accusations gravissimes pour que le Sénat puisse remplir son devoir constitutionnel », tonne Durbin, mettant une pression maximale sur le FBI.
Bras de fer en vue, investiture sous tension
Le bras de fer ne fait que commencer. Et au-delà du cas Gaetz, c’est la crédibilité et la réputation du futur gouvernement Trump qui se jouent. Nommer un ministre de la Justice traînant de telles casseroles judicaires et éthiques serait du jamais vu, et ferait immédiatement peser une lourde hypothèque sur le nouvel exécutif. Mais le tempétueux milliardaire, qui a lui-même dû faire face à de multiples affaires et enquêtes, semble prêt à passer en force.
Du côté démocrate comme chez certains républicains, la pilule a du mal à passer. Beaucoup jugent la situation intenable et s’interrogent sur les motivations profondes de Trump. Cherche-t-il, en adoubant un fidèle aux mœurs troubles, à s’assurer une justice aux ordres ? L’hypothèse inquiète jusqu’au sein du « Grand Old Party ».
En attendant, le Sénat retient son souffle. Sans un dossier solide transmis par le FBI ou une improbable résurrection du rapport de la Chambre, la commission judiciaire aura bien du mal à s’opposer à la nomination de Gaetz. Sauf coup de théâtre, il devrait donc accéder contre vents et marées à l’imposant bureau du ministre au sommet du département de la Justice. Avec quelles conséquences pour l’État de droit ? L’investiture du 20 janvier, sous plus haute surveillance que jamais, pourrait donner un avant-goût du chaos à venir.