Au Kenya, un collectif de défenseurs des droits de l’Homme tire la sonnette d’alarme. Dans un communiqué publié mercredi, ils s’inquiètent du sort de trois jeunes influenceurs kényans, connus pour leurs critiques à l’égard du pouvoir en place. Billy Mwangi, 24 ans, Peter Muteti, 22 ans, et Bernard Kavuli, 24 ans, auraient été victimes d’enlèvements ces derniers jours.
Selon des sources proches du dossier, Billy Mwangi aurait été kidnappé samedi dernier en raison de posts sur les réseaux sociaux critiquant ouvertement le président kényan. Quant à Peter Muteti, quatre hommes armés, dont un en uniforme de police, l’auraient enlevé devant son domicile à Nairobi samedi matin. Le même sort aurait été réservé à Bernard Kavuli dimanche soir, alors qu’il se trouvait dans une station-service au sud-ouest de la capitale. Là encore, ses messages pointant du doigt la responsabilité du gouvernement dans les violences post-électorales de 2007 lui auraient valu ces représailles.
La police nie toute implication, le silence de l’État inquiète
Face à ces disparitions forcées, qui s’inscrivent dans une vague sans précédent d’enlèvements et d’assassinats au Kenya selon la Commission kényane des droits de l’Homme, le mutisme des autorités est assourdissant. Si la police nationale a publiquement nié mardi être à l’origine de ces kidnappings, le collectif de défenseurs des droits exhorte les forces de l’ordre à ouvrir des enquêtes pour identifier et poursuivre les responsables.
Si, comme l’a déclaré publiquement mardi le porte-parole de la police nationale, les enlèvements ne sont pas l’œuvre de la police, les agences de sécurité et de maintien de l’ordre doivent démontrer leur engagement en faveur de la justice en demandant des comptes aux responsables de ces enlèvements
Un collectif de défenseurs des droits humains
Pour ces ONG, toute inaction des autorités créerait un précédent dangereux et encouragerait de nouvelles violations des droits humains. Elles rappellent qu’en juin et juillet derniers, la violente répression policière des manifestations antigouvernementales a fait plus de 60 morts. Depuis, les disparitions forcées se multiplient, visant en priorité des voix critiques.
La société civile se mobilise et appelle à libérer les disparus
Le collectif ayant publié le communiqué dénonce également les conditions de détention de Gabriel Supeet, actuellement emprisonné dans un commissariat, ainsi que la disparition d’une certaine Naomi, activiste web dont le nom complet n’a pas été divulgué. Au total, ce sont 74 personnes qui auraient été enlevées depuis les manifestations selon un décompte de la Commission kényane des droits de l’Homme début décembre. Parmi elles, 26 sont toujours portées disparues.
D’éminentes personnalités politiques kényanes, comme l’ex-Premier ministre Raila Odinga et l’ancien vice-président déchu Rigathi Gachagua, ont appelé le gouvernement à mettre un terme à ces enlèvements extrajudiciaires. Le barreau kenyan a lui aussi réclamé à ce que « les policiers abandonnent et renoncent à ces tactiques absurdes et répressives qui ont caractérisé 2024 ».
Un pouvoir qui cherche à museler toute voix dissidente
Pour de nombreux observateurs, cette vague d’enlèvements visant des influenceurs critiques du régime s’inscrit dans une dérive autoritaire inquiétante du Kenya. Depuis l’élection controversée du président actuel, la contestation populaire n’a cessé de s’amplifier, nourrie par la dégradation de la situation économique et des libertés fondamentales.
En s’attaquant à des jeunes leaders d’opinion très suivis sur le web, le pouvoir chercherait à décapiter toute forme d’opposition et à dissuader ceux qui seraient tentés de s’élever contre sa politique. Une dérive sécuritaire aux relents de dictature que la communauté internationale ne peut ignorer, au risque de voir le Kenya sombrer dans une crise politique majeure.
La peur change de camp mais la mobilisation ne faiblit pas
Malgré ce climat de terreur, les kényans continuent de se mobiliser pour réclamer plus de justice sociale et défendre leurs droits fondamentaux. Sur les réseaux sociaux, les hashtags #FreeBilly, #WhereIsPeter ou encore #BringBackBernard fleurissent pour exiger la libération des activistes disparus. Des manifestations sont organisées quotidiennement dans les grandes villes du pays, malgré la menace d’une répression sanglante.
Pour les proches des victimes et les défenseurs des droits humains, il est vital de maintenir la pression sur les autorités afin que toute la lumière soit faite sur ces enlèvements et que les coupables soient traduits en justice. Car au-delà du sort tragique de ces trois jeunes hommes, c’est l’avenir démocratique du Kenya qui est aujourd’hui en jeu.