L’opposition guinéenne est sous le choc après l’arrestation musclée d’un de ses responsables, Abdoul Sacko, tôt mercredi matin à son domicile en banlieue de Conakry. Selon des proches, des hommes masqués à bord de trois véhicules sont venus l’appréhender, ligotant les occupants d’une maison voisine au passage. Une méthode qui suscite l’indignation des Forces vives de Guinée, la coalition d’opposition dont M. Sacko fait partie.
« Un enlèvement » qui risque d’aggraver les tensions
En l’absence de convocation officielle ou de motif légal apparent, les membres de l’opposition n’hésitent pas à parler « d’enlèvement ». Biro Barry, proche collaborateur d’Abdoul Sacko, exige sa « libération immédiate et inconditionnelle ». L’opposant avait déjà été brièvement interpellé en mars dernier pour son implication dans l’organisation de manifestations interdites par le pouvoir.
C’est avec beaucoup d’indignation mais sans surprise que nous avons appris cet autre enlèvement d’une des rares voix critiques de la société civile encore présente sur le terrain.
– Alseny Sall, Organisation guinéenne de défense des droits de l’homme (OGDH)
Pour les défenseurs des droits humains, cette arrestation s’inscrit dans un contexte de répression de la liberté d’expression et de mise au pas de l’opposition par la junte militaire au pouvoir depuis 2021. Deux autres opposants de premier plan, Oumar Sylla et Mamadou Billo Bah, sont portés disparus depuis juillet 2024, tandis qu’Aliou Bah a été condamné en janvier à 2 ans de prison pour « offense » au chef de la junte, le général Mamadi Doumbouya.
La société civile sous pression
L’espace démocratique ne cesse de se réduire en Guinée selon les observateurs. Les manifestations réclamant un retour à l’ordre constitutionnel sont systématiquement interdites, tandis que plusieurs médias indépendants ont été contraints à la fermeture. Un climat de peur s’est installé dans la société civile, dont les leaders sont particulièrement exposés à la répression.
S’il y a quelque chose qu’on lui reproche, qu’on lui dépose une convocation en bonne et due forme. En tant que citoyen, il est obligé de répondre. Mais ce genre d’enlèvement, il faut arrêter ça.
– Biro Barry, cadre du Forum des forces sociales
L’opposition réclame le respect de l’État de droit et des libertés fondamentales, dans un pays dirigé d’une main de fer par les militaires depuis le coup d’État de 2021. Mais le général Doumbouya semble déterminé à rester sourd à ses revendications, n’hésitant pas à utiliser la manière forte pour réduire ses opposants au silence.
La communauté internationale interpellée
Face à la dégradation continue de la situation des droits de l’homme, les regards se tournent vers la communauté internationale. Les partenaires de la Guinée sont appelés à faire pression sur la junte pour obtenir la libération d’Abdoul Sacko et des autres détenus politiques, ainsi que des garanties sur le respect des libertés publiques.
Mais jusqu’à présent, les condamnations sont restées timides, laissant le champ libre au pouvoir militaire pour resserrer son emprise sur le pays. L’enlèvement d’Abdoul Sacko pourrait cependant marquer un nouveau palier dans la répression, et obliger la communauté internationale à hausser le ton face aux dérives autoritaires du régime.
Une chose est sûre : sans un engagement ferme en faveur du retour à l’ordre constitutionnel et du respect des droits humains, la Guinée risque de s’enfoncer durablement dans la crise politique. Et les premières victimes en seront, comme toujours, les citoyens et les forces vives qui aspirent à plus de liberté et de démocratie.