C’est une histoire qui soulève l’indignation. Une fillette française de 11 ans, née au Sénégal, a été retenue contre son gré pendant plusieurs jours dans une zone d’attente de l’aéroport d’Orly, près de Paris. Son seul tort ? Avoir vu son passeport français, pourtant en règle, remis en cause par les autorités à son arrivée sur le territoire le 19 octobre dernier.
Malgré son jeune âge, l’enfant a été placée dans un espace exigu de 3m2 réservé aux mineurs, séparée des adultes par un simple paravent. Un traitement choquant qui bafoue les droits fondamentaux des plus jeunes, dénonce son avocat Me Samy Djemaoun. D’autant que les enfants retenus en zone d’attente sont soumis à un régime particulièrement strict : extraits de leur chambre d’hôtel dès 6h du matin, ils n’y retournent qu’à 21h, sans possibilité de prendre l’air de la journée.
Une irrégularité manifeste selon la justice
Alerté, le tribunal administratif de Melun a rendu une ordonnance en urgence le mercredi 24 octobre. Constatant une “atteinte grave et manifestement illégale” à la liberté d’aller et venir de l’enfant, le juge des référés a enjoint à l’administration de lui permettre “sans délai” d’entrer sur le territoire pour rejoindre sa famille, de nationalité française.
Pour le magistrat, le refus de délivrance d’un certificat de nationalité opposé à la fillette était irrégulier, alors même que son père et sa fratrie disposent de ce document, qui n’a jamais été contesté. Une notification entachée de vices de procédure selon l’ordonnance.
Chaque année, des centaines d’enfants sont enfermés aux frontières françaises, en violation des conventions internationales.
Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers (Anafé)
Un phénomène dénoncé par les associations
Au-delà de ce cas particulier, l’enfermement de mineurs en zone d’attente est une réalité dénoncée de longue date par les associations de défense des droits. En septembre dernier, l’Anafé (Association nationale d’assistance aux frontières pour les étrangers) tirait la sonnette d’alarme : chaque année, ce sont des centaines d’enfants qui subissent ce sort, en violation des conventions internationales protégeant les plus vulnérables. L’association demande une nouvelle fois qu’il soit mis fin à ces pratiques.
Des procédures opaques et des droits bafoués
Comment de telles situations sont-elles possibles ? Les personnes retenues en zone d’attente, a fortiori lorsqu’il s’agit d’enfants, sont souvent démunies face à des procédures administratives complexes et opaques. Notification irrégulière des décisions, délais de recours insuffisants, difficultés d’accès à un avocat ou un interprète…Autant d’obstacles qui entravent l’exercice effectif de leurs droits.
Des sources proches du dossier soulignent également les conditions spartiates de ces lieux privatifs de liberté. Promiscuité, absence d’intimité, activités quasi inexistantes, accès limité aux soins… Autant de facteurs aggravants pour ces enfants déjà fragilisés par un parcours d’exil.
Vers une prise de conscience des pouvoirs publics ?
Cette affaire, qui a suscité une large indignation, pourrait contribuer à faire évoluer les pratiques. Plusieurs parlementaires se sont émus de la situation et comptent interpeller le gouvernement. Le respect des droits fondamentaux des enfants, quelle que soit leur nationalité, doit être une priorité absolue, insiste un député.
De son côté, le ministère de l’Intérieur indique suivre le dossier de près. Des consignes ont été passées pour que les procédures concernant les mineurs soient strictement respectées et pour renforcer le dialogue avec les associations, assure-t-on. L’objectif : éviter que de tels drames ne se reproduisent.
Car au-delà des débats sur le droit d’asile et les politiques migratoires, c’est bien de la protection de l’enfance dont il est question. Une mission régalienne que l’État ne peut se permettre de négliger, sous peine de renier ses valeurs les plus essentielles. La liberté et la dignité des plus jeunes méritent mieux que des murs et des barreaux.