Imaginez un aigle royal, majestueux et fier, incapable de déployer ses ailes, prisonnier d’un destin imposé par la cruauté humaine. En Tunisie, cette scène n’est pas une fatalité. Depuis deux ans, une poignée de jeunes passionnés se bat pour rendre à ces oiseaux leur liberté perdue, un combat aussi émouvant que captivant qui mêle espoir, détermination et amour de la nature.
Une Mission pour la Vie Sauvage
Dans ce pays où la biodiversité souffre en silence, un programme nommé « ResQ » a vu le jour sous l’impulsion d’une association dédiée à la vie sauvage. Ces bénévoles, souvent des vétérinaires ou de simples amoureux des animaux, consacrent leurs week-ends à une cause noble : sauver des rapaces blessés, soigner ceux arrachés aux griffes des trafiquants et réveiller les consciences.
L’Histoire d’un Aigle Rendu au Ciel
Un dimanche, au sommet d’une montagne à une cinquantaine de kilomètres de Tunis, un moment rare s’est produit. Un aigle royal, que l’on appellera ici « le roi des cimes », a repris son envol après des mois de soins. Retrouvé déshydraté, les ailes mutilées et les serres abîmées, il avait été confisqué à un particulier dans le sud du pays en juillet 2024. Aujourd’hui, il plane à nouveau, symbole d’une victoire fragile mais réelle.
Réhabiliter un animal sauvage et le rendre à la nature, c’est exceptionnel.
– Une responsable de l’association
Ce n’est pas un cas isolé. En deux ans, plus de 200 animaux – faucons, busards, milans, voire fennecs – ont retrouvé leur habitat naturel grâce à ces efforts. Mais pour cet aigle, le chemin a été long : des semaines de soins intensifs, une alimentation adaptée et un suivi minutieux pour s’assurer qu’il soit prêt à survivre seul.
Un Centre de Sauvetage Improvisé
À l’ouest de Tunis, dans une ferme modeste, un expert en biodiversité a transformé son terrain en refuge. À côté des poules qui caquettent, une volière abrite une dizaine de rapaces en convalescence. Leurs ailes, souvent coupées par des braconniers pour les empêcher de s’échapper, repoussent lentement. Ce lieu, construit avec peu de moyens, est devenu le cœur battant de cette initiative.
Les animaux soignés ici proviennent majoritairement de saisies effectuées par les autorités forestières. Chaque oiseau, chaque mammifère représente une histoire de lutte contre le trafic illégal, un fléau qui menace la faune locale.
Pourquoi Cet Aigle Compte Tant
Avec seulement **50 couples d’aigles royaux** recensés en Tunisie, chaque relâcher est une goutte d’espoir dans un océan de défis. Cet oiseau, libéré dans une zone riche en proies et propice à la reproduction, pourrait revenir l’an prochain avec des petits. Un rêve qui motive ces jeunes à persévérer.
Selon un bénévole, la période actuelle, marquée par la migration des rapaces entre l’Afrique centrale et l’Europe, est idéale pour ce genre d’opération. Les conditions sont réunies pour que cet aigle s’épanouisse à nouveau, loin des cages et des chaînes.
Les Ennemis de la Faune : Braconnage et Ignorance
Le braconnage reste une plaie ouverte en Tunisie. Les rapaces, prisés pour leur beauté ou exploités pour le tourisme, finissent souvent mutilés ou captifs. Dans certaines régions, des visiteurs se font photographier avec des faucons, alimentant sans le savoir un commerce illégal.
Si vous voulez voir un rapace, prenez des jumelles et allez dans la nature.
– Un membre de l’équipe ResQ
Face à cela, l’équipe filme chaque relâcher avec une caméra embarquée. Ces images, diffusées sur les réseaux sociaux, visent à éduquer un public souvent inconscient des lois protégeant ces espèces. Car oui, en Tunisie, capturer un aigle royal est illégal, mais l’ignorance persiste.
Une Jeunesse Engagée
Ce qui frappe dans cette initiative, c’est la jeunesse de ses acteurs. Vétérinaires en herbe, naturalistes autodidactes ou informaticiens reconvertis, ils apportent une énergie nouvelle à la cause. Une étudiante raconte avec fierté avoir participé au sauvetage de l’aigle dès son arrivée au centre, un souvenir qui l’a marquée à jamais.
Leur présence est aussi un atout pour toucher un public plus large. Grâce à eux, l’association s’est lancée sur Instagram et explore des plateformes de financement participatif pour soutenir ses projets.
Les Défis d’une Cause Coûteuse
Sauver un aigle royal n’est pas une mince affaire. Chaque jour, il dévore **500 grammes de viande**, un budget conséquent dans un pays où les prix grimpent. L’association, qui repose entièrement sur des dons privés, doit redoubler d’ingéniosité pour tenir le coup.
- Rénover les volières pour accueillir plus d’animaux.
- Créer un espace éducatif pour sensibiliser les écoles.
- Multiplier les relâchers pour stabiliser les populations.
Ces objectifs, portés par une équipe déterminée, montrent que la bataille est loin d’être gagnée. Mais chaque oiseau qui reprend son envol est une preuve que le changement est possible.
Un Combat Plus Large
Derrière ces actions, il y a une ambition : préserver un écosystème menacé. L’aigle royal, inscrit sur la liste rouge des espèces en danger, souffre de la chasse, du braconnage et de la disparition de son habitat. En le sauvant, ces jeunes protègent un maillon essentiel de la biodiversité tunisienne.
D’après une source proche, les relâchers ne sont que la partie visible de l’iceberg. Sensibiliser, éduquer et sanctionner les abus sont les prochains défis à relever pour que ces oiseaux continuent de régner sur les cimes.
Et Après ?
Le quatrième relâcher d’un grand rapace en deux ans marque un tournant. Mais avec des dizaines d’animaux encore en attente de soins, le travail ne s’arrête pas. Ces jeunes Tunisiens, armés de passion et de volonté, nous rappellent une vérité simple : la nature ne se sauvera pas seule.
Alors, la prochaine fois que vous croiserez un rapace en cage ou un touriste posant avec un faucon, posez-vous la question : et si cet oiseau avait une chance de voler à nouveau ? En Tunisie, certains ont déjà répondu.