Depuis juin 2024, la petite commune de Lure en Haute-Saône vit dans l’inquiétude. La raison ? L’assignation à résidence de Karim Mohamed-Aggad, 34 ans, frère de l’un des terroristes du Bataclan et fiché S, dans l’attente de son expulsion du territoire français.
Sur place, les habitants s’alarment de cette présence qu’ils viennent tout juste d’apprendre. Une ombre funeste semble s’être abattue sur cette bourgade paisible de 8000 âmes.
Une présence fugace mais angoissante
Bien que discrète et presque invisible, la présence de Karim Mohamed-Aggad suscite l’émoi. En effet, selon une source proche du dossier, il s’agit du frère de Foued Mohamed-Aggad, l’un des assaillants ayant perpetré le sanglant attentat du Bataclan.
Condamné en mai 2017 pour « association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste » après plusieurs mois passés en Syrie entre 2013 et 2014, Karim Mohamed-Aggad a été déchu de sa nationalité en novembre 2023. Détenu 7 mois, durée maximale autorisée, en centre de rétention, il a ensuite été transféré à Lure sous résidence surveillée.
Un quotidien sous haute surveillance
Désormais, cet homme de 34 ans originaire d’Alsace se présente matin, midi et soir à la gendarmerie de Lure, comme la loi l’y oblige. Soumis à un couvre-feu de 21h à 7h du matin, il voit ses moindres faits et gestes scrutés.
Rencontré par une équipe de TF1, Karim Mohamed-Aggad dit souffrir de l’image de son frère. Une situation délicate pour celui qui se définit comme apatride depuis qu’il a été déchu de la nationalité française.
Des habitants sous le choc
Du côté des Lurons, c’est la consternation. « Ça ne donne vraiment pas envie de se balader avec ses enfants, mais que faire ? », se lamente une habitante, encore sous le choc de la nouvelle. Un autre riverain déplore : « C’est sûr que quand ça tombe chez nous, ça ne fait jamais plaisir… ».
La municipalité, quant à elle, monte au créneau. Non informée par la préfecture lors de l’arrivée de Karim Mohamed-Aggad fin juin 2024, elle demande aujourd’hui à ce que l’individu soit déplacé au plus vite. « Ce n’est pas acceptable pour une petite ville comme la nôtre », tonne le premier adjoint Stéphane Frechard.
Un blocage administratif
Problème : ni l’Algérie, pays de son père, ni le Maroc, pays de sa mère, n’ont délivré le laissez-passer consulaire indispensable à l’expulsion de Karim Mohamed-Aggad. Une situation de blocage qui pourrait, d’ici 4 mois, conduire à sa remise en liberté si les juges en décident ainsi.
Son avocat, Me Matthieu Bagard, pointe du doigt les autorités françaises qui se seraient « abstenues de vérifier » la nationalité de son client auprès de l’Algérie et du Maroc avant de le déchoir de sa nationalité française. Un imbroglio juridique qui maintient les habitants de Lure dans l’expectative et la crainte.
Un cas loin d’être isolé
Aussi surprenante soit-elle, la situation de Lure est loin de constituer un cas unique. Comme l’explique Me Vanessa Edberg, avocate spécialisée en droit des étrangers, les individus radicalisés ayant déjà séjourné en centre de rétention « sont hébergés aux frais de l’État dans des hôtels, le plus souvent situés à la campagne pour des raisons de discrétion et de sécurité ».
Un constat qui ne risque pas d’apaiser les inquiétudes des habitants de Lure. Car tant que la situation administrative de Karim Mohamed-Aggad restera bloquée, cette petite commune de Haute-Saône devra composer avec la présence troublante de cet homme au lourd passé.
Un casse-tête pour les autorités locales et un véritable défi pour la tranquillité des Lurons, désormais suspendus au sort judiciaire de cet individu fiché S. La paisible bourgade se voit ainsi, bien malgré elle, projetée au cœur de l’épineuse question du suivi des personnes radicalisées en France.
