Depuis sa défaite aux élections législatives de juillet dernier, Emmanuel Macron semble avoir adopté une nouvelle posture : celle du retrait. “Le président préside”, martèle-t-on à l’Élysée pour signifier que le chef de l’État entend désormais se tenir à distance de la conduite des affaires nationales. Une stratégie de repli sur ses “domaines réservés” qui ne manque pas d’intriguer.
Un président en retrait ?
Si Emmanuel Macron continue de recevoir régulièrement des députés de son camp en petit comité, comme il l’a fait ce mardi avec une dizaine d’entre eux juste avant la déclaration de politique générale de Michel Barnier, son influence sur la marche du gouvernement semble moins évidente qu’auparavant. “Qu’ils se démerdent !” aurait-il même lâché en privé à propos de son gouvernement selon certains échos.
Cette mise en retrait volontaire traduit-elle un désengagement du président vis-à-vis des enjeux nationaux ? Pas si simple. Il s’agirait plutôt d’un repli stratégique sur ce que l’on appelle les “domaines réservés” du président, à savoir principalement les questions internationales et régaliennes comme la défense ou la diplomatie.
Garder la main malgré tout
En laissant une plus grande marge de manœuvre à Michel Barnier et à son gouvernement sur les dossiers intérieurs, Emmanuel Macron cherche à se préserver d’un contexte politique compliqué marqué par l’absence de majorité absolue à l’Assemblée. Une façon de ne pas “se brûler les ailes”, analyse un proche du président.
Mais le chef de l’État n’a pas pour autant renoncé à peser sur les orientations gouvernementales. Les déjeuners réguliers avec des parlementaires de la majorité lui permettent de continuer à prendre le pouls de son camp et potentiellement d’influer, même indirectement, sur certains arbitrages.
Il veut montrer qu’il garde la main, même de loin.
Un proche d’Emmanuel Macron
Un équilibre des pouvoirs inédit
Cette nouvelle donne politique inaugure en réalité un exercice inédit du pouvoir sous la Vème République. Pour la première fois, le président doit composer avec un gouvernement qui ne dispose pas de la majorité absolue au Parlement, l’obligeant à un subtil jeu d’équilibriste.
“C’est un vrai défi pour Emmanuel Macron qui doit à la fois laisser de l’espace à son Premier ministre pour négocier des compromis, tout en s’assurant que les réformes ne dénaturent pas son projet présidentiel”, analyse un constitutionnaliste.
L’opposition dans le viseur
En se mettant en retrait, le président semble aussi vouloir laisser l’opposition se déchirer et encourir le risque de l’impopularité. “L’idée c’est de leur faire porter le chapeau en cas de blocage et d’apparaître en recours”, décrypte un stratège macroniste.
Un pari risqué alors que les oppositions, notamment la NUPES et le RN, comptent bien utiliser leur poids à l’Assemblée pour mettre en difficulté l’exécutif et arracher des concessions, quitte à gripper la machine.
Vers une dissolution ?
Si la situation devait se tendre davantage, la question d’une dissolution pourrait revenir sur la table. Mais Emmanuel Macron a d’ores et déjà prévenu ses troupes qu’il n’en était pas question avant l’été 2024 au plus tôt, échéance à partir de laquelle la Constitution le lui permettra de nouveau.
D’ici là, le chef de l’État mise sur un jeu de patience et d’usure vis-à-vis de ses opposants. Quitte à rester en marge de la politique gouvernementale et à concentrer son action sur le front international, où il bénéficie d’une plus grande latitude.
L’international comme échappatoire
Porte-voix de l’Europe face à la guerre en Ukraine, médiateur dans plusieurs conflits régionaux, promoteur d’un “nouvel ordre mondial”… Sur la scène internationale, Emmanuel Macron n’a jamais semblé aussi actif, multipliant les initiatives et les prises de parole.
Une hyperactivité qui contraste avec sa posture plus en retrait au niveau national. “La diplomatie lui permet de donner une autre dimension à sa présidence et de rappeler qu’il reste un acteur central malgré la perte de la majorité”, observe un diplomate.
Une stratégie à hauts risques
Mais cette stratégie d’évitement n’est pas sans risque pour le président. D’abord parce qu’elle peut donner le sentiment d’un désintérêt pour les préoccupations des Français, à l’heure où le pays traverse de multiples crises.
Ensuite parce que le succès de cette posture dépendra largement de la capacité du gouvernement à trouver des compromis avec les oppositions, sans trop dévier de la ligne présidentielle. Un exercice d’équilibriste permanent qui promet d’être périlleux.
Emmanuel Macron joue donc une partie délicate, entre affirmation de son autorité et nécessité de composer avec un nouveau rapport de force politique. Une équation complexe qui testera ses talents de fin stratège et déterminera largement la réussite ou non de la deuxième partie de son quinquennat.