28 juillet 1952. Helsinki, Finlande. Dans le stade olympique bondé, un homme s’apprête à entrer dans l’histoire. Emil Zatopek, 29 ans, représentant de la Tchécoslovaquie, a déjà remporté de haute lutte le 10 000 mètres et le 5 000 mètres. Il s’élance maintenant sur le marathon, distance qu’il n’a jamais courue. Ce qui s’ensuivra est l’un des plus grands exploits de l’histoire de l’athlétisme.
Un athlète d’exception forgé dans l’effort
Né en 1922 dans une famille modeste de Moravie, Zatopek travaille comme ouvrier dans une usine de chaussures Bata. C’est là qu’il découvre la course à pied, à 16 ans, lors d’une compétition inter-entreprise. Rapidement, son talent et sa ténacité se révèlent. Ses collègues le surnomment “la locomotive” pour sa foulée caractéristique et son inépuisable endurance.
Sélectionné pour les championnats d’Europe d’athlétisme en 1946, Zatopek remporte le 5000 mètres avec panache. C’est une révélation. Mais le perfectionniste est persuadé qu’il peut faire encore mieux. Il intensifie ses entraînements, court par tous les temps, enchaîne les fractionnés au bord de l’épuisement. Son credo : “Quand on veut déplacer ses limites, il faut accepter de souffrir.”
Londres 1948 : la confirmation
Aux Jeux de Londres en 1948, Zatopek survole le 10 000 mètres et décroche l’or avec un nouveau record olympique. Il prend aussi l’argent sur 5000 m. Frustré d’être passé si près du doublé, il repart s’entraîner dur, avec une obsession : les Jeux d’Helsinki.
“Je pensais à Helsinki presque chaque minute. Je n’avais qu’un but, me préparer pour gagner.”
Emil Zatopek
1952 : la consécration olympique
Le 20 juillet 1952, dans un stade d’Helsinki archi-comble, Zatopek conserve son titre sur 10 000 m en battant le record du monde. Puis il enchaîne avec une nouvelle médaille d’or sur 5000 m après un duel épique avec le Français Alain Mimoun. Du jamais vu ! Mais Zatopek ne veut pas s’arrêter là. Trois jours avant la cérémonie de clôture, il annonce sa participation au marathon.
Stupeur ! Il n’a jamais couru cette distance. C’est de la folie selon les experts. Mais Zatopek est déterminé. Il prend le départ. Rapidement, il se porte en tête de course. Seul l’Argentin Reinaldo Gorno parvient à suivre son rythme infernal. Au trentième kilomètre, Zatopek se retourne vers Gorno et lui demande, inquiet : “Le rythme n’est-il pas trop rapide ?” La réponse est sans appel : “Non, il est bon.” Rassuré, Zatopek accélère. Il finit par lâcher son courageux adversaire et franchit la ligne d’arrivée, épuisé mais vainqueur. En 2h23min03s, il pulvérise le record olympique !
Un triplé entré dans la légende
5000 mètres, 10 000 mètres, marathon : jamais personne n’avait réussi un tel triplé dans l’histoire des Jeux. Les journalistes sont subjugués par “l’homme aux poumons d’acier”. Mais plus que ses records, c’est son esprit qui force le respect. Fair-play, toujours prompt à féliciter ses adversaires, Zatopek incarne les valeurs de l’olympisme.
Après Helsinki, Zatopek continue à courir et à gagner jusqu’à la fin des années 50. Puis il rentre dans le rang, sans s’éloigner du monde sportif qu’il aime tant. En 2000, peu avant sa mort, il est élu athlète tchèque du siècle. Un hommage mérité pour celui qui, en ce 28 juillet 1952, est entré au panthéon du sport.
71 ans après ses exploits, Emil Zatopek reste une source d’inspiration pour les athlètes du monde entier. Son message semble intemporel : “Si tu veux courir, cours un kilomètre. Si tu veux changer ta vie, cours un marathon.” Et si tu veux entrer dans la légende, fais comme Zatopek à Helsinki !