Le monde numérique est en ébullition. Elon Musk, le propriétaire controversé du réseau social X, anciennement connu sous le nom de Twitter, multiplie les frasques et les ingérences dans la vie politique de plusieurs pays. Ses actions poussent l’Union Européenne à s’interroger : faut-il interdire purement et simplement la plateforme sur le Vieux Continent ?
Mercredi matin, Thierry Breton, ancien ministre français de l’Économie et ex-commissaire européen au marché intérieur, a lâché une petite bombe. Invité sur LCI, il a affirmé qu’il était « possible » d’interdire X en Europe si le réseau social ne se pliait pas aux règles européennes. Une déclaration choc qui sonne comme un avertissement pour le milliardaire américain.
Elon Musk, un « troll global » qui défie l’Europe
Depuis son rachat de Twitter en 2022, rebaptisé X en 2023, Elon Musk enchaîne les polémiques. Proche de Donald Trump, il n’hésite pas à prendre position dans les élections, à relayer des théories complotistes ou à s’immiscer dans les affaires intérieures de pays souverains.
En quelques exemples récents, le patron de Tesla et SpaceX a :
- Promu une théorie infondée sur l’attentat du marché de Noël de Magdebourg en décembre 2022, qualifiant à tort le suspect d’islamiste.
- Soutenu le parti d’extrême droite britannique Reform UK et son leader Nigel Farage.
- Vanté les mérites du président argentin Javier Milei, un populiste libertarien.
- Failli provoquer un « shutdown » aux États-Unis en critiquant un compromis budgétaire.
- Appelé les Allemands à voter pour le parti populiste de droite AfD aux élections fédérales de 2025.
Des actions coup de poing qui s’apparentent pour beaucoup à de l’ingérence électorale et de la désinformation. Un « troll global » qui piétine allègrement la souveraineté numérique des États. Face à ce défi, l’Europe entend riposter.
L’Europe peut-elle vraiment bannir X ?
Si l’on en croit Thierry Breton, c’est juridiquement possible. L’Europe dispose de deux règlements ambitieux pour réguler le numérique : le DSA sur les services numériques et le DMA sur les marchés numériques. Ces textes imposent de lourdes obligations aux grandes plateformes en termes de modération, de transparence et de concurrence.
L’interdiction de X est possible, pas de façon arbitraire, mais si nous respectons le droit. Nous avons deux lois qui permettraient éventuellement d’imposer cette obligation, le DSA et le DMA.
Thierry Breton, ex-commissaire européen
En cas de violations répétées, la Commission européenne pourrait infliger à X des amendes allant jusqu’à 6% de son chiffre d’affaires mondial, voire carrément suspendre ses services en Europe « en dernier recours ». Du jamais vu à cette échelle.
Mais la route est encore longue avant d’en arriver là. Il faudrait d’abord que les régulateurs européens et nationaux constatent des manquements avérés et répétés de X à ses obligations légales. Puis engager un bras de fer juridique avec le réseau, en sachant que Musk a les moyens de s’offrir les meilleurs avocats pour contester toute sanction. Une procédure potentiellement très longue.
En outre, certains spécialistes mettent en garde sur les risques d’une interdiction pure et simple en matière de liberté d’expression et d’accès à l’information. X reste l’une des plus grandes plateformes au monde, utilisée par des centaines de millions de personnes, médias et institutions pour communiquer.
Je suis très réservé sur l’hypothèse d’une interdiction. Ce serait inédit et très compliqué. Cela reviendrait à couper tout un pan de l’écosystème informationnel.
Un expert du numérique souhaitant rester anonyme
Elon Musk en croisade contre la « censure »
De son côté, Elon Musk rejette en bloc les accusations d’irresponsabilité et crie à la « censure ». Pour lui, toute régulation est une atteinte à la liberté d’expression quasi-absolue qu’il prône. Une vision très « Silicon Valley » et premier amendement, aux antipodes de l’approche européenne qui cherche un équilibre entre droits et devoirs sur internet.
Sur X, le milliardaire n’a pas hésité à tacler Thierry Breton, le qualifiant de technocrate « non élu » voulant « censurer tout ce qui le dérange ». Il menace même de couper l’accès à X en Europe si les régulateurs s’en prennent à sa plateforme. Face à cette escalade, beaucoup appellent à l’apaisement et au dialogue des deux côtés de l’Atlantique. Le G7 numérique qui se tiendra au Japon en avril pourrait être l’occasion d’aborder le sujet et de mettre tout le monde autour de la table.
Vers un choc des modèles
Car au-delà de la seule question de X, c’est un choc des modèles qui se profile. D’un côté l’Europe qui cherche à se doter d’un modèle numérique équilibré, basé sur des règles et valeurs communes. De l’autre, la vision techno-libertarienne d’Elon Musk qui voit internet comme un « Far West » où seule la loi du plus fort prévaut.
Avec Musk, on revient à l’idée d’un internet totalement débridé et dérégulé. C’est une régression démocratique. L’Europe doit tenir bon sur ses principes.
Un député européen souhaitant garder l’anonymat
L’avenir nous dira lequel de ces deux modèles l’emportera. Mais une chose est sûre : la partie d’échecs qui s’engage entre Elon Musk et l’Europe sera décisive pour façonner le visage d’internet dans les années à venir. Avec en jeu rien de moins que notre souveraineté numérique et nos libertés fondamentales en ligne.