Une véritable onde de choc secoue le paysage médiatique et politique allemand depuis la publication ce samedi d’une tribune signée Elon Musk dans les pages de Die Welt, l’un des principaux quotidiens allemands. Dans cette tribune qui fait déjà polémique, le milliardaire controversé réaffirme sans ambages son soutien au parti d’extrême droite Alternative für Deutschland (AfD), et ce en pleine campagne pour les élections anticipées de février prochain.
La déflagration est immédiate : Eva Marie Kogel, rédactrice en chef de Die Welt responsable des contenus éditoriaux, présente sa démission dès le lendemain de la parution. Sur le réseau social X (ex-Twitter), également propriété d’Elon Musk, elle justifie son départ :
Aujourd’hui, un texte d’Elon Musk est paru dans le Welt am Sonntag. Hier, j’ai présenté ma démission après impression.
Eva Marie Kogel, ex-rédactrice en chef de Die Welt
L’AfD, « dernière lueur d’espoir » selon Musk
Dans sa tribune au vitriol, celui qui est aussi le patron de Tesla et SpaceX ne mâche pas ses mots. Il écrit ainsi que l’AfD est « la dernière lueur d’espoir pour ce pays », qu’il juge « au bord de l’effondrement économique et culturel ». Le milliardaire se fait le chantre de la « politique d’immigration contrôlée » du parti ou de son souhait de « réduire les impôts » et de « déréglementer le marché ».
Des propos qui font écho au tweet déjà très polémique publié par Elon Musk le 20 décembre dernier, dans lequel il assurait que « seule l’AfD » pouvait « sauver l’Allemagne ». Une sortie qui avait déjà créé un certain malaise, en pleine campagne électorale.
Contre-point éditorial
Signe de la gêne provoquée au sein même de la rédaction de Die Welt, le texte d’Elon Musk est accompagné d’une contre-tribune signée du nouveau rédacteur en chef Jan Philipp Burgard. Celui-ci n’hésite pas à affirmer qu' »un génie peut aussi se tromper » et que l’AfD est « un danger pour nos valeurs et notre économie ». Il rappelle aussi qu’un de ses dirigeants, Björn Höcke, a « été condamné à plusieurs reprises pour avoir utilisé un slogan nazi interdit ». Une tentative de rééquilibrage qui n’empêchera pas la polémique d’enfler.
De vives réactions indignées
Au-delà de la démission fracassante de Mme Kogel, la publication de cette tribune suscite de nombreuses réactions outrées. Andreas Audretsch, directeur de campagne des Verts, fustige une ingérence dans le débat démocratique :
Nous ne devons pas permettre aux Elon Musk de ce monde, à l’État chinois ou aux usines à trolls russes de saper nos démocraties en Europe.
Andreas Audretsch, directeur de campagne des Verts allemands
De son côté, l’Association des journalistes allemands (DJV) dénonce une tribune s’apparentant à de la « publicité électorale ». Selon son dirigeant Mika Beuster :
Les médias allemands ne doivent pas se permettre de se laisser manipuler comme porte-voix des autocrates et de leurs amis.
Mika Beuster, dirigeant de l’Association des journalistes allemands
L’AfD, un parti controversé
Classée à l’extrême droite de l’échiquier politique, l’AfD est un parti controversé en Allemagne. Actuellement créditée en moyenne de 19% des intentions de vote dans les sondages en vue des élections de février, elle semble surfer sur une dynamique favorable malgré les critiques récurrentes sur ses positions jugées xénophobes et anti-européennes.
Le soutien appuyé et réitéré d’Elon Musk, l’homme le plus riche du monde, apparaît dans ce contexte comme un coup de projecteur inattendu et potentiellement influent. D’autant plus qu’il intervient dans le journal Die Welt, propriété du groupe de presse le plus influent d’Allemagne, Axel Springer, qui comprend aussi le tabloïd Bild, le plus lu du pays.
Reste que cette prise de position très tranchée d’un acteur majeur de la tech mondiale suscite de nombreuses interrogations. Sur sa légitimité à intervenir de la sorte dans le débat politique d’un pays étranger, à quelques semaines d’une échéance électorale majeure. Mais aussi sur le positionnement de certains grands médias, prêts à offrir une tribune aussi exposée à ce type de discours, au risque de se voir accusés de faire le jeu de l’extrême droite.
Une chose est sûre : à un peu plus d’un mois du scrutin, l’Allemagne n’avait sans doute pas besoin de ce genre de polémique. Mais il faudra désormais composer avec ce soutien encombrant d’Elon Musk à l’AfD, qui aura au moins eu le mérite de révéler certaines fractures au sein du monde médiatique. Tout en offrant, qu’on le veuille ou non, un surcroît de visibilité en or à un parti qui surfe déjà sur des vents très porteurs.