Les frasques et déclarations chocs sont devenues la marque de fabrique d’Elon Musk, patron iconoclaste de Tesla, SpaceX et maintenant de X (ex-Twitter). Sa dernière controverse en date ? La publication d’un article scientifique dans le Journal of Medical Internet Research, co-signé uniquement par lui-même et sa start-up Neuralink. Une entorse aux conventions qui n’a pas manqué de faire réagir la communauté scientifique.
Collaborateurs anonymisés
En effet, il est d’usage dans les publications académiques de citer nommément tous les co-auteurs ayant significativement contribué aux travaux, qu’il s’agisse de la conception de l’étude, de l’analyse des données ou encore de la rédaction de l’article. En se limitant à mentionner sa société, Elon Musk passe sous silence le travail de ses collaborateurs, pourtant essentiels dans ce type de projet de recherche ambitieux et complexe.
Ingénieurs, chercheurs, techniciens… Ce sont eux les forces vives de Neuralink qui œuvrent au quotidien pour concrétiser la vision du milliardaire. Sans leur expertise et leur investissement, point d’avancées spectaculaires ni de publications de haut vol. Elon Musk, en niant leurs contributions, s’arroge en quelque sorte la paternité exclusive de ces travaux novateurs sur les interfaces cerveau-machine.
Égocentrisme exacerbé ?
Ce choix de mettre en avant sa personne et son entreprise, au détriment des individualités qui la composent, peut s’interpréter de plusieurs manières. Côté face, on peut y voir la marque d’un ego surdimensionné, d’une soif inextinguible de reconnaissance et de gloire personnelle. L’entrepreneur serait obnubilé par sa propre réussite, se vivant comme un visionnaire hors normes faisant cavalier seul.
Côté pile, Elon Musk incarne à l’extrême un nouveau type de patrons plus soucieux de leur marque individuelle que des règles établies. Son personnage atypique et provocateur ferait ainsi fi des conventions pour mieux bousculer l’ordre établi. Quitte à froisser certaines susceptibilités au sein de ses équipes.
Questions éthiques
Au-delà des considérations psychologiques, le choix d’Elon Musk pose question d’un point de vue éthique. En s’accaparant le travail de l’ombre de ses collaborateurs, l’homme d’affaires envoie un message déplorable sur la valeur qu’il accorde au capital humain de ses entreprises.
Cette liste d’auteurs n’est pas passée inaperçue auprès de nombreux scientifiques et ingénieurs qui n’ont pas hésité à interpeller le patron de X sur son égocentrisme exacerbé.
– Aurélie Jean, Les Echos
Quel signal est envoyé aux jeunes talents qui seraient tentés de rejoindre l’aventure Neuralink ? Comment se sentent les chercheurs actuels dont les efforts sont ainsi gommés ? L’effet pourrait se révéler contre-productif sur le long terme, décourageant les troupes pourtant essentielles aux développements de ces technologies de rupture.
Face à ce procédé atypique qui crée le malaise, on ne peut que regretter qu’Elon Musk n’ait pas saisi l’occasion de valoriser les forces vives de Neuralink. La recherche est par essence une œuvre collective, un défi d’équipe. En y associant son nom, le fantasque milliardaire aurait pu offrir un formidable coup de projecteur à ses collaborateurs de talent, tout en incarnant un modèle inspirant de leadership.
L’histoire retiendra-t-elle cette publication comme une nouvelle facétie muskienne ou comme le symbole d’un culte de la personnalité délétère en entreprise ? L’avenir nous le dira. Une chose est sûre, le patron star serait bien avisé de ne pas négliger ses précieux co-équipiers de l’ombre, artisans indispensables de ses rêves de grandeur.