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Elizabeth Warren Exige des Réponses à UBS sur une Relocalisation

Elizabeth Warren vient d’adresser une lettre cinglante au président d’UBS et au futur secrétaire au Trésor américain. Motif : les rumeurs d’un déménagement du siège de la banque géante vers les États-Unis. La réponse est attendue avant le 19 décembre… Que cache vraiment cette offensive ?

Et si la plus grande banque suisse décidait demain de tourner le dos à la Confédération pour installer son siège à New York ou à Charlotte ? Cette hypothèse, longtemps jugée farfelue, revient avec force ces dernières semaines et provoque désormais une réaction officielle venue tout droit du Congrès américain.

Une lettre qui fait trembler Zurich et Washington

La sénatrice démocrate Elizabeth Warren, figure historique de la lutte contre les excès de Wall Street, a pris sa plume. Destination : Colm Kelleher, président du conseil d’administration d’UBS, ainsi que Scott Bessent, futur secrétaire au Trésor désigné par Donald Trump. L’objet de la missive est clair : obtenir des explications précises sur les rumeurs de relocalisation du siège social du géant bancaire aux États-Unis.

Datée du mardi et rendue publique mercredi, la lettre fixe un délai court : UBS doit répondre au plus tard le 19 décembre. Un timing qui n’a rien d’anodin, à peine un mois avant l’investiture du nouveau président américain.

Pourquoi Elizabeth Warren s’inquiète-t-elle autant ?

Pour la sénatrice du Massachusetts, le transfert d’une institution de la taille d’UBS – plus de 1 700 milliards de dollars d’actifs sous gestion après l’absorption de Credit Suisse – aurait des conséquences systémiques majeures.

Elle redoute notamment que les États-Unis deviennent le refuge de banques cherchant à fuir des réglementations plus strictes en Europe. Un scénario qui rappellerait, en pire, le mouvement inverse observé après la crise de 2008, quand certaines institutions américaines avaient envisagé de s’exiler.

« Un déplacement du siège d’une banque d’importance systémique mondiale soulèverait de sérieuses questions de stabilité financière et de supervision »

Extrait de la lettre d’Elizabeth Warren

Le bras de fer entre UBS et Berne

Le contexte helvétique est explosif. Depuis l’effondrement de Credit Suisse en mars 2023 et son rachat forcé par UBS sous la pression des autorités, le gouvernement suisse veut éviter à tout prix un nouveau désastre.

Le projet baptisé « Too big to fail 2.0 » prévoit notamment d’obliger UBS à détenir davantage de capitaux dans ses filiales étrangères. Selon les estimations de la banque, cette mesure pourrait l’obliger à immobiliser jusqu’à 26 milliards de dollars supplémentaires. Un montant que la direction juge exorbitant et susceptible de pénaliser lourdement sa compétitivité face aux géants américains.

UBS a beau répéter qu’elle accepte une large partie des nouvelles règles, elle refuse catégoriquement ce point précis. Un refus qui alimente les spéculations : la banque utiliserait-elle la menace d’un départ pour faire plier Berne ?

La rumeur qui ne meurt jamais

L’idée d’une relocalisation refait surface régulièrement depuis l’été 2023. Elle a pris une nouvelle ampleur mi-novembre lorsqu’un grand quotidien économique britannique a affirmé, citant trois sources anonymes, que Colm Kelleher avait eu des discussions informelles avec Scott Bessent et que l’administration Trump entrante se montrerait « réceptive » à l’idée d’accueillir UBS.

Réaction immédiate de la direction : Sergio Ermotti, directeur général, a qualifié la rumeur « d’absurde » et assuré que la banque n’avait « jamais menacé de quitter le pays ». UBS a depuis répété à l’envi vouloir rester une banque globale opérant depuis la Suisse.

Mais les déclarations officielles n’ont pas suffi à calmer les inquiétudes, ni à Washington ni à Berne.

Ce qu’Elizabeth Warren demande précisément

  • Tous les échanges entre UBS et l’administration Trump, y compris avec Scott Bessent
  • Les éventuels plans stratégiques concernant le siège social
  • Les analyses internes sur l’impact des nouvelles règles suisses
  • La position de la banque sur une éventuelle migration de son incorporation

Autant de questions qui, si elles étaient rendues publiques, pourraient soit clore définitivement la polémique… soit la transformer en scandale retentissant.

Un jeu à trois bandes particulièrement complexe

D’un côté, la Suisse veut protéger son système financier et sa réputation de place stable. De l’autre, les États-Unis, sous une administration Trump qui promet de déréguler massivement le secteur bancaire, pourraient voir d’un très bon œil l’arrivée d’un mastodonte supplémentaire sur leur sol.

Au centre, UBS joue une partition délicate : maintenir la pression sur Berne pour obtenir des concessions, tout en évitant de franchir la ligne rouge qui ferait d’elle une banque « étrangère » soumise à des contraintes américaines potentiellement pires.

Car paradoxalement, si les règles suisses sont jugées trop lourdes, le cadre américain – malgré les promesses de dérégulation – reste particulièrement exigeant pour les banques d’importance systémique mondiale.

Et maintenant ?

Le 19 décembre approche. UBS devra choisir entre une réponse détaillée qui risque de révéler ses cartes, ou une fin de non-recevoir qui alimenterait encore davantage les spéculations.

Dans le même temps, le Parlement suisse doit se prononcer début 2026 sur le paquet réglementaire. Tout indique que les prochains mois seront décisifs pour l’avenir de la plus grande banque helvétique… et peut-être pour l’équilibre même du système financier mondial.

Affaire à suivre, donc. Très étroitement.

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