Imaginez un archipel paradisiaque où les plages de sable blanc côtoient des eaux turquoise, mais où les urnes électorales pourraient redessiner l’avenir. Aux Seychelles, les élections présidentielles et législatives de 2025 s’annoncent comme un tournant crucial, marquées par des enjeux environnementaux brûlants et des défis sociaux persistants. Alors que les 77 000 électeurs se préparent à voter sur trois jours, le suspense est à son comble dans ce pays à la beauté envoûtante, mais confronté à des réalités complexes.
Un scrutin sous haute tension
Le processus électoral, qui débute ce jeudi, est bien plus qu’un simple rendez-vous politique. Dans cet archipel de 115 îles, connu pour son tourisme de luxe et son PIB par habitant record en Afrique (environ 18 000 dollars selon la Banque mondiale), les électeurs doivent choisir entre continuité et rupture. Le président sortant, Wavel Ramkalawan, leader de Linyon Democratik Seselwa (LDS), affronte un adversaire de poids, Patrick Herminie, à la tête de United Seychelles (US). Ce duel, dans un contexte de crises multiples, captive l’attention bien au-delà des frontières seychelloises.
Wavel Ramkalawan : un prêtre en quête de second mandat
Ancien prêtre anglican, Wavel Ramkalawan incarne une figure de transition. Après avoir dirigé l’opposition pendant plus de deux décennies, il a remporté la présidence en 2020, brisant l’hégémonie de United Seychelles, au pouvoir depuis 1977. Son mandat a été marqué par des efforts pour stabiliser l’économie et renforcer la lutte contre la corruption. Lors d’un récent rassemblement dans la capitale, Victoria, il a déclaré :
Nous surpassons de nombreux pays européens dans la lutte contre la corruption.
Wavel Ramkalawan, président sortant
Cependant, son bilan est loin de faire l’unanimité. Si la stabilité économique est un atout, des critiques pointent du doigt son incapacité à enrayer le trafic d’héroïne et, surtout, la décision controversée de céder l’île d’Assomption à des investisseurs qataris. Cette dernière mesure a suscité une vague d’indignation, alimentant les arguments de ses opposants.
Patrick Herminie : un challenger controversé
Face à Ramkalawan, Patrick Herminie, médecin de formation, représente une alternative audacieuse. Ancien responsable de l’agence antidrogue, il a été brièvement éclaboussé par une affaire judiciaire en 2023, accusé de pratiques liées à la sorcellerie. Ces charges, qu’il a dénoncées comme étant politiquement motivées, ont été abandonnées, mais elles continuent de planer sur sa campagne. Herminie mise sur le mécontentement populaire, notamment sur la question de l’île d’Assomption, promettant d’annuler l’accord avec le Qatar s’il est élu.
Son programme s’appuie sur une critique du bilan de Ramkalawan, notamment en matière de lutte contre le trafic de stupéfiants. Avec entre 5 000 et 10 000 consommateurs d’héroïne dans l’archipel – soit potentiellement 10 % de la population –, ce fléau reste une priorité pour de nombreux électeurs.
La crise environnementale au cœur des débats
L’un des enjeux majeurs de cette élection est la cession de l’île d’Assomption à un promoteur qatari pour la construction d’un hôtel de luxe. Située à environ 1 000 kilomètres de Mahé, l’île principale, Assomption est proche d’Aldabra, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cet atoll abrite la plus grande population de tortues terrestres au monde et un écosystème préservé. Pourtant, la construction d’une piste d’atterrissage et les travaux en cours menacent cet équilibre fragile.
Des images circulant sur les réseaux sociaux, montrant des engins de chantier sur les plages et une tortue à la carapace endommagée, ont amplifié la colère des Seychellois. Cette controverse a transformé l’élection en un référendum sur la souveraineté environnementale de l’archipel. Les électeurs se demandent : peut-on sacrifier un patrimoine naturel unique pour un projet économique ?
Pourquoi Assomption est-elle si controversée ?
- Proximité avec Aldabra, site UNESCO.
- Risque pour les tortues géantes et l’écosystème.
- Perte de souveraineté pour 70 ans.
- Projet de luxe favorisant les touristes aisés.
Le fléau de l’héroïne : un défi social majeur
Le trafic de drogue, en particulier l’héroïne, est un autre sujet brûlant. Selon l’Agence pour la prévention de l’abus de drogues et la réadaptation (APDAR), environ 5 000 à 6 000 personnes suivent un programme de méthadone. D’autres estimations, plus alarmantes, évoquent jusqu’à 10 000 consommateurs, un chiffre colossal pour un pays de 121 355 habitants. Ce problème, bien que moins central dans les débats électoraux, influence le vote de nombreux citoyens, qui reprochent au gouvernement un manque d’efficacité.
Patrick Herminie, fort de son expérience à la tête de l’agence antidrogue, tente de capitaliser sur ce mécontentement. Il promet des mesures plus fermes, bien que son propre bilan dans ce domaine ait été critiqué par le passé.
Une démocratie jeune et un scrutin record
Les Seychelles, ancienne colonie française puis britannique, n’ont accédé à l’indépendance qu’en 1976. Leur première élection multipartite date de 1993, faisant de ce pays une démocratie relativement jeune. Cette année, un record de huit candidats à la présidentielle reflète un mécontentement croissant envers les partis traditionnels. Comme l’explique Georges Bibi, ancien député :
Le nombre de candidats montre un ras-le-bol face au statu quo politique.
Georges Bibi, ancien député
Malgré cette diversité, les deux principaux partis, LDS et US, dominent largement les pronostics. En l’absence de sondages fiables, les observateurs se fient aux foules présentes lors des rassemblements politiques. Ces derniers suggèrent un léger avantage pour le parti au pouvoir, mais rien n’est joué.
Les Seychelles face à leur avenir
Ce scrutin est un moment charnière pour les Seychelles. Entre la préservation de leur patrimoine naturel, la lutte contre le trafic de drogue et la quête d’une gouvernance transparente, les électeurs ont des choix difficiles à faire. La cession d’Assomption symbolise les tensions entre développement économique et protection environnementale, un dilemme qui résonne bien au-delà de l’archipel.
Alors que les résultats sont attendus dans la nuit de samedi à dimanche, le monde observe. Les Seychelles, avec leurs plages idylliques et leurs tortues géantes, restent un joyau fragile. Le choix du prochain président déterminera si l’archipel peut concilier prospérité et préservation, ou s’il risque de perdre une partie de son âme.
| Enjeu | Position de Ramkalawan (LDS) | Position de Herminie (US) |
|---|---|---|
| Cession d’Assomption | Soutient l’accord qatari | Promet d’annuler l’accord |
| Trafic d’héroïne | Critiqué pour son inaction | Promet des mesures fermes |
| Corruption | Met en avant ses progrès | Critique le bilan du pouvoir |
En somme, les Seychelles se trouvent à la croisée des chemins. Ce vote ne concerne pas seulement le choix d’un leader, mais la définition de l’identité future de l’archipel. Entre tourisme de luxe, préservation écologique et défis sociaux, les électeurs ont le pouvoir de façonner un avenir qui équilibre tradition et modernité.
