Ce samedi, une étape cruciale dans la transition politique du Tchad s’est enclenchée. Les militaires et les nomades, deux composantes essentielles de la société tchadienne, ont commencé à voter pour les élections législatives, provinciales et locales. Un scrutin présenté par le régime du président Mahamat Idriss Déby comme l’ultime étape vers la normalisation démocratique, mais activement boycotté par les partis d’opposition.
Dès l’ouverture des bureaux de vote, l’affluence était au rendez-vous. Selon les premières estimations, le taux de participation tournait autour de 45% à la mi-journée pour les quelque 200 000 nomades et 45 000 militaires appelés aux urnes ce samedi. Un enthousiasme certain, malgré les appels au boycott lancés par l’opposition.
Pas de campagne, pas de vote le 29 décembre 2024. Restez chez vous et demandez aux autres de rester chez eux.
Message posté sur la page Facebook du premier parti d’opposition « Les Transformateurs »
Les Militaires et Nomades, Premiers à Voter
À la caserne de Koundoul, dans la périphérie de la capitale N’Djamena, les militaires se sont déplacés en nombre dès l’ouverture. D’après une source proche, le scrutin se déroule normalement, les hommes en armes votant librement sous l’œil d’observateurs issus de différents partis politiques.
Même scénario dans un camp de nomades voisin, sur une route de transhumance. Pour ces populations en perpétuel mouvement, l’enjeu est de taille. Comme l’explique le cheik Djibrine Hassabakarim, un de leurs porte-paroles, les nomades attendent de leurs futurs élus des améliorations concrètes de leurs conditions de vie, fragilisées par le changement climatique.
Les nomades sont venus demander à ceux qui seront élus demain d’améliorer leurs conditions de vie
Cheik Djibrine Hassabakarim, représentant des nomades
Un Contexte Politique Complexe
Ce scrutin intervient dans un contexte géopolitique mouvant pour le Tchad. Le retrait en cours de l’armée française après la rupture d’un accord de coopération militaire historique, les attaques répétées du groupe jihadiste Boko Haram dans la région du lac Tchad, les accusations d’ingérence dans le conflit qui ravage le Soudan voisin… Autant d’éléments qui pèsent sur l’avenir du pays.
Depuis trois ans, c’est le maréchal Mahamat Idriss Déby, fils du défunt président Idriss Déby, qui tient les rênes du pouvoir. Porté à la tête de l’État par l’armée en 2021, il a été élu président pour un mandat de cinq ans en mai dernier, à l’issue d’un scrutin jugé frauduleux par l’opposition. Avant lui, son père avait régné d’une main de fer pendant trois décennies.
Des Élections Reportées à Maintes Reprises
Les dernières élections législatives remontent à 2011. L’Assemblée nationale aurait dû être renouvelée en 2015, mais le scrutin a été reporté à plusieurs reprises. La menace jihadiste, les difficultés financières, l’épidémie de coronavirus, puis la transition qui a suivi le décès d’Idriss Déby… Les raisons n’ont pas manqué pour justifier ces reports successifs.
Aujourd’hui, malgré le boycott de l’opposition et les défis sécuritaires et économiques auxquels fait face le Tchad, le processus électoral est bel et bien lancé. Les militaires et les nomades ont ouvert le bal. Reste à savoir si le reste de la population suivra dimanche, et surtout, si ces élections marqueront réellement un tournant démocratique pour ce pays du Sahel.