Alors que le Botswana se prépare à élire son prochain président, un vent de changement semble souffler timidement sur ce pays d’Afrique australe. Depuis son indépendance en 1966, le Botswana est gouverné sans interruption par le même parti, le Parti démocratique du Botswana (BDP). Mais aujourd’hui, une partie de la population aspire à un renouveau politique.
Dans les rues de la capitale Gaborone, les couleurs rouge du BDP dominent largement les affiches électorales. “Nous sommes dirigés par les mêmes personnes, avec la même mentalité et les mêmes objectifs, depuis l’indépendance”, déplore Ookeditse Letshwenyo, un jeune auto-entrepreneur de 23 ans qui espère du changement dans les urnes.
Un président sortant en quête d’un second mandat
Le président sortant Mokgweetsi Masisi, 63 ans, brigue un second mandat à la tête du pays. Arrivé au pouvoir en 2018, son bilan est critiqué par ses opposants qui pointent une mauvaise gestion, dans un contexte économique difficile marqué par un ralentissement de la demande mondiale pour les diamants, principale ressource du Botswana.
Selon les projections de la Banque mondiale, la croissance du pays devrait chuter à 1% en 2024, contre 2,7% en 2023. Le chômage touche 27% de la population, et grimpe jusqu’à 38% chez les jeunes. Des chiffres alarmants qui nourrissent les espoirs de changement d’une partie de l’électorat.
Une opposition divisée qui peine à convaincre
Mais les espoirs de l’opposition se heurtent à ses propres divisions. Les deux principaux partenaires de l’alliance de gauche Umbrella for Democratic Change (UDC) ont décidé de faire cavalier seul, présentant chacun leur propre candidat à la présidentielle. Un choix stratégique qui pourrait s’avérer contre-productif.
On ne peut pas déboulonner le BDP tant qu’on est divisé.
– Ookeditse Letshwenyo, jeune électeur
Pendant que l’opposition se déchire, le BDP domine largement la campagne médiatique, en particulier sur la chaîne d’information publique BTV. Selon des observateurs, le parti au pouvoir bénéficierait d’un soutien plus marqué en dehors de la capitale.
Le retour controversé de l’ex-président Ian Khama
La campagne a aussi été électrisée par le retour d’exil de l’ancien président Ian Khama, 71 ans, revenu au pays il y a six semaines pour tenter de peser sur le scrutin. Celui qui avait cédé le pouvoir à Masisi en 2018 qualifie aujourd’hui ce choix d'”erreur” et soutient activement l’opposition. Mais l’impact réel de son intervention devrait rester limité selon les analystes.
Il devrait laisser tomber et arrêter de tenter d’influencer le cours de la politique.
– Bokomoso Fetlhalefile, vendeuse de 25 ans
Dans ce scrutin uninominal à un tour, le parti qui obtiendra le plus grand nombre de sièges au parlement formera le gouvernement, dirigé par son candidat à la présidence. Malgré un léger vent de changement, la plupart des observateurs s’attendent à une victoire du BDP, tant la marge de manœuvre de l’opposition semble étroite.
La jeunesse botswanaise en quête d’un avenir meilleur
Au-delà des enjeux politiques, ces élections cristallisent les aspirations d’une jeunesse botswanaise en quête d’opportunités et d’un avenir meilleur. Sharon Setshwantsho, 22 ans, espère un changement porteur de création d’emplois. “Nous avons des diplômes, nous sommes allés à l’école, mais beaucoup d’entre nous sont à la rue”, confie-t-elle amèrement.
Pourtant, une partie de cette jeunesse se sent peu concernée par le scrutin. Mpho Keorapetse, 21 ans, étudiante en finance, n’est même pas inscrite sur les listes électorales. “La campagne ne m’a pas motivée à voter. Personne n’a dit quoi que ce soit d’essentiel ces derniers mois”, regrette-t-elle.
Au final, ces élections au Botswana illustrent toute la complexité de la vie politique africaine, tiraillée entre le poids des partis historiques, les aspirations démocratiques des populations et les défis socio-économiques immenses auxquels le continent reste confronté. L’issue du scrutin, très incertaine, sera scrutée avec attention bien au-delà des frontières du pays.