InternationalPolitique

Élections au Bangladesh 2026 : Un Tournant Historique

Le 12 février 2026, le Bangladesh vote pour un nouveau parlement… mais sans la Ligue Awami de Sheikh Hasina, interdite. Muhammad Yunus promet des réformes radicales, le BNP part favori et les islamistes reviennent en force. Ce scrutin peut-il vraiment tourner la page d’un régime autoritaire ou va-t-il plonger le pays dans une nouvelle crise ? La réponse risque de surprendre…

Imaginez un pays de 170 millions d’habitants qui, en quelques mois passe d’un régime autoritaire quasi inamovible à un scrutin où le parti au pouvoir depuis quinze ans est tout simplement interdit de participer. C’est exactement ce qui attend le Bangladesh le 12 février 2026.

Après la chute brutale de Sheikh Hasina en août 2024, emportée par une révolte étudiante devenue révolution populaire, le pays se prépare à des élections législatives pas comme les autres. Et pour cause : elles s’accompagnent d’un référendum sur des réformes censées empêcher le retour de tout pouvoir personnel.

Un scrutin sous haute tension après la révolution de 2024

Tout a commencé par des manifestations contre un système de quotas dans la fonction publique, jugé injuste par la jeunesse. Très vite, la contestation a visé directement le gouvernement de la Ligue Awami et sa cheffe, Sheikh Hasina, accusée d’avoir transformé le pays en régime à parti unique déguisé.

En quelques semaines, les affrontements ont fait des centaines de morts. Sheikh Hasina a fini par fuir en Inde voisine, laissant derrière elle un pays en état de choc et un pouvoir vacant.

C’est dans ce contexte qu’un gouvernement intérimaire a été formé autour de la figure respectée de Muhammad Yunus, prix Nobel de la paix 2006 pour son travail sur le microcrédit. Sa mission : organiser des élections libres et crédibles dans les plus brefs délais.

127 millions d’électeurs face à un choix historique

Plus de 127 millions de Bangladais sont inscrits sur les listes électorales, soit près des trois quarts de la population totale. Un chiffre impressionnant qui place ce scrutin parmi les plus massifs de la planète.

Le système électoral reste le même : 300 députés élus au scrutin majoritaire uninominal dans autant de circonscriptions, et 50 sièges réservés aux femmes attribués à la proportionnelle selon les résultats des partis.

Pour la première fois, près de 300 000 Bangladais de la diaspora pourront voter par correspondance, une avancée saluée par beaucoup.

À retenir sur le corps électoral :

  • 127 millions d’électeurs inscrits
  • 4 millions de nouveaux électeurs depuis le dernier scrutin
  • 170 millions d’habitants au total
  • 350 sièges à pourvoir au Jatiya Sangsad

La Ligue Awami interdite : un précédent rarissime

L’une des décisions les plus spectaculaires du gouvernement Yunus a été d’interdire pure et simple la Ligue Awami de Sheikh Hasina de présenter des candidats sous son étiquette. Les anciens membres du parti peuvent se présenter… mais en tant qu’indépendants.

Cette mesure, justifiée par les accusations de corruption massive et de répression sous le régime précédent, change complètement la donne politique. Depuis 1991, le pouvoir s’était toujours partagé entre la Ligue Awami et son grand rival, le Parti nationaliste bangladais (BNP).

Avec l’absence de la Ligue Awami, le BNP de Khaleda Zia (elle-même ancienne Première ministre) part logiquement favori. Reste à savoir s’il obtiendra la majorité absolue ou devra composer avec d’autres forces.

Le retour en force des islamistes

Dans ce vide politique, un acteur longtemps marginalisé fait un retour fracassant : le Jamaat-e-Islami. Interdit sous Sheikh Hasina pour son passé collaboration avec le Pakistan pendant la guerre d’indépendance de 1971, le parti islamiste a été réhabilité par le nouveau pouvoir.

Ses leaders prônent une application plus stricte des principes coraniques dans la société bangladaise, traditionnellement musulmane mais historiquement attachée à son identité laïque héritée de la guerre de libération.

Beaucoup d’observateurs estiment que le Jamaat pourrait créer la surprise en raflant un nombre significatif de sièges, surtout dans les zones rurales conservatrices.

« C’est totalement imprévisible. On peut s’attendre à un bon score des partis fondés sur la religion. »

Altaf Parvez, analyste politique bangladais

L’émergence du Parti national des citoyens (NCP)

Autre nouveauté majeure : la création du Parti national des citoyens (NCP), né directement du mouvement étudiant de l’été 2024. Porté par la génération qui a fait tomber Sheikh Hasina, il incarne la colère et l’espoir d’une jeunesse lassée des vieux partis.

Son programme ? Une rupture totale avec les pratiques clientélistes et autoritaires du passé. Reste à voir si cette énergie de la rue se traduira en voix le jour du scrutin.

Un référendum qui divise autant qu’il unit

Le même jour que les législatives, les Bangladais voteront sur un paquet de réformes constitutionnelles négociées pendant des mois sous l’égide de Muhammad Yunus.

Cette « charte démocratique » de 28 pages prévoit notamment :

  • La limitation à deux mandats consécutifs pour le Premier ministre
  • Le renforcement des pouvoirs du président de la République
  • La réaffirmation du caractère multiethnique et multireligieux du Bangladesh
  • La réforme de la commission électorale
  • La dépolarisation de l’administration

Le BNP et le Jamaat-e-Islami ont fini par signer ce texte. En revanche, le jeune NCP a refusé catégoriquement, estimant qu’il ne va pas assez loin dans la rupture avec l’ancien système.

Muhammad Yunus a donc décidé de trancher : les réformes seront soumises directement au peuple par référendum le même jour que les élections. Un pari risqué.

Un pays toujours sous tension sécuritaire

Depuis la chute de Sheikh Hasina, le Bangladesh reste profondément fracturé. Les violences politiques ont causé au moins 300 morts entre août et septembre 2024, selon l’ONG Odhikar.

La police, largement discréditée sous l’ancien régime, peine à rétablir l’ordre. Muhammad Yunus a qualifié l’État de « complètement cassé » et annoncé une mobilisation exceptionnelle de l’armée pour sécuriser le vote.

Soixante-six organisations nationales et internationales ont été accréditées pour observer le scrutin, signe que la communauté internationale suivra chaque détail de cette journée décisive.

Vers quel avenir pour le Bangladesh ?

Personne n’ose faire de pronostic ferme. Les sondages, traditionnellement peu fiables au Bangladesh, montrent près de la moitié des électeurs encore indécis à quelques mois du vote.

Trois scénarios se dessinent :

  1. Une victoire nette du BNP, qui formerait un gouvernement stable mais conservateur
  2. Un parlement éclaté, avec une percée islamiste et étudiante, rendant toute majorité difficile
  3. Un rejet du référendum, qui replongerait le pays dans l’incertitude institutionnelle

Quoi qu’il arrive, le 12 février 2026 marquera un tournant. Soit le Bangladesh parvient à tourner définitivement la page de l’autoritarisme, soit il entre dans une nouvelle ère d’instabilité où religion, jeunesse et vieux démons nationaux vont s’affronter sans merci.

Une chose est sûre : le monde entier aura les yeux rivés sur Dhaka ce jour-là.

Le 12 février 2026, le Bangladesh ne votera pas seulement pour un parlement.
Il votera pour son avenir.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.