Les élections américaines de 2024 ont été marquées par un revirement spectaculaire dans le discours sur l’intégrité du scrutin. Alors que les allégations de fraude électorale fusaient jusqu’au jour du vote, portées notamment par le camp de Donald Trump, elles se sont subitement évanouies une fois la victoire du candidat républicain confirmée. Un contraste saisissant qui en dit long sur l’instrumentalisation de la désinformation à des fins politiques.
Des accusations qui s’éteignent avec la victoire
Tout au long de la campagne, et encore le jour du scrutin, Donald Trump et ses soutiens n’ont eu de cesse d’agiter le spectre d’une fraude massive qui fausserait les résultats. Des “rumeurs” de manipulations à Philadelphie, aussitôt démenties par les autorités, aux doutes semés sur la fiabilité du vote par correspondance, les trumpistes ont multiplié les attaques visant à saper la confiance dans le processus électoral.
Mais sitôt la victoire de leur champion proclamée, ces accusations se sont comme volatilisées. Plus un mot sur ces supposées fraudes, enterrées aussi vite qu’elles avaient été brandies. Un revirement à 180 degrés qui tranche avec l’attitude de Trump en 2020, quand il avait crié au “vol” pendant des mois malgré les rejets de ses recours en justice.
L’asséchement brutal des allégations sur les réseaux sociaux
Ce changement de ton s’est reflété de manière éclatante sur les réseaux sociaux, et en particulier sur X (anciennement Twitter). Là où un groupe monté par Elon Musk pour traquer les irrégularités enregistrait quelque 1000 messages par heure le jour du vote, le rythme est tombé à une centaine de publications horaires après l’annonce des résultats selon la NCoC.
Une tendance généralisée sur les plateformes pro-Trump comme Truth Social, le réseau lancé par l’ancien président. Comme le souligne un expert, “Trump lui-même a arrêté d’en parler”, entraînant dans son sillage l’extinction quasi-totale du narratif sur la fraude dans son camp.
Un contraste avec les allégations démocrates
Du côté démocrate, si Joe Biden et Kamala Harris ont rapidement concédé leur défaite, des voix se sont élevées sur les réseaux sociaux pour contester la régularité du scrutin avec le mot-dièse #KamalaNeCèdePas. Mais contrairement à 2020 avec Trump, ces accusations n’ont pas été relayées par des personnalités de premier plan.
Ces allégations infondées, à gauche, sont diffuses, vraiment plus faibles parce qu’il n’y a aucun dirigeant qui leur donne un écho, alors que c’était le cas à droite en 2020 et 2022.
Danielle Lee Tomson, chercheuse à l’Université de Washington
La désinformation électorale, un fléau difficile à endiguer
Ce revirement met en lumière le rôle central des responsables politiques et des personnalités influentes dans la propagation ou l’extinction des théories complotistes autour des élections. Tant que celles-ci servent leurs intérêts, elles prospèrent ; sitôt ces intérêts satisfaits, elles s’évaporent.
Un constat inquiétant pour la santé démocratique du pays, déjà mise à mal par des années de polarisation et de remise en cause des institutions. Car si la désinformation électorale peut s’éteindre aussi vite qu’elle s’est embrasée, la défiance qu’elle sème dans l’esprit des citoyens, elle, s’avère bien plus difficile à dissiper.
Il reste à espérer que l’exemple frappant de ces élections, où les cris de fraude se sont tus sitôt le résultat connu, serve de prise de conscience. Prise de conscience de la nécessité de protéger l’intégrité du processus électoral contre les attaques opportunistes. Et de la responsabilité qui incombe aux acteurs politiques et médiatiques dans la lutte contre la désinformation, ce poison lent de nos démocraties.