InternationalPolitique

Élection Guinée : Doumbouya Triomphe Sans Surprise

En Guinée, le général Mamadi Doumbouya vient d'être élu président avec plus de 86% des voix. Un scrutin sans suspense, marqué par le boycott de l'opposition et l'exil de ses leaders. Mais derrière cette victoire écrasante, une question persiste : ce vote signe-t-il vraiment le retour à l'ordre constitutionnel, ou la consolidation d'un pouvoir militaire ?

Imaginez un pays riche en ressources minières, pourtant marqué par une pauvreté endémique. Imaginez maintenant un militaire qui prend le pouvoir par la force, promet de le rendre aux civils, puis se présente à l’élection présidentielle et l’emporte massivement. C’est exactement ce qui vient de se produire en Guinée, où le général Mamadi Doumbouya a été élu président avec un score écrasant.

Ce scrutin, tenu il y a quelques jours, n’a surpris personne. Les principaux opposants étaient soit en exil, soit empêchés de concourir. Le résultat apparaît comme une formalité pour légitimer un pouvoir déjà acquis par les armes il y a quatre ans.

Une Victoire Écrasante Pour Le Chef De La Junte

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Mamadi Doumbouya, âgé de 41 ans, a récolté 86,72 % des suffrages exprimés, selon les résultats provisoires annoncés par les autorités électorales. Face à lui, huit candidats peu connus du grand public.

Le deuxième, Abdoulaye Yéro Baldé, n’a obtenu que 6,59 % des voix. Les autres se partagent les miettes. Cette domination sans partage illustre parfaitement le déséquilibre du paysage politique actuel en Guinée.

La participation, annoncée à 80,95 %, constitue le seul véritable indicateur d’intérêt pour ce vote. Elle est en légère baisse par rapport aux estimations initiales, mais reste élevée selon les chiffres officiels.

Un Scrutin Sans Campagne Ni Débats

Ce qui frappe dans cette élection, c’est l’absence totale de campagne de la part du vainqueur. Mamadi Doumbouya n’a pas organisé de meetings, n’a pas sillonné le pays. Sa victoire semble acquise d’avance.

Quatre candidats ont rapidement reconnu leur défaite et félicité le nouveau président dès l’annonce des tendances. Dans les rues de Conakry, l’annonce tardive des résultats n’a provoqué aucune effusion particulière. Un calme presque pesant.

Ce silence contraste avec l’effervescence habituelle des soirées électorales dans de nombreux pays. Il reflète peut-être une résignation, ou simplement l’absence d’enjeu réel pour une large partie de la population.

L’Opposition Absente Ou Boycott

L’opposition guinéenne avait appelé au boycott massif de ce qu’elle qualifie de simulacre. Les figures historiques du paysage politique n’ont pas pu se présenter.

L’ancien président Alpha Condé, renversé en 2021, vit en exil. De même que d’anciens Premiers ministres comme Sidya Touré et Cellou Dalein Diallo. Tous ont été écartés de la course.

Ces absences ont vidé le scrutin de toute compétitivité réelle. Les candidats autorisés à concourir manquaient de notoriété et de moyens pour rivaliser avec le pouvoir en place.

Ce vote n’est qu’une mascarade destinée à légitimer la confiscation du pouvoir.

Cette phrase résume le sentiment de nombreux opposants. Elle traduit la frustration face à un processus perçu comme verrouillé dès le départ.

Le Contexte Du Coup D’État De 2021

Pour comprendre cette élection, il faut remonter à septembre 2021. À l’époque, des militaires dirigés par Mamadi Doumbouya renversent le président Alpha Condé.

Condé, au pouvoir depuis 2010, venait de modifier la Constitution pour briguer un troisième mandat. Ce coup d’État avait été salué par une partie de la population, lasse de son règne.

Les putschistes promettent alors une transition rapide vers un ordre constitutionnel. Quatre ans plus tard, le chef de la junte se fait élire président. La boucle semble bouclée.

Cette trajectoire rappelle d’autres exemples en Afrique de l’Ouest et du Centre. Des militaires prennent le pouvoir, promettent la démocratie, puis s’y installent durablement.

Une Nouvelle Constitution Sur Mesure

Fin septembre, les Guinéens ont approuvé une nouvelle Constitution lors d’un référendum également boycotté par l’opposition. La participation officielle atteint 91 %.

Ce texte ouvre la voie à la candidature de Mamadi Doumbouya. Il permet aux membres de la junte de se présenter aux élections, contrairement aux engagements initiaux.

Autre changement notable : le mandat présidentiel passe de cinq à sept ans, renouvelable une fois. Cette modification allonge potentiellement la durée au pouvoir.

Ces ajustements constitutionnels apparaissent comme taillés pour consolider le nouveau régime. Ils facilitent la transition d’un pouvoir militaire vers un pouvoir civil… dirigé par les mêmes personnes.

Répression Et Chape De Plomb

Depuis 2021, le climat politique s’est considérablement durci. Les manifestations sont interdites depuis 2022 et systématiquement réprimées.

Plusieurs partis politiques ont été suspendus. De nombreux leaders de l’opposition et acteurs de la société civile ont été arrêtés, condamnés ou contraints à l’exil.

Les cas de disparitions forcées et d’enlèvements se multiplient. Des figures de l’opposition sont concernées. Ce phénomène inquiète les organisations internationales.

Les libertés fondamentales en recul

  • Interdiction des manifestations depuis 2022
  • Suspension de partis politiques
  • Arrestations et condamnations d’opposants
  • Exil forcé de leaders historiques
  • Multiplication des disparitions

Cette liste illustre le rétrécissement progressif de l’espace démocratique. La Guinée vit sous une forme de contrôle accru du pouvoir sur la vie politique.

Regard Des Observateurs Internationaux

Le jour du scrutin s’est déroulé dans le calme, sans incidents majeurs. Ce point positif a été salué par les observateurs internationaux.

Une mission de l’Union africaine a qualifié le vote de crédible. Elle propose même d’examiner la levée des sanctions imposées après le coup d’État.

Cependant, cette même mission pointe un problème grave : la nécessité de lutter plus efficacement contre les enlèvements et disparitions. Le contraste est saisissant entre le calme électoral et les atteintes aux droits humains.

Une Tendance Africaine Plus Large

Cette élection en Guinée s’inscrit dans une année riche en scrutins sur le continent. Plusieurs pays ont voté, souvent avec des résultats similaires.

Des dirigeants en place ont été réélus avec des scores élevés, après avoir écarté leurs principaux rivaux. Cette montée de l’autoritarisme préoccupe les analystes.

La répression des oppositions devient une constante dans plusieurs États. Les victoires écrasantes se multiplient, dans un contexte de restriction des libertés.

La Guinée partage cette dynamique avec d’autres nations, même si son parcours reste marqué par l’origine militaire du pouvoir actuel.

Les Atouts Économiques Du Nouveau Président

Les partisans de Mamadi Doumbouya mettent en avant des réalisations concrètes. Le lancement récent de l’exploitation du gisement de Simandou constitue un argument majeur.

Ce projet ferreux, l’un des plus importants au monde, promet des revenus substantiels. Il pourrait transformer l’économie guinéenne à moyen terme.

La Guinée reste cependant très pauvre. Plus de la moitié de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces richesses minières n’ont pas encore profité pleinement aux habitants.

Relations Internationales Préservées

Contrairement à certains voisins sahéliens, la Guinée a maintenu de bonnes relations avec ses partenaires. La France, ancienne puissance coloniale, reste en bons termes avec le régime.

Cette diplomatie pragmatique contraste avec les ruptures observées au Mali, au Burkina Faso ou au Niger. Mamadi Doumbouya évite l’isolement international.

Cette approche pourrait faciliter les investissements étrangers, notamment dans le secteur minier. Elle offre aussi une marge de manœuvre sur la scène régionale.

Quel Avenir Pour La Démocratie Guinéenne ?

La question reste entière. Cette élection clôt-elle vraiment la transition promise en 2021 ? Ou ouvre-t-elle une nouvelle ère de pouvoir prolongé ?

Le score massif obtenu par Mamadi Doumbouya lui confère une légitimité électorale. Reste à voir comment il utilisera ce mandat de sept ans.

Les défis sont immenses : pauvreté, développement, réconciliation nationale, respect des libertés. La Guinée entre dans une nouvelle phase de son histoire politique.

Beaucoup espèrent que les promesses de progrès économique se concrétiseront. D’autres craignent une consolidation définitive du contrôle politique.

Une chose est certaine : ce scrutin marque un tournant. Il transforme un putschiste en président élu, dans un contexte controversé mais incontesté dans les urnes officielles.

Le peuple guinéen, riche de sa résilience, continuera d’observer et peut-être un jour de juger les fruits de cette nouvelle page politique.

La Guinée, terre de contrastes, entre immenses richesses du sous-sol et défis quotidiens de ses habitants, entame un chapitre décisif sous la direction de son nouveau président.

Ce vote, aussi prévisible soit-il, pose des questions profondes sur l’évolution des démocraties africaines. Entre nécessité de stabilité et aspiration à une compétition politique réelle, le équilibre reste fragile.

L’histoire jugera si cette élection aura été le couronnement d’une transition réussie ou le prolongement d’un pouvoir acquis par la force. Pour l’instant, Mamadi Doumbouya est le nouveau président légitime de la Guinée.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.