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Élection en Côte d’Ivoire : Une Course Déséquilibrée ?

La présidentielle ivoirienne s'annonce déséquilibrée sans les grands leaders d'opposition. Qui peut défier Ouattara ? Quelles stratégies émergent ? Découvrez les enjeux d'un scrutin sous tension...

À quelques semaines de l’élection présidentielle en Côte d’Ivoire, prévue pour le 25 octobre 2025, une question taraude les observateurs : peut-on parler d’une véritable compétition électorale lorsque les principaux leaders de l’opposition sont absents du scrutin ? Le président sortant, Alassane Ouattara, se présente pour un quatrième mandat, dans un contexte où l’opposition semble fragilisée par l’exclusion de figures majeures comme Tidjane Thiam et Laurent Gbagbo. Ce climat politique, marqué par des tensions et des incertitudes, soulève des interrogations sur l’avenir démocratique du pays. Entre stratégies partisanes, mobilisation populaire et risques de violences, cet article explore les enjeux d’un scrutin qui pourrait redessiner le paysage politique ivoirien.

Un scrutin sous le signe de l’exclusion

Le Conseil constitutionnel ivoirien a tranché : Tidjane Thiam, président du Parti démocratique de Côte d’Ivoire (PDCI), et Laurent Gbagbo, leader du Parti des peuples africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), ne figureront pas sur la liste des candidats. Cette décision, rendue publique le lundi précédant l’élection, a suscité des remous parmi les militants de l’opposition. Les motifs invoqués – des questions de nationalité pour Thiam et une condamnation judiciaire pour Gbagbo – ont privé le scrutin de deux poids lourds politiques, laissant Alassane Ouattara, 83 ans, en position de favori incontesté.

Cette exclusion n’est pas anodine. Elle rappelle les crises électorales passées, notamment celle de 2010-2011, qui avait fait plus de 3 000 morts, ou encore les violences de 2020, qui avaient causé 85 décès. Si les derniers scrutins locaux se sont déroulés dans un calme relatif, la disqualification de figures aussi influentes pourrait raviver les tensions dans certaines régions du pays. Mais qui sont les candidats encore en lice, et quelles sont leurs chances face au mastodonte du Rassemblement des Houphouëtistes pour la démocratie et la paix (RHDP) ?

Les candidats en course : un plateau hétéroclite

Quatre candidats ont été validés pour affronter Alassane Ouattara lors de cette élection. Chacun d’eux porte un projet distinct, mais leur capacité à mobiliser un électorat suffisant pour contrer le président sortant reste incertaine. Voici un aperçu des figures en lice :

  • Jean-Louis Billon : Ancien ministre du Commerce, il s’est lancé en dissidence contre le PDCI, contestant la légitimité de Tidjane Thiam. Actif sur le terrain depuis près d’un an, il sillonne les zones rurales pour rallier les électeurs.
  • Ahoua Don Mello : Proche de la Russie et cadre du PPA-CI, ce candidat s’est présenté par précaution face à l’éventuelle exclusion de Laurent Gbagbo. Cependant, son parti lui a retiré son soutien, compliquant sa campagne.
  • Simone Ehivet Gbagbo : Ex-épouse de Laurent Gbagbo, elle représente une gauche ivoirienne indépendante. Dès l’annonce des candidatures, elle a appelé à une union de l’opposition pour faire front commun.
  • Henriette Lagou : Ancienne ministre de la Famille, elle avait obtenu moins de 1 % des voix en 2015. Sa candidature reste marginale, mais elle complète le tableau.

Face à eux, Alassane Ouattara, porté par le RHDP, mise sur une victoire écrasante dès le premier tour, un objectif surnommé le « coup K.O » par ses partisans. Mais cette hétérogénéité des profils en lice reflète-t-elle une véritable diversité politique, ou masque-t-elle un déséquilibre structurel du scrutin ?

Les dilemmes stratégiques de l’opposition

Sans leurs leaders, le PDCI et le PPA-CI se retrouvent face à une équation complexe : boycotter le scrutin ou soutenir un autre candidat ? Au sein du PDCI, les avis divergent. Certains cadres plaident pour un soutien à Jean-Louis Billon, estimant qu’une absence de candidat serait désastreuse pour l’avenir du parti. « Sans représentant, nous perdons toute visibilité », confie un membre influent, anonymement. Cependant, les proches de Tidjane Thiam rejettent cette idée, espérant encore un revirement politique en faveur de leur leader.

« La politique de la chaise vide ne paie pas. Ces partis doivent montrer qu’ils sont des forces qui comptent. »

Séverin Kouamé, chercheur à l’université de Bouaké

De son côté, le PPA-CI adopte une posture radicale : pas de plan B. Laurent Gbagbo était leur unique option, et son exclusion pourrait pousser le parti à appeler à l’abstention. Cette stratégie, risquée, pourrait priver l’opposition d’une voix audible dans le débat public. Pourtant, comme le souligne Séverin Kouamé, chercheur à l’université de Bouaké, l’opposition doit trouver un moyen de construire un rapport de force face à Ouattara, sous peine de s’effacer du paysage politique.

Mobilisation populaire : un calme trompeur ?

La Côte d’Ivoire a une histoire électorale tumultueuse, marquée par des violences meurtrières. Pourtant, l’annonce des candidatures validées n’a pas déclenché de réactions immédiates dans les rues d’Abidjan. Ce calme apparent contraste avec les discours alarmistes des partis d’opposition, qui dénoncent un scrutin « tronqué » et un quatrième mandat « inconstitutionnel ». Le 9 août dernier, une manifestation pacifique avait tout de même réuni des milliers de personnes dans la capitale économique, preuve que la mobilisation reste possible.

Cependant, des risques subsistent. Séverin Kouamé, également directeur de l’ONG Indigo, qui œuvre pour la paix, met en garde contre des « poches localisées de confrontation violente » dans les bastions de l’opposition. Ces régions, historiquement acquises au PDCI ou au PPA-CI, pourraient refuser de valider un scrutin perçu comme biaisé. Les partis d’opposition devront donc jongler entre mobilisation de leurs bases et prévention des débordements.

Facteurs de mobilisation Risques associés
Exclusions des leaders Frustration des militants, possibles violences localisées
Appels à l’union Division au sein des partis d’opposition
Historique de crises Mémoire collective des violences électorales

Ouattara vers une victoire sans suspense ?

Avec l’absence de ses principaux rivaux, Alassane Ouattara semble avoir un boulevard devant lui. Le RHDP ambitionne une victoire dès le premier tour, un scénario plausible au vu du contexte. À 83 ans, le président sortant promet un mandat axé sur la « transmission générationnelle », mais cette rhétorique laisse sceptique. « S’il voulait passer la main, une figure émergente serait déjà visible », analyse Séverin Kouamé. Au cours de son troisième mandat, Ouattara a évoqué une « demi-douzaine » de successeurs potentiels, sans jamais les nommer, alimentant les spéculations sur ses intentions réelles.

Ce scrutin pourrait ainsi consolider le pouvoir du RHDP, tout en marginalisant davantage une opposition déjà affaiblie. Mais à quel prix ? Une victoire trop facile pourrait entacher la légitimité du président et raviver les accusations d’un régime autoritaire. Dans un pays où la stabilité reste fragile, l’équilibre entre consolidation du pouvoir et apaisement des tensions sera déterminant.

Quel avenir pour la démocratie ivoirienne ?

La présidentielle de 2025 met en lumière les fragilités du système démocratique ivoirien. L’exclusion de figures majeures comme Thiam et Gbagbo alimente les critiques sur l’indépendance des institutions, notamment le Conseil constitutionnel. Pour l’opposition, l’enjeu dépasse le simple scrutin : il s’agit de prouver sa résilience face à un pouvoir qui semble contrôler les règles du jeu.

Les mois à venir seront cruciaux. Une mobilisation massive, mais pacifique, pourrait redonner du poids à l’opposition. À l’inverse, un boycott ou des violences localisées risquent de renforcer l’hégémonie du RHDP. Comme le résume Séverin Kouamé, « l’opposition doit montrer qu’elle est une force politique qui compte ». Le 25 octobre 2025, la Côte d’Ivoire ne choisira pas seulement un président, mais aussi la direction de son avenir démocratique.

En résumé : La présidentielle ivoirienne de 2025 s’annonce comme un tournant. L’absence de leaders d’opposition majeurs, une mobilisation populaire incertaine et des risques de tensions locales redessinent les contours d’un scrutin où Alassane Ouattara part favori. Mais au-delà de l’élection, c’est la vitalité de la démocratie ivoirienne qui est en jeu.

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