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Élection en Côte d’Ivoire : Calme et Désintérêt Marquent le Scrutin

La Côte d'Ivoire a voté dans le calme pour son président, mais beaucoup ont boudé les urnes. Alassane Ouattara est favori, mais que cache cette apathie électorale ? Lisez pour découvrir...

Dans un silence presque irréel, les rues d’Abidjan, capitale économique de la Côte d’Ivoire, semblaient figées ce samedi 25 octobre 2025. Alors que près de 9 millions d’électeurs étaient appelés aux urnes pour choisir leur président, une ombre d’indifférence planait sur ce scrutin crucial. Pourquoi un pays, pilier économique de l’Afrique de l’Ouest et premier producteur mondial de cacao, affiche-t-il une telle désaffection pour un moment démocratique clé ? Cet article plonge au cœur de cette élection paisible mais marquée par l’absence d’enjeu et les tensions sous-jacentes.

Une élection sous le signe de la stabilité apparente

La journée électorale s’est déroulée sans heurts majeurs, un contraste saisissant avec les violences qui ont marqué les scrutins de 2010 et 2020. Dans un pays entouré de voisins secoués par des coups d’État et des attaques jihadistes, cette stabilité est un atout précieux. Pourtant, l’enthousiasme n’était pas au rendez-vous. Dans le nord, fief du président sortant Alassane Ouattara, les électeurs se sont mobilisés en masse. À Bouaké, deuxième ville du pays, des files d’attente s’étiraient encore à l’approche de la fermeture des bureaux de vote. Mais dans le sud et l’ouest, bastions traditionnels de l’opposition, l’abstention a dominé.

À Abidjan, les rues désertes donnaient l’impression d’un jour férié. Dans certains bureaux de vote, à peine 25 % des inscrits se sont déplacés. Cette faible participation reflète un sentiment de résignation face à un scrutin perçu comme joué d’avance. Alassane Ouattara, au pouvoir depuis 2011, est le grand favori pour un quatrième mandat. Mais cette apparente sérénité cache des frustrations profondes.

Une opposition écartée : un scrutin sans suspense

L’absence des figures majeures de l’opposition a vidé l’élection de son enjeu. Deux poids lourds, Laurent Gbagbo, ancien président, et Tidjane Thiam, banquier international, ont été exclus de la course par le Conseil constitutionnel. Les raisons ? Une condamnation pénale pour Gbagbo et des complications liées à la nationalité pour Thiam. Cette décision a alimenté les accusations de manipulation électorale, certains opposants allant jusqu’à parler de « coup d’État civil ».

« Je n’ai pas voté, mon candidat est exclu. Ouattara est déjà élu », déplore Olivier, un étudiant de 26 ans dans le quartier populaire de Blockhaus à Abidjan.

Face à ce vide, les quatre candidats restants, dont aucun n’est soutenu par un parti majeur, peinent à rivaliser avec le puissant appareil du pouvoir. Jean-Louis Billon, ex-ministre du Commerce, et Simone Ehivet Gbagbo, ancienne Première dame, n’ont pas réussi à mobiliser largement. Les autres candidats, comme Ahoua Don Mello, proche des milieux souverainistes, ou Henriette Lagou, opposante modérée, n’ont pas non plus créé de dynamique suffisante pour menacer Ouattara.

Un boycott actif et des tensions contenues

Les appels au boycott de l’opposition n’ont pas été suivis de manifestations massives, mais ils ont laissé des traces. Tout au long du mois d’octobre, les autorités ont interdit les rassemblements, invoquant la nécessité de préserver l’ordre. Des centaines de personnes ont été arrêtées pour avoir tenté de manifester, et plusieurs dizaines ont écopé de peines de prison ferme. Ces mesures, critiquées par des organisations de défense des droits humains, ont accentué le sentiment de restriction des libertés.

Dans certaines localités du sud, comme Mama, village natal de Laurent Gbagbo, des incidents ont éclaté. Des vols de matériel électoral ont été signalés, et à Lopou, près de Dabou, des affrontements entre manifestants et forces de l’ordre ont perturbé le scrutin. Une habitante de Lopou résume le sentiment dominant :

« Ce quatrième mandat, on n’en veut pas ! »

Ces tensions, bien que limitées, rappellent les crises électorales passées. En 2010, les violences post-électorales avaient fait 3 000 morts. En 2020, 85 personnes avaient perdu la vie. Cette année, quatre décès ont été recensés depuis mi-octobre, dont celui d’un gendarme dans une embuscade près d’Agboville. Ces incidents, bien que moins graves, montrent que le spectre des conflits reste présent.

Un bilan économique salué, mais des inégalités persistantes

Si Alassane Ouattara bénéficie d’un bilan économique largement reconnu, les critiques ne manquent pas. Sous ses 14 ans de présidence, la Côte d’Ivoire a consolidé sa place de leader régional, portée par la production de cacao et des investissements dans les infrastructures. Cependant, la cherté de la vie et les inégalités de répartition des richesses alimentent le mécontentement. De nombreux Ivoiriens, même parmi les opposants, saluent les progrès, mais déplorent un développement qui ne profite pas à tous.

Aspect Points forts Critiques
Économie Croissance soutenue, leader mondial du cacao Inégalités, coût de la vie élevé
Stabilité Paix relative, scrutin calme Répression des manifestations
Démocratie Organisation fluide du scrutin Exclusion des opposants majeurs
Corruption

Ce tableau illustre le paradoxe de la gouvernance Ouattara : des avancées indéniables, mais des zones d’ombre qui alimentent la défiance. Dans les quartiers populaires comme Blockhaus, les jeunes, à l’image d’Olivier, expriment leur frustration face à un système qu’ils jugent verrouillé.

La jeunesse et l’avenir : un vote pour l’espoir ?

Pour certains, voter reste un acte d’espoir. À Bouaké, Ben Koné, un jeune électeur, partage son enthousiasme :

« C’est la première fois que je vote, et je suis content de pouvoir exprimer mon choix. C’est l’avenir de la jeunesse qui se joue. »

Cet optimisme contraste avec le désintérêt général. Dans un pays où la moitié de la population a moins de 20 ans, la jeunesse aspire à plus d’opportunités et à une démocratie plus inclusive. Pourtant, l’absence de candidats charismatiques et la répression des manifestations ont étouffé les débats. Les bureaux de vote prolongés dans certaines zones en raison de retards matinaux n’ont pas suffi à inverser la tendance à l’abstention.

Une région sous tension : la Côte d’Ivoire comme exception ?

Dans un contexte régional marqué par l’instabilité, la Côte d’Ivoire se distingue par sa relative tranquillité. Alors que des pays voisins font face à des coups d’État et à des violences jihadistes, le scrutin ivoirien s’est déroulé sans chaos majeur. Ibrahime Kuibiert Coulibaly, président de la Commission électorale indépendante, s’en félicite :

« L’élection suscite toujours des passions, mais c’est marginal. Tout se passe très bien. »

Cette stabilité, cependant, repose sur un équilibre fragile. Les tensions dans le sud et l’ouest, bien que limitées, montrent que le mécontentement persiste. Les observateurs du Conseil national des droits humains ont relevé des incidents dans une dizaine de localités, signe que la paix reste précaire.

Vers un quatrième mandat : quelles perspectives ?

Alassane Ouattara, en votant à Abidjan, a lui-même souligné la paix retrouvée :

« Je constate avec cette élection que la paix est venue. »

Pourtant, les critiques sur la restriction des libertés et l’exclusion des opposants majeurs jettent une ombre sur ce scrutin. Les résultats, attendus dès le lendemain, devraient confirmer la réélection d’Ouattara. Mais la faible participation et les tensions localisées posent une question essentielle : cette victoire renforcera-t-elle la légitimité du président, ou creusera-t-elle le fossé avec une partie de la population ?

Pour mieux comprendre les dynamiques de cette élection, voici un résumé des enjeux clés :

  • Faible participation : Une abstention marquée dans le sud et l’ouest, reflet d’un désintérêt électoral.
  • Opposition absente : L’exclusion de figures majeures comme Gbagbo et Thiam a vidé le scrutin de suspense.
  • Tensions contenues : Quelques incidents isolés, mais un scrutin globalement calme.
  • Stabilité régionale : La Côte d’Ivoire reste un pôle de stabilité dans une région troublée.
  • Enjeux économiques : Un bilan salué, mais des inégalités persistantes alimentent le mécontentement.

Ce scrutin, bien que paisible, ne marque pas la fin des défis pour la Côte d’Ivoire. La question de la réconciliation nationale et de l’inclusion politique reste entière. Alors que le pays attend les résultats, l’avenir dira si cette élection consolide la paix ou ravive les frustrations enfouies.

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