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Élection Cameroun 2025 : Biya Vers un 8e Mandat ?

Le Cameroun vote pour élire son président. Paul Biya, au pouvoir depuis 43 ans, est favori, mais Issa Tchiroma suscite l’espoir. Quel avenir pour le pays ?

Dimanche, des millions de Camerounais se sont rendus aux urnes pour élire leur président dans un scrutin à unツアー. À 92 ans, dont 43 passés à la tête du pays, Paul Biya, figure incontournable de la politique camerounaise, se présente comme le grand favori. Mais face à lui, 11 candidats, dont un ancien allié devenu rival, Issa Tchiroma Bakary, agitent la scène électorale. Dans un pays où la moitié de la population a moins de 20 ans, cette élection pourrait-elle marquer un tournant ?

Une élection sous haute tension

Le Cameroun, pays d’Afrique centrale riche en diversité mais marqué par des défis économiques et sociaux, vit un moment clé de son histoire politique. Avec huit millions d’électeurs appelés à voter, ce scrutin présidentiel à un tour est scruté de près, tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays. Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, a toujours remporté les élections avec des scores écrasants, dépassant les 70 % lors des vingt dernières années. Pourtant, cette fois, une dynamique nouvelle semble émerger.

À Yaoundé, la capitale, l’affluence dans les bureaux de vote a crû à la mi-journée. Afez Njoya, un étudiant de 23 ans, a patienté plus d’une heure sous un soleil ardent pour accomplir son devoir civique. Comme lui, beaucoup de jeunes, qui représentent une part importante de la population, veulent faire entendre leur voix. « Les choses ne vont pas bien ici, mais je crois en un changement possible », confie-t-il, exprimant un espoir teinté de prudence.

Paul Biya, l’éternel favori

Paul Biya, souvent surnommé le sphinx pour sa discrétion, reste une figure dominante. Apparu en public pour la première fois depuis mai lors d’un meeting à Maroua, dans l’Extrême-Nord, il a affiché une énergie surprenante pour son âge. Cette région, avec ses 1,2 million d’électeurs, est stratégique, représentant la deuxième plus grande réserve de voix du pays. Pourtant, son meeting a attiré un public clairsemé, loin des foules annoncées par son entourage.

« Rien n’est acquis, attendons les résultats », a déclaré Paul Biya après avoir voté, accompagné de son épouse Chantal.

Sa campagne, comme à l’accoutumée, a été sobre, presque effacée. Biya s’appuie sur un système bien rodé, soutenu par des moyens conséquents, selon les observateurs. « Le système au pouvoir a toujours su obtenir les résultats qu’il souhaite », explique Stéphane Akoa, politologue camerounais. Cette longévité, impressionnante pour certains, suscite la lassitude chez d’autres, dans un pays où 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, selon la Banque mondiale.

Issa Tchiroma Bakary, l’outsider qui surprend

Face à Biya, un nom émerge avec force : Issa Tchiroma Bakary. À 79 ans, cet ancien ministre, qui a quitté le gouvernement en juin pour rejoindre l’opposition, fait campagne avec une énergie débordante. Originaire de l’Extrême-Nord, il a tenu un meeting à Maroua, attirant des milliers de partisans brandissant des pancartes le qualifiant de « sauveur ». Ce contraste saisissant avec l’accueil plus timide réservé à Biya a surpris les observateurs.

Pourquoi Tchiroma suscite-t-il un tel engouement ?

  • Rupture avec le pouvoir : Après 20 ans dans le giron présidentiel, son passage à l’opposition symbolise un vent de renouveau.
  • Proximité régionale : Originaire de l’Extrême-Nord, il bénéficie d’un fort ancrage local.
  • Discours populiste : Ses promesses de changement résonnent auprès d’une population jeune et désabusée.

Malgré cet élan, Tchiroma fait face à un système électoral critiqué. Le gouvernement a mis en garde contre toute proclamation prématurée des résultats, visant implicitement ce candidat. Le Conseil constitutionnel, chargé d’annoncer les résultats définitifs d’ici le 26 octobre, est perçu par certains comme un outil au service du pouvoir.

Un scrutin sous le signe des défis

Le Cameroun est confronté à de multiples crises. Dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, un conflit armé oppose des séparatistes aux forces gouvernementales, rendant le vote difficile. En 2018, l’abstention y était massive. Par ailleurs, 35 % de chômage dans les grandes villes et une cherté de la vie croissante alimentent le mécontentement. Les Camerounais se plaignent du manque d’accès à l’eau potable, à des soins de santé de qualité et à une éducation digne.

Pourtant, un vent d’espoir souffle parmi la jeunesse. « Beaucoup de jeunes se sont mobilisés pour récupérer leurs cartes d’électeur », note Stéphane Akoa. Cette participation accrue pourrait signaler un désir de changement, même si elle reste insuffisante pour provoquer un soulèvement populaire, comme observé ailleurs en Afrique.

Une élection scrutée par le monde

Avec 55 000 observateurs, dont des représentants de l’Union africaine, le scrutin est sous surveillance internationale. Plusieurs plateformes locales prévoient de compiler les résultats indépendamment pour « protéger le vote », suscitant l’ire du gouvernement, qui dénonce des tentatives de manipulation. Ces tensions soulignent les doutes sur la crédibilité du processus électoral, déjà pointée du doigt par des organisations comme Human Rights Watch.

« Cette élection est peut-être plus susceptible de nous surprendre », avance Stéphane Akoa, notant une campagne inhabituellement animée.

La disqualification de Maurice Kamto, principal opposant en 2018, a également jeté une ombre sur la transparence du scrutin. Pour beaucoup, elle symbolise les entraves imposées à l’opposition.

Quels enjeux pour l’avenir ?

Les défis du Cameroun sont immenses. La pauvreté, le chômage et les tensions régionales pèsent lourd. Les jeunes, qui forment la moitié de la population, aspirent à un avenir meilleur. Pourtant, le « système Biya », en place depuis des décennies, semble indéboulonnable. Les résultats, attendus d’ici fin octobre, diront si l’élan autour de Tchiroma ou la mobilisation des jeunes peuvent ébranler cet édifice.

Défi Impact
Pauvreté 40 % de la population sous le seuil de pauvreté
Chômage 35 % dans les grandes villes
Conflit anglophone Abstention élevée dans les régions concernées

Dans ce contexte, l’élection de 2025 ne se limite pas à un choix entre candidats. Elle incarne une lutte entre immobilisme et aspiration au changement. Les Camerounais, et particulièrement les jeunes, attendent des réponses concrètes à leurs frustrations, exprimées pour l’instant sur les réseaux sociaux. Reste à savoir si leur vote pourra transformer ces espoirs en réalité.

Alors que le Conseil constitutionnel prépare l’annonce des résultats, le pays retient son souffle. Une surprise est-elle possible ? Ou Paul Biya, maître du jeu politique depuis quatre décennies, s’imposera-t-il une fois de plus ? Les prochains jours seront décisifs pour l’avenir du Cameroun.

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