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Échec des négociations entre Nippon Steel et U.S. Steel : Biden décidera

Rebondissement dans le dossier brûlant du rachat d'U.S. Steel par le japonais Nippon Steel. Après l'échec des négociations, la balle est dans le camp de Biden, qui a 15 jours pour trancher. L'avenir de la sidérurgie américaine en jeu...

C’est un véritable coup de tonnerre qui vient de retentir dans le ciel de la sidérurgie américaine. Après l’échec des négociations entre le géant japonais Nippon Steel et l’emblématique U.S. Steel sur un projet de rachat à 15 milliards de dollars, c’est désormais au président Joe Biden de trancher. Un choix cornélien pour le locataire de la Maison Blanche, pris en étau entre la nécessité de préserver l’indépendance stratégique des États-Unis dans ce secteur clé et la volonté de ne pas froisser un allié de poids comme le Japon.

Nippon Steel débouté par le CFIUS, la balle dans le camp de Biden

Selon nos informations, le comité sur les investissements étrangers aux États-Unis (CFIUS) n’est pas parvenu à un consensus sur ce dossier ultra-sensible. Cette instance, chargée d’évaluer les conséquences des rachats d’entreprises américaines par des groupes étrangers sur la sécurité nationale, a donc décidé de renvoyer la patate chaude à Joe Biden. Le président dispose maintenant d’un délai de 15 jours pour approuver ou non ce mariage titanesque.

Une décision lourde de conséquences, alors que l’industrie sidérurgique est considérée comme un enjeu stratégique de première importance par Washington. Comme l’a rappelé le président élu Donald Trump, farouche opposant à cette transaction, les États-Unis sont le premier importateur mondial d’acier. Un rachat par un groupe étranger, fut-il un partenaire historique comme le Japon, fait donc l’effet d’un chiffon rouge dans une Amérique travaillée par les sirènes du protectionnisme.

Nippon Steel joue son va-tout, U.S. Steel entre deux feux

Du côté de Nippon Steel, on se refuse pour l’instant à tout commentaire. Mais selon une source proche du dossier, le groupe japonais entend bien profiter de ce sursis de 15 jours pour convaincre l’administration Biden du bien-fondé de son projet. Le géant nippon met en avant les « efforts considérables » déployés pour répondre aux préoccupations américaines en matière de sécurité nationale. Il insiste aussi sur sa volonté de développer U.S. Steel, de protéger les emplois américains et de renforcer l’ensemble de la filière sidérurgique outre-Atlantique.

Un argumentaire qui trouvera-t-il grâce aux yeux de Joe Biden ? Rien n’est moins sûr, tant le dossier déchaîne les passions dans la classe politique américaine. Pour preuve, le soutien tonitruant apporté par U.S. Steel à son propre rachat, décrit comme la meilleure arme pour « combattre la menace concurrentielle de la Chine ». Une position contestée par le puissant syndicat United Steelworkers, pour qui cette transaction n’est rien d’autre que de la « cupidité d’entreprise, qui trahit les travailleurs américains et met en péril l’avenir à long terme de l’industrie sidérurgique nationale et notre sécurité nationale ».

Les enjeux géostratégiques de l’acier au cœur des débats

Au-delà des joutes politiques, ce feuilleton met en lumière les immenses enjeux qui entourent l’industrie sidérurgique mondiale. Considéré à la fois comme le baromètre et le carburant de l’économie, l’acier reste un matériau stratégique et un symbole de puissance. Sa production et son commerce sont donc au cœur de rapports de force internationaux, dominés par la montée en puissance de la Chine, devenue premier producteur et exportateur mondial.

Face à ce rouleau compresseur, les États-Unis jouent une partition de plus en plus protectionniste, n’hésitant pas à imposer des droits de douane sur les importations d’acier au nom de la sécurité nationale. Une politique qui a contribué à tendre les relations commerciales avec l’Union européenne et le Japon, eux-mêmes grands producteurs d’acier. C’est dans ce contexte inflammable que s’inscrit le projet de rachat d’U.S. Steel par Nippon Steel, perçu par certains comme une menace pour la souveraineté industrielle américaine.

Vers un veto de Biden? Les marchés retiennent leur souffle

A l’heure où nous écrivons ces lignes, l’issue du bras de fer reste incertaine. Si Joe Biden s’est montré jusqu’ici hostile à cette opération, rien n’indique qu’il mettra son veto. Le président, qui cherche à renouer le dialogue avec les alliés des États-Unis, pourrait être tenté par une solution de compromis. Mais la pression des élus démocrates et des syndicats, très remontés contre ce projet, limitera sans doute sa marge de manœuvre.

Quoi qu’il en soit, cette saga sera scrutée de près par les marchés financiers. Et pour cause : au-delà d’U.S. Steel, c’est tout l’avenir de la sidérurgie américaine, voire mondiale, qui pourrait se jouer dans ce dossier. Déjà fragilisé par la pandémie et la guerre commerciale sino-américaine, le secteur retient son souffle. Un veto de Biden pourrait refroidir les ardeurs des investisseurs étrangers et accélérer le repli sur soi de l’industrie sidérurgique. A l’inverse, un feu vert à Nippon Steel ouvrirait la voie à une consolidation mondiale et à un rééquilibrage des forces face à la Chine.

Les quinze prochains jours seront décisifs. C’est l’avenir de toute une industrie, voire de l’économie mondiale, qui est en jeu.

– Un analyste financier spécialiste de la sidérurgie

Autant dire que le suspense reste entier. Et que Joe Biden, après des mois d’atermoiements, va devoir rapidement trancher. Privilégiera-t-il la realpolitik économique et le maintien de bonnes relations avec le Japon ? Ou cédera-t-il aux sirènes du protectionnisme au nom de la sécurité nationale ? Réponse dans quinze jours, jour pour jour. D’ici là, gageons que les lobbyistes des deux camps vont redoubler d’efforts pour influencer ce choix crucial.

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