C’est une annonce qui a pris de court la communauté internationale. Le gouvernement Taliban, au pouvoir en Afghanistan depuis août 2021, a révélé mardi avoir procédé à un échange de prisonniers avec les États-Unis. Une libération croisée rendue possible grâce à la médiation du Qatar, et qui pourrait marquer un tournant dans les relations glaciales entre Washington et Kaboul.
La libération d’un « combattant afghan » en échange de deux Américains
D’après le ministère afghan des Affaires étrangères, un certain Khan Mohammed, qualifié de « combattant afghan » et emprisonné aux États-Unis « depuis près de deux décennies », a été relâché et rapatrié en Afghanistan. En contrepartie, deux citoyens américains détenus par les Talibans ont été libérés.
Bien que l’identité des deux ressortissants américains n’ait pas été officiellement confirmée, plusieurs médias outre-Atlantique ont cité les noms de William McKenty et Ryan Corbett. Ce dernier se trouvait entre les mains des autorités talibanes depuis 2022.
Le rôle crucial du Qatar dans les négociations
Cet échange de bons procédés n’aurait pu se concrétiser sans l’implication active du Qatar. L’émirat a en effet « joué un rôle efficient » dans les « longues discussions » qui ont permis d’aboutir à cet accord, comme l’a souligné le ministère afghan.
Doha avait déjà accueilli en juillet dernier des pourparlers entre représentants américains et talibans, organisés sous l’égide de l’ONU. Des discussions qui portaient justement sur un possible échange de prisonniers afghans de Guantanamo contre ces deux citoyens américains.
Un geste positif pour normaliser les relations
Pour le gouvernement Taliban, cet échange constitue « un bon exemple de résolution d’un problème par le dialogue ». Plus encore, il s’agirait de « mesures positives des États-Unis » contribuant à « la normalisation et au développement des relations entre les deux pays ».
Des relations pour le moins compliquées depuis le retour au pouvoir des fondamentalistes en août 2021, dans le sillage du retrait précipité des troupes américaines. Un camouflet pour Washington, contraint de composer avec ce régime non reconnu par la communauté internationale.
Les Talibans misent sur Trump pour améliorer les liens
Avec l’investiture de Donald Trump, les Talibans semblent entrevoir une opportunité pour renouer le dialogue. Ils avaient en effet exprimé à plusieurs reprises leur volonté d’entretenir de bonnes relations avec le républicain, espérant ouvrir « un nouveau chapitre ».
Il faut dire que c’est sous la présidence Trump qu’avait été signé en février 2020 l’accord de Doha, ouvrant la voie au retrait américain en contrepartie de garanties sécuritaires des Talibans. Un accord très critiqué, Biden étant accusé d’avoir poursuivi ce retrait sans conditions.
Des progrès attendus sur les droits des femmes
Au-delà de la libération de prisonniers, l’enjeu crucial des droits des femmes en Afghanistan reste au cœur des préoccupations internationales. L’ONU dénonce un véritable « apartheid de genre » instauré par le régime fondamentaliste depuis son retour au pouvoir.
Écartées de la vie publique, privées d’éducation et de travail, les femmes afghanes paient un lourd tribut sous le joug taliban. Leur sort sera sans nul doute au menu des futures discussions entre Washington et Kaboul, comme préalable à toute normalisation des relations.
Cet échange de prisonniers marque-t-il le début d’un dégel diplomatique ? Si les Talibans y voient un signe encourageant, le chemin vers une réelle normalisation des liens s’annonce encore long et semé d’embûches. Les prochains mois nous diront si ce geste était annonciateur d’une nouvelle ère, ou une simple péripétie dans les montagnes russes des relations américano-afghanes.
