Imaginez une ville où l’on ne trouve plus de prospectus publicitaires débordant des boîtes aux lettres. C’est le pari audacieux que Dunkerque a relevé il y a maintenant deux ans en mettant un terme à la distribution systématique de dépliants commerciaux. Une mesure écologique forte, pionnière en France, mais qui ne fait pas que des heureux, en particulier chez les commerçants.
L’étiquette bleue “Oui Pub”, sésame indispensable
Désormais, à Dunkerque, pour continuer à recevoir de la publicité papier dans sa boîte aux lettres, il faut impérativement apposer une petite étiquette bleue “Oui Pub” dessus. Un geste simple mais qui change tout. Sans cet autocollant, plus aucun prospectus publicitaire ne franchira le seuil de votre porte. Fini donc l’amoncellement de dépliants non désirés qui finissaient bien souvent directement à la poubelle sans même avoir été lus.
Cette initiative, une première en France, vise à réduire drastiquement la consommation de papier et son impact environnemental. Car selon une étude récente, chaque foyer reçoit en moyenne 30kg de courriers non adressés par an, dont une grande partie termine malheureusement à la poubelle sans avoir été exploités.
Une démarche écologique saluée
L’idée d’inverser la logique et de passer d’un système d’opt-out (je reçois de la pub sauf si je m’y oppose) à un système d’opt-in (je ne reçois de la pub que si je le demande expressément) est saluée par les défenseurs de l’environnement. C’est un pas significatif vers une consommation plus responsable et une réduction de notre empreinte écologique au quotidien.
On estime que cette mesure permet d’économiser environ 340 tonnes de papier chaque année à Dunkerque, soit l’équivalent de 10 000 arbres préservés.
Explique Pierre Schereck, adjoint à la mairie en charge de l’environnement.
Une contribution non négligeable quand on sait que la production et le recyclage du papier sont eux-mêmes très énergivores et polluants. Et au-delà de l’aspect environnemental, c’est aussi un gain de temps et de confort pour les habitants qui n’ont plus à trier et jeter des prospectus non sollicités.
Des commerçants pénalisés
Mais cette mesure anti-prospectus ne fait pas l’unanimité. Principale victime collatérale : les petits commerces locaux qui comptent beaucoup sur les dépliants publicitaires pour attirer des clients, faire connaître leurs offres et promotions. Avec ce nouveau système, leur rayon d’action est considérablement réduit.
Avant, quand on distribuait 10 000 prospectus, on pouvait espérer toucher 10 000 personnes. Maintenant, avec seulement 10% des boîtes aux lettres équipées de l’étiquette, on atteint à peine 1000 clients potentiels. C’est une perte de visibilité énorme.
Déplore Marc, boucher-charcutier dans le centre-ville.
Un constat partagé par de nombreux commerçants qui voient leur chiffre d’affaires pâtir de cette limitation de la publicité papier. Certains envisagent même de réduire leur production de prospectus, voire d’y renoncer complètement, faute de pouvoir les diffuser efficacement.
Des solutions alternatives encore timides
Pour autant, la mairie ne compte pas revenir en arrière et assume ce choix écologique fort. Elle incite les commerçants à se tourner vers d’autres canaux de communication, notamment le digital, pour promouvoir leurs activités. Mais la transition n’est pas si évidente, surtout pour les commerces traditionnels moins familiers de ces outils.
Certains commerçants tentent tant bien que mal de s’adapter, en relayant plus activement leurs offres sur les réseaux sociaux ou en proposant des promotions exclusives aux clients s’inscrivant à leur newsletter. Des initiatives encourageantes mais encore marginales, qui ne compensent pas vraiment la perte de la publicité papier.
Il va nous falloir du temps pour changer nos habitudes et trouver de nouveaux moyens d’attirer les clients. Mais on n’a pas vraiment le choix, il faut s’adapter à cette nouvelle donne.
Confie Lucie, gérante d’une boutique de prêt-à-porter.
La mairie réfléchit de son côté à des solutions pour accompagner les commerçants dans cette transition, comme la mise en place d’un portail web dédié aux commerces locaux ou l’organisation d’événements pour promouvoir le commerce de proximité. Des pistes encore à l’étude mais qui témoignent d’une volonté de trouver un équilibre entre préservation de l’environnement et dynamisme économique local.
Vers une généralisation du modèle ?
L’expérience dunkerquoise, pionnière en France, est scrutée de près par de nombreuses autres villes. Plusieurs envisagent de lui emboîter le pas, séduites par cette idée d’une publicité papier plus responsable et moins intrusive. Mais avant de franchir le pas, elles attendent de voir comment la situation évolue et quelles solutions seront trouvées pour préserver le commerce local.
Car si l’initiative est vertueuse sur le plan écologique, elle soulève aussi des questions sur notre modèle de consommation et le rôle de la publicité dans nos choix. En limitant la distribution de prospectus, ne risque-t-on pas de renforcer la domination des grandes enseignes, plus à même de communiquer via d’autres canaux ? Comment préserver une concurrence équitable et la diversité commerciale ?
Autant de défis à relever pour réussir cette transition vers une publicité plus raisonnée, sans fragiliser le tissu économique local. L’exemple de Dunkerque montre que c’est possible, mais que cela demande un effort d’adaptation et d’accompagnement. Un chemin semé d’embûches mais nécessaire pour construire un modèle plus durable et respectueux de notre environnement.