Imaginez-vous attendre plus de deux ans le retour d’un proche, sans savoir s’il est vivant ou mort, et finalement apprendre que son corps va enfin rentrer à la maison.
C’est l’épreuve qu’a vécue la communauté du kibboutz Beeri, et plus particulièrement les enfants de Dror et Yonat Or.
Mardi soir, Israël a officiellement annoncé avoir reçu la dépouille de Dror Or, l’un des trois derniers otages dont les corps étaient encore retenus dans la bande de Gaza.
Le retour de Dror Or : un kibboutz enfin libéré de ses fantômes
Pour la première fois depuis le 7 octobre 2023, le kibboutz Beeri n’a plus aucun de ses membres retenu à Gaza, vivant ou mort.
Dror Or, chef cuisinier et fromager passionné de 48 ans, avait été tué dès les premières heures de l’attaque du Hamas contre son kibboutz. Son corps avait ensuite été emmené dans l’enclave palestinienne.
Son décès avait été confirmé officiellement le 2 mai 2024, mais sa dépouille restait introuvable jusqu’à cette semaine.
Qui était Dror Or, l’homme derrière l’uniforme de cuisinier ?
Dans le kibboutz Beeri, tout le monde connaissait Dror pour son calme légendaire et son humour discret.
Il dirigeait la laiterie et régalait les habitants avec ses fromages artisanaux et ses plats généreux. Le week-end, il enseignait le yoga. Le soir, il jouait au basket avec les adolescents.
Père de trois enfants, il formait avec son épouse Yonat un couple solide et apprécié de tous.
« Dror était un ami fidèle, une personne calme, agréable et bienveillante, doté d’un humour subtil et d’une grande sensibilité. Il aimait la bonne cuisine, le basket, les voyages… »
Communiqué du kibboutz Beeri
Mais le 7 octobre, tout a basculé.
7 octobre 2023 : la journée qui a tout brisé
Ce matin-là, Dror et Yonat Or ont été tués dans leur maison du kibboutz Beeri.
Leurs deux plus jeunes enfants, Alma (13 ans) et Noam (16 ans à l’époque), ont été enlevés et emmenés à Gaza sous la menace des armes.
Le fils aîné, qui n’était pas présent ce jour-là, a échappé à l’horreur.
Alma et Noam ont finalement été libérés en novembre 2023 dans le cadre de l’accord de cessez-le-feu et d’échange d’otages. Ils sont rentrés orphelins de leurs deux parents.
Une identification longue et douloureuse
Le corps de Dror Or a été remis mardi aux autorités israéliennes par les groupes palestiniens.
Le Centre national de médecine légale a procédé aux analyses nécessaires avant que l’armée n’informe officiellement la famille.
L’armée israélienne a précisé que Dror Or avait été assassiné par des membres du Jihad islamique, allié du Hamas.
Le Jihad islamique, de son côté, a affirmé avoir retrouvé le corps lors d’opérations de recherche dans des zones récemment bombardées du centre de la bande de Gaza.
Deux dépouilles encore retenues à Gaza
Malgré ce retour, deux corps d’otages tués le 7 octobre restent toujours dans l’enclave palestinienne.
Il s’agit de l’Israélien Ran Gvili et du travailleur thaïlandais Sudthisak Rinthalak.
Leurs familles continuent d’attendre, dans l’angoisse et la colère.
Les derniers otages dont les corps sont encore retenus :
• Ran Gvili (Israélien)
• Sudthisak Rinthalak (Thaïlandais)
Les accusations croisées autour du cessez-le-feu
Les autorités israéliennes dénoncent des violations répétées du cessez-le-feu, pointant les retards injustifiés dans la remise des derniers corps.
De leur côté, les groupes palestiniens expliquent ces lenteurs par l’ampleur des destructions à Gaza et le manque criant d’engins de déblaiement pour fouiller les décombres.
Cette guerre des récits accompagne chaque étape du processus de restitution.
Beeri, un kibboutz marqué à jamais
Sur les 1 200 habitants que comptait Beeri avant le 7 octobre, plus d’une centaine ont été tués ou enlevés ce jour-là.
Le retour du corps de Dror Or clôt un chapitre terrible pour cette communauté qui a perdu 10 % de ses membres en une seule matinée.
Aujourd’hui, les habitants parlent d’un « sentiment étrange » : le soulagement de ne plus avoir personne « là-bas », mêlé à la douleur de savoir que Dror ne reviendra jamais vivant.
Les funérailles devraient avoir lieu dans les prochains jours, dans l’intimité du kibboutz.
Une histoire parmi tant d’autres
L’histoire de Dror Or n’est malheureusement pas unique.
Elle illustre le sort de dizaines de familles qui, plus de deux ans après l’attaque du 7 octobre, continuent de vivre avec des chaises vides à table et des photos encadrées qui ne sourient plus.
Mais elle porte aussi un message d’espoir ténu : même après tant de temps, même dans les pires circonstances, il est encore possible de ramener ses proches à la maison.
Pour Alma et Noam, désormais adolescents, ce retour marque la fin d’un cauchemar et le début d’un deuil qu’ils pourront enfin commencer à faire.
Pour le kibboutz Beeri, c’est une page qui se tourne, douloureusement, mais définitivement.
Et pour les deux familles qui attendent encore Ran Gvili et Sudthisak Rinthalak, c’est un rappel que l’espoir, aussi fragile soit-il, ne doit jamais complètement s’éteindre.
La guerre a peut-être ralenti, les armes se sont tues par moments, mais pour certains, elle ne sera vraiment terminée que le jour où le dernier corps aura franchi la frontière.
Ce jour-là n’est pas encore arrivé.
Mais pour Dror Or, chef cuisinier, fromager, professeur de yoga et père aimant, le voyage est enfin terminé.
Il est rentré chez lui.









