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Drones sur la Base Nucléaire Française : Alerte à l’Île Longue

Jeudi soir, cinq drones survolent en toute impunité la base la plus sensible de France : celle qui abrite les sous-marins porteurs de l’arme nucléaire. Aucun n’a été abattu, aucun pilote identifié. L’enquête est ouverte… mais une question brûlante demeure : qui se cache derrière cette provocation ?

Imaginez la scène : une pleine lune géante illumine la rade de Brest comme en plein jour, et soudain, cinq points lumineux évoluent lentement au-dessus du sanctuaire le plus gardé de la défense française. Ce n’est pas un film d’espionnage… c’est arrivé jeudi soir, au cœur même de la base de l’Île Longue.

Une intrusion qui glace le sang

La base de l’Île Longue, située au sud de la rade de Brest dans la presqu’île de Crozon, n’est pas n’importe quel site militaire. C’est ici que sont stationnés les quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) de la Marine nationale, les garants ultimes de la dissuasion nucléaire française. Chaque jour, près de 2 000 personnes y pénètrent, dont 1 500 civils chargés de la maintenance. Un seul de ces géants des mers est en permanence en patrouille quelque part dans les océans, prêt à riposter en cas d’attaque contre la France.

Jeudi soir, vers 19 h 30, cinq engins volants non identifiés ont été détectés au-dessus de cette zone ultra-sensible. Les conditions étaient idéales pour observer… et être observé : ciel parfaitement dégagé, super lune particulièrement proche de la Terre. Autant dire que les drones, eux aussi, bénéficiaient d’une visibilité exceptionnelle.

Une réaction immédiate mais sans résultat concret

Le bataillon de fusiliers marins, chargé de la protection rapprochée de la base, a aussitôt réagi. Un dispositif de lutte anti-drone a été déployé. Des tirs de brouillage électronique ont été effectués pour tenter de neutraliser les appareils. Pourtant, aucun drone n’a été abattu. Aucun pilote n’a été interpellé. Les engins ont tout simplement disparu dans la nuit.

Le procureur de Rennes, compétent pour les affaires militaires, a ouvert une enquête judiciaire dès le lendemain. « À ce stade, aucun lien avec une ingérence étrangère n’est établi », a-t-il prudemment déclaré. L’objectif prioritaire : confirmer qu’il s’agissait bien de drones, en déterminer le nombre exact, la taille, et surtout l’origine.

« Il est trop tôt pour caractériser l’origine de ces drones. L’objectif de ces survols semble surtout d’inquiéter la population. »

Capitaine de frégate Guillaume Le Rasle, porte-parole de la préfecture maritime de l’Atlantique

Un phénomène qui se répète en Europe

Ce n’est malheureusement pas un cas isolé. Ces derniers mois, les signalements de drones près de sites sensibles se sont multipliés à travers l’Europe du Nord et au-delà.

En Allemagne, une unité spécialisée de police anti-drone vient d’être mise en service pour répondre à la recrudescence d’incursions au-dessus d’installations stratégiques. En Belgique, des appareils ont été repérés près de bases militaires, d’aéroports, et même d’une centrale nucléaire. En Irlande, la police enquête sur des drones détectés sur le trajet de l’avion présidentiel ukrainien Volodymyr Zelensky lors de sa visite officielle à Dublin.

En France même, la presqu’île de Crozon fait l’objet d’une interdiction totale de survol. Pourtant, des infractions ont déjà été constatées par le passé, notamment en 2015 et 2020. Plus récemment, dans la nuit du 17 au 18 novembre, un drone survolait déjà la zone… sans pénétrer l’emprise militaire.

La base de l’Île Longue : un sanctuaire sous haute protection

Pour comprendre l’ampleur de l’incident, il faut saisir ce que représente réellement l’Île Longue.

Ce site abrite les quatre SNLE de la classe Le Triomphant : Le Triomphant, Le Téméraire, Le Vigilant et Le Terrible. Chaque sous-marin emporte 16 missiles balistiques M51 capables de porter plusieurs têtes nucléaires sur des milliers de kilomètres. La base est protégée par un dispositif exceptionnel : 120 gendarmes maritimes et les fusiliers marins, des commandos d’élite de la Marine nationale.

En résumé technique :
• 4 sous-marins nucléaires lanceurs d’engins
• 16 missiles M51 par sous-marin
• Portée supérieure à 9 000 km
• Têtes nucléaires multiples (MIRV)
• Au moins un SNLE en patrouille permanente 365 jours/an

Pourquoi c’est grave (même si rien n’a été « menacé)

La préfecture maritime l’assure : les infrastructures sensibles n’ont pas été menacées. Pourtant, le simple fait que des appareils inconnus aient pu évoluer impunément au-dessus de la base pose question.

Premièrement, cela révèle une possible faille dans le dispositif de détection et de neutralisation. Deuxièmement, cela peut s’apparenter à une opération de reconnaissance ou d’intimidation. Troisièmement, dans le contexte géopolitique actuel, toute intrusion près d’une installation nucléaire stratégique est scrutée à la loupe.

Le timing est également troublant. Nous sommes en pleine guerre en Ukraine, les tensions avec la Russie sont à leur paroxysme, et plusieurs pays européens accusent Moscou d’orchestrer des campagnes de déstabilisation hybride incluant des survols de drones. Même si, pour l’instant, aucun élément ne permet d’accréditer cette piste en France.

Vers une réponse renforcée ?

Ce type d’incident n’est pas nouveau, mais sa fréquence augmente. Les armées occidentales investissent massivement dans la lutte anti-drone : brouilleurs, lasers, filets, systèmes de détection passive, intelligence artificielle pour identifier les signatures.

En France, la Marine nationale et la gendarmerie maritime travaillent déjà sur des solutions plus radicales. Certains experts appellent à autoriser l’abattage systématique des drones pénétrant les zones interdites, sans attendre une identification formelle – une mesure déjà en vigueur dans plusieurs pays.

Ce qui s’est passé à l’Île Longue pourrait bien accélérer ces réflexions. Car si demain les drones étaient armés, ou porteurs de charges explosives, ou simplement utilisés pour guider une attaque plus sophistiquée… les conséquences seraient incalculables.

Et maintenant ?

L’enquête judiciaire suit son cours. Les militaires analysent les données radar, les enregistrements vidéo, les fréquences de brouillage. Peut-être que dans quelques semaines nous saurons s’il s’agissait d’un acte malveillant, d’un groupe de « dronistes » imprudents, ou pire.

En attendant, une certitude : la dissuasion nucléaire française reste intacte. Les sous-marins continuent leur mission silencieuse dans les abysses. Mais l’incident de jeudi soir nous rappelle cruellement que même les sanctuaires les mieux gardés ne sont plus à l’abri des nouvelles formes de menace.

La super lune a éclairé la rade de Brest comme jamais. Elle a aussi révélé, l’espace de quelques minutes, la fragilité de nos défenses face à des engins de quelques kilos capables de défier les systèmes les plus sophistiqués.

La prochaine pleine lune est dans 28 jours. Espérons qu’elle ne sera pas, une nouvelle fois, le témoin d’une intrusion dans le ciel breton.

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