C’est un drame qui s’est déroulé dans le plus grand silence, loin des regards et de l’agitation médiatique. Pourtant, il soulève des questions cruciales sur notre système carcéral et la prise en charge des mineurs détenus. Ce week-end, un jeune homme de 17 ans a été retrouvé pendu dans sa cellule à l’établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) d’Orvault, près de Nantes. Une énième tragédie qui vient rappeler l’urgence de réformer en profondeur les prisons françaises.
Des conditions de détention inadaptées pour les mineurs
Selon les premiers éléments de l’enquête, le jeune homme, originaire de Quimper, venait d’arriver à l’EPM d’Orvault. Il purgeait une peine pour des faits de délinquance. Mais au lieu de l’aider à se reconstruire et préparer sa réinsertion, le système carcéral semble l’avoir précipité vers l’irréparable. Car derrière les murs des prisons, la réalité est souvent bien éloignée des discours sur l’exemplarité de la peine et le sens de la sanction.
Les conditions de détention des mineurs sont souvent inadaptées, voire indignes. Surpopulation, promiscuité, violences, manque d’activités et de suivi… Tous les ingrédients sont réunis pour aggraver la souffrance psychique des jeunes détenus.
Adeline Hazan, contrôleure générale des lieux de privation de liberté
Un taux de suicide alarmant chez les mineurs incarcérés
Malheureusement, le suicide du jeune détenu d’Orvault est loin d’être un cas isolé. Selon les chiffres du Conseil de l’Europe, la France affiche l’un des taux de suicide en prison les plus élevés, juste derrière la Lettonie. En 2022, ce taux atteignait 19,1 suicides pour 10 000 détenus. Et la situation est encore plus alarmante chez les mineurs incarcérés.
Les jeunes ont cinq fois plus de risques de se suicider en prison qu’à l’extérieur. Ils cumulent souvent des facteurs de vulnérabilité : parcours chaotiques, addictions, troubles psys… La prison les fragilise encore plus.
Dominique Simonnot, contrôleure générale des lieux de privation de liberté
Repenser la prise en charge des mineurs délinquants
Face à ce constat accablant, il est urgent de repenser en profondeur le traitement pénal et carcéral des mineurs délinquants. Car enfermer un adolescent entre quatre murs, c’est prendre le risque de le voir sombrer, voire passer à l’acte. Au contraire, il faudrait privilégier des alternatives à l’incarcération, misant sur l’éducation, la responsabilisation et l’accompagnement personnalisé.
- Développer les mesures éducatives en milieu ouvert
- Renforcer la présence d’éducateurs et de psychologues auprès des jeunes détenus
- Favoriser les aménagements de peine pour maintenir les liens familiaux et sociaux
- Préparer la sortie et l’insertion professionnelle dès le début de la détention
Une prise de conscience collective nécessaire
Mais au-delà des murs des prisons, c’est toute la société qui doit se remettre en question. Car chaque mineur incarcéré est un constat d’échec pour notre système éducatif et notre modèle social. Plutôt que de les considérer comme des délinquants irrécupérables, ne faudrait-il pas avant tout voir en eux des adolescents en souffrance, en quête de repères et de perspectives ? C’est tout l’enjeu d’une justice des mineurs plus humaine et plus efficace.
N’attendons pas un nouveau drame pour réagir. Chaque suicide d’un jeune détenu est une tragédie de trop. Il est temps de passer des discours aux actes, pour bâtir un système carcéral digne de nos valeurs.
Jean-Marie Delarue, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté
