Il est des lieux qu’on traverse chaque jour sans y penser. À Lyon, le tunnel piéton qui relie la gare de Perrache aux quais des tramways T1 et T2 en fait partie. Pourtant, dans la nuit du 10 au 11 novembre 2025, ce passage souterrain banal est devenu le théâtre d’une scène d’une violence rare.
Une agression d’une brutalité inouïe au cœur de Perrache
Vers 23 heures, plusieurs témoins découvrent un homme de 56 ans effondré sur les rails, baignant dans son sang. L’arme du crime ? Une grande fourchette de barbecue, plantée à plusieurs reprises dans le thorax. Les pompiers, alertés immédiatement, parviennent à le réanimer sur place avant de le transporter en urgence absolue à l’hôpital Édouard-Herriot.
Pendant quinze jours, les médecins se battent. Le cœur s’arrête, repart, les poumons sont touchés, le foie aussi. Mais dans la nuit du 23 au 24 novembre, la victime succombe à ses blessures. Ce qui n’était qu’une tentative d’homicide devient officiellement un meurtre.
Le suspect : un parcours déjà chaotique
L’auteur présumé, âgé de 32 ans, est connu des services de police. Sans domicile fixe, originaire de Guadeloupe, il avait été interpellé dès le lendemain des faits. Placé en garde à vue, il présentait alors un état psychiatrique tellement dégradé que la justice avait ordonné son hospitalisation d’office.
Mais la mort de la victime change tout. Lundi 25 novembre, à peine sorti de l’unité psychiatrique, il a été de nouveau arrêté et présenté au parquet de Lyon. L’enquête, initialement ouverte pour tentative de meurtre, est requalifiée en homicide volontaire. Il risque désormais la réclusion criminelle à perpétuité.
« C’était une scène de cauchemar. On a vu le corps sur les rails, du sang partout, et cette fourchette plantée… »
Un témoin encore choqué, présent ce soir-là
Un mobile toujours inconnu
C’est peut-être l’élément le plus troublant de cette affaire : personne ne comprend pourquoi. Pas de vol apparent, pas de conflit préalable identifié, pas de lien entre la victime et son agresseur. Une rencontre fortuite, une altercation qui dégénère en quelques secondes, ou un passage à l’acte totalement gratuit ? Les enquêteurs de la Sûreté départementale du Rhône explorent toutes les pistes.
Le suspect, lors de ses premières auditions, se montrait confus, parfois incohérent. Les expertises psychiatriques en cours seront déterminantes pour savoir s’il pourra être jugé pénalement responsable de ses actes.
Perrache, un quartier sous tension permanente
Ce drame ne sort pas de nulle part. Le secteur de la gare Perrache concentre depuis des années une part importante de l’insécurité lyonnaise. Crack, trafics en tout genre, bagarres nocturnes, agressions dans les transports… les riverains et les usagers ne comptent plus les incidents.
Le tunnel lui-même, mal éclairé et étroit, est régulièrement signalé comme un point noir. Des pétitions circulent depuis des années pour demander plus de vidéosurveillance, un éclairage renforcé ou même une fermeture nocturne. Rien n’a vraiment changé.
Les principaux points noirs du secteur Perrache (2024-2025) :
- Plus de 120 interventions policières pour des faits de violence en un an
- Augmentation de 38 % des agressions dans les transports en commun
- Présence régulière de groupes consommant du crack à proximité immédiate de la gare
- Tunnel piéton régulièrement cité dans les signalements citoyens
Une ville qui retient son souffle
À Lyon, l’émotion est immense. Sur les réseaux sociaux, les messages de soutien à la famille de la victime se multiplient. Beaucoup s’interrogent aussi sur la gestion de la santé mentale dans l’espace public et sur la prise en charge des personnes en grande précarité.
Comment un objet aussi anodin qu’une fourchette de barbecue a-t-il pu devenir une arme mortelle ? Comment un homme en détresse psychiatrique a-t-il pu se retrouver seul dans ce tunnel, armé, face à un passant ? Ces questions, brutales, reviennent sans cesse.
Vers un procès sous haute tension
L’enquête se poursuit. Les caméras de vidéosurveillance du secteur, bien que nombreuses, n’ont pour l’instant pas permis de filmer la scène directement – un angle mort que beaucoup dénoncent déjà. Les témoignages restent précieux, mais la nuit et le choc ont rendu les souvenirs flous.
Quand l’affaire arrivera devant la cour d’assises – probablement dans un ou deux ans –, elle cristalliserait sans doute tous les débats actuels : irresponsabilité pénale, dangerosité psychiatrique, sentiment d’insécurité, gestion des SDF en errance… Un dossier explosif.
En attendant, dans le tunnel de Perrache, les Lyonnais passent désormais un peu plus vite. Certains jettent un regard inquiet autour d’eux. Et beaucoup se demandent si, un jour, ce genre de drame ne se reproduira pas. Parce que, malheureusement, rien ne semble avoir fondamentalement changé depuis cette nuit de novembre.
Une pensée, simplement, pour cet homme de 56 ans qui rentrait chez lui et qui n’est jamais arrivé.









