Ils pensaient passer un week-end romantique. Ils ont fini dépouillés, traumatisés, et sans plus rien. Ce qui est arrivé à Alexandre et Léa, ce vendredi 5 décembre à Évry-Courcouronnes, résume à lui seul le sentiment d’abandon qui ronge certaines zones de l’Essonne.
Une soirée qui bascule en quelques minutes
Léa, étudiante en stage, loue un Airbnb dans un immeuble ordinaire du quartier. Alexandre, qui habite Narbonne, a fait la route pour la rejoindre. Rien d’extraordinaire : un kebab entre copains en début de soirée, puis retour à l’appartement pour profiter enfin l’un de l’autre.
Mais à peine sorti du restaurant, Alexandre est accosté. « T’es pas d’ici toi ? » La phrase classique. Il tente de désamorcer, explique qu’il n’est là que pour le week-end, qu’il ne connaît personne. Peine perdue.
Une dizaine de jeunes l’entourent. Pas de coups immédiats, juste la pression du nombre. « Viens avec nous, on va discuter. » Alexandre comprend vite qu’il n’a pas le choix. Il suit le groupe jusqu’à un hall d’immeuble voisin.
Séquestration et vol à la chaîne
Là, le ton change. On lui demande de vider ses poches. Sacoche fouillée, veste retirée de force, téléphone arraché. On le force à faire un retrait de 100 euros – le plafond quotidien est atteint, c’est tout ce qu’ils obtiendront.
Puis vient le moment le plus surréaliste : les voleurs appellent un receleur en visio pour négocier le téléphone. L’écran est cassé, la géolocalisation toujours active. Le « client » refuse. Le portable revient dans la poche d’Alexandre, mais papiers, carte bancaire et cigarette électronique ont déjà disparu.
« Ils discutaient prix comme au marché, devant moi, pendant que d’autres me tenaient. J’étais tétanisé. »
Alexandre, victime
Après une vingtaine de minutes, on le relâche avec un « casse-toi et ferme-la ». Il court jusqu’à l’appartement, sonne frénétiquement. Léa ouvre, terrifiée.
L’appartement déjà pillé sous les yeux de Léa
Pendant qu’Alexandre était retenu dehors, une partie de la bande était montée. Léa, qui sortait de la douche, s’est retrouvée nez à nez avec cinq ou six individus dans le salon.
Ils agissaient avec un calme glaçant. L’un fumait un joint, un autre fredonnait une musique en embarquant la télévision 50 pouces. Le micro-ondes a suivi. Puis les vestes de marque, les casquettes, les chaussures, même les produits de la salle de bains.
Léa, pétrifiée, n’a pas osé bouger. On lui a répété plusieurs fois : « T’inquiète, on prend juste ce qui nous intéresse, on te touche pas. » Une phrase censée être rassurante qui résonne encore dans ses cauchemars.
Ce qu’ils ont emporté en moins de quinze minutes :
- Télévision LED 50 pouces
- Micro-ondes
- Toutes les vestes et blousons (valeur > 800 €)
- Casquettes de marque
- Chaussures de sport
- Téléphone d’Alexandre (finalement rendu, hors d’usage)
- Papiers d’identité, carte vitale, permis
- Cigarette électronique et liquides
- Produits de beauté et parfum
Un sentiment d’impunité totale
Le plus révoltant ? Les voleurs n’ont même pas pris la peine de se presser. Ils savaient que personne n’interviendrait. Ni les voisins – qui ont forcément entendu – ni la police, absente au moment des faits.
Quand les forces de l’ordre finiront par arriver, plusieurs heures plus tard, il sera trop tard. Les caméras de vidéosurveillance ? Soit hors service, soit orientées ailleurs. Les témoignages ? Personne n’a « rien vu ».
Cette impunité n’est pas nouvelle en Essonne. Grigny, Corbeil-Essonnes, Évry-Courcouronnes… les noms reviennent sans cesse dans les faits divers. Et pourtant, les moyens policiers restent dramatiquement insuffisants face à des bandes qui agissent en toute tranquillité.
Les conséquences humaines derrière les objets volés
Au-delà du préjudice matériel, c’est un traumatisme profond. Léa n’a pas dormi pendant trois jours. Alexandre a annulé son retour à Narbonne, trop choqué pour reprendre la route seul.
Ils ont porté plainte, bien sûr. Mais ils savent tous les deux que leurs affaires sont déjà revendues sur les réseaux ou dans les cités voisines. Quant aux agresseurs, la probabilité qu’ils soient un jour inquiétés reste mince.
Ce genre d’histoire, on la lit tous les jours. Et pourtant, elle continue de choquer. Parce qu’elle pourrait arriver à n’importe qui : à votre fils qui rend visite à une amie, à votre fille en stage, à vous-même en vacances.
Airbnb et les zones à risque : un cocktail explosif
La plateforme Airbnb refuse souvent de communiquer sur les secteurs dangereux. Pourtant, de nombreux logements proposés dans certaines communes d’Île-de-France sont situés en plein cœur de zones de non-droit.
Les voyageurs, attirés par des prix bas, ignorent parfois tout du contexte local. Résultat : ils deviennent des cibles faciles pour des bandes qui surveillent les allées et venues.
Ce n’est pas la première fois qu’un logement Airbnb est ainsi pris pour cible. Mais l’audace et la violence de cette agression marquent un cran supplémentaire dans l’escalade.
Et demain ?
Alexandre et Léa ont quitté l’Essonne dès le lendemain matin. Ils ne remettront jamais les pieds à Évry. Comme des milliers d’autres avant eux, ils ont appris à leurs dépens que certaines villes françaises ne sont plus sûres, même pour un simple week-end.
Cette histoire n’est pas isolée. Elle est le symptôme d’un mal bien plus profond : l’abandon de quartiers entiers, l’impuissance des forces de l’ordre, et surtout une délinquance qui agit en toute impunité.
Combien de faits divers faudra-t-il encore pour que l’on prenne enfin la mesure du problème ?
En attendant, Alexandre et Léa tenteront d’oublier. Mais certains souvenirs, eux, ne s’effacent jamais.









