C’est une histoire déchirante qui nous vient du Liban, pays meurtri par la guerre qui l’oppose à Israël depuis près de deux mois maintenant. Suzanne Karkaba, une secouriste libanaise, a vécu l’impensable : devoir fouiller les décombres d’un centre de la Défense civile visé par un bombardement israélien pour y retrouver le corps de son propre père, Ali, lui aussi secouriste.
Ali dormait au centre pour pouvoir intervenir rapidement, avertir les populations avant les frappes, et récupérer les victimes pour les rendre à leurs familles. Un engagement total qu’il a payé de sa vie, comme l’a tristement constaté sa fille lorsqu’elle a dû l’identifier parmi les débris. “Je l’ai reconnu grâce à ses doigts”, confie-t-elle, la voix brisée par l’émotion et la fatigue.
Le lourd tribut des secouristes dans le conflit
Depuis le début du conflit le 23 septembre dernier, l’armée israélienne mène des bombardements intensifs sur le Liban, visant en priorité les fiefs du Hezbollah, le mouvement islamiste pro-iranien. Et dans cette guerre sans merci, les secours paient un lourd tribut.
Selon le ministère libanais de la Santé, plus de 150 secouristes ont déjà perdu la vie, pour certains engagés auprès d’associations affiliées au Hezbollah ou à ses alliés. Rien que jeudi dernier, plus de 40 personnes ont été tuées dans des frappes sur l’est et le sud du pays, dont des membres des secours visés à deux reprises en l’espace de deux heures.
Un acte incompréhensible
Pour Suzanne Karkaba, qui avait rejoint la Défense civile en suivant les traces de son père, le bombardement du centre de Douris, une institution gouvernementale, est incompréhensible. “On est parmi les premiers à se mobiliser pour aider, éteindre des incendies, sauver des vies, transporter des blessés”, souligne Mahmoud Issa, un autre secouriste présent sur les lieux pour tenter de retrouver des corps.
Est-ce que ça peut être pire que ça, ce type de frappes contre des équipes de secouristes ?
Mahmoud Issa, secouriste libanais
Une escalade meurtrière
Le Hezbollah a ouvert le front contre Israël le 8 octobre 2023 en soutien au Hamas palestinien, lui-même engagé dans une confrontation d’une intensité inédite avec l’État hébreu. Après près d’un an d’accrochages à la frontière, la situation a dégénéré en guerre ouverte fin septembre.
Et dans cette escalade meurtrière, secouristes et personnel médical sont devenus des cibles. “Maintenant, c’est à mon tour de ramasser des morceaux du corps de mon père pour l’enterrer”, lâche Suzanne Karkaba, résumant dans cette phrase terrible le drame de tout un pays aspiré dans un nouveau cycle de violence.
Un témoignage qui interpelle
Au milieu des blocs de béton et des tiges de fer tordues des ruines du centre de Douris, le témoignage poignant de cette secouriste ayant perdu son père résonne comme un cri. Un appel à regarder en face la tragédie humaine qui se joue au Liban, loin des considérations géopolitiques.
“Je ne sais pas qui pleurer : mon père, le chef du centre, ou mes amis d’une décennie”, confie-t-elle, révélant l’ampleur des pertes subies par la communauté des secouristes. Une communauté qui, malgré le danger, continue à se mobiliser pour tenter de sauver des vies dans un contexte d’une violence inouïe.
Un conflit qui n’épargne personne
L’histoire bouleversante de Suzanne Karkaba et de son père Ali illustre de manière cruelle comment ce conflit frappe aveuglément, n’épargnant même pas ceux qui se dévouent pour secourir les victimes. Une réalité glaçante qui en dit long sur l’horreur d’une guerre où les règles les plus élémentaires d’humanité semblent chaque jour un peu plus bafouées.
Face à ce drame, les mots peinent à exprimer l’émotion et la révolte que suscite le sacrifice de ces hommes et de ces femmes qui risquent tout pour sauver des vies. Leur engagement force le respect et leur tragédie ne peut laisser indifférent.
Reste à espérer que leur exemple et les terribles épreuves qu’ils traversent contribueront, à leur manière, à faire entendre la voix de la raison dans un contexte où la violence et la haine semblent avoir pris le pas sur tout le reste. Car c’est bien l’humanité dans ce qu’elle a de plus noble qu’incarnent ces secouristes dont le dévouement mérite notre admiration et notre soutien.