C’est un cas de figure inédit dans l’histoire américaine : un président réélu mais toujours poursuivi par la justice. En effet, malgré le retour triomphal de Donald Trump à la Maison Blanche en novembre dernier, le procureur de Manhattan Alvin Bragg a annoncé mardi son opposition ferme à toute tentative d’annulation des condamnations pénales et civiles prononcées contre le milliardaire new-yorkais ces dernières années.
Trump vs Justice : un affrontement qui perdure
En 2023, Donald Trump avait été jugé coupable dans l’affaire des paiements dissimulés à l’actrice porno Stormy Daniels, un dossier qui avait empoisonné sa campagne présidentielle victorieuse de 2016. Le magnat de l’immobilier avait aussi essuyé plusieurs revers cuisants dans des procédures civiles, notamment pour fraudes fiscales au sein de son groupe, la Trump Organization. Des condamnations humiliantes et inédites pour un candidat à la Maison Blanche.
Mais aujourd’hui de retour au pouvoir, le clan Trump exige l’annulation pure et simple de ces jugements, brandissant l’étendard de l’immunité présidentielle. Les avocats du président plaident que leur client ne devrait pas être inquiété par des procédures initiées avant son investiture. Un argument que rejette frontalement le bureau du procureur Bragg :
Il n’existe pour l’heure aucun fondement à une telle annulation avant l’investiture de l’accusé, parce que l’immunité d’un président élu n’existe pas.
Alvin Bragg, procureur de Manhattan
Vers un gel des procédures jusqu’en 2029 ?
Face à ce mur judiciaire, le procureur Bragg a toutefois ouvert la porte à un compromis pour éviter une crise institutionnelle majeure. Il propose ainsi de geler les procédures pénales pendant toute la durée du mandat de Donald Trump, soit potentiellement jusqu’en janvier 2029. Une pause judiciaire de quatre ans qui permettrait au président de gouverner sans cette épée de Damoclès au-dessus de sa tête.
- Procédures pénales gelées jusqu’en 2029
- Pas de peine de prison pour Trump pendant son mandat
- Reprise des poursuites civiles et pénales après la présidence
Mais pour les opposants démocrates, il n’est pas question de laisser le président échapper à la justice, même temporairement. Ils craignent la création d’un précédent dangereux, où l’élection à la magistrature suprême pourrait effacer toute condamnation antérieure. Un débat juridique, politique et constitutionnel qui s’annonce long et périlleux.
Des dossiers explosifs qui restent ouverts
Au-delà du gel des poursuites pénales, la question de l’annulation des condamnations civiles reste aussi en suspens. La procureure générale de l’État de New York Letitia James a ainsi refusé net d’abandonner les procédures visant la Trump Organization et la famille Trump pour fraude fiscale :
Votre lettre n’offre aucune base légale pour que mes services cherchent à annuler le jugement final et laissent tomber cette affaire.
Letitia James, procureure générale de l’État de New York
Des procès en responsabilité civile qui pourraient coûter des centaines de millions de dollars aux Trump, même si le président lui-même bénéficie d’une immunité temporaire. La saga judiciaire qui empoisonne Donald Trump depuis des années est donc loin d’être terminée, malgré son grand retour à Washington.
2024, l’élection de tous les records
Avec un président réélu malgré de multiples condamnations, c’est peu dire que l’élection de 2024 a brisé de nombreux tabous politiques et judiciaires. Jamais un candidat poursuivi par la justice n’était parvenu jusqu’ici à l’emporter dans les urnes, a fortiori pour un second mandat.
Donald Trump a su retourner à son avantage son statut d’homme assiégé par les élites, les médias et la justice, se posant en victime d’un « complot » visant à l’empêcher de « rendre sa grandeur à l’Amérique ». Une posture de rebelle anti-système qui a séduit une large part des électeurs, prêts à passer outre son casier judiciaire bien rempli.
Les prochains mois nous diront si la stratégie de défi frontal à la justice du clan Trump paiera sur le long terme, ou si le spectre des condamnations finira par rattraper et paralyser ce deuxième mandat si particulier. Une chose est sûre : entre Donald Trump et Dame Justice, la partie d’échecs ne fait que commencer.