L’élection de Donald Trump à la présidence des États-Unis pour un second mandat fait trembler les entreprises européennes. Partout sur le Vieux Continent, de l’automobile à l’agroalimentaire en passant par la chimie, l’énergie ou la finance, c’est l’heure des comptes et des projections face au retour annoncé du protectionnisme américain. Quels sont les secteurs les plus exposés aux velléités de hausse des droits de douane brandies par le nouveau locataire de la Maison Blanche? Analyse.
Automobile : l’Allemagne en première ligne
Avec plus d’un million de véhicules échangés chaque année entre l’Union Européenne et l’Amérique du Nord selon l’Association des Constructeurs Européens d’Automobiles, le secteur automobile apparaît particulièrement vulnérable aux menaces de Donald Trump d’augmenter les droits de douane de 10 à 20% sur les produits importés. L’Allemagne, dont les États-Unis constituent le second marché d’exportation derrière la Chine, est la plus exposée.
Malgré les mises en garde de l’Association des Producteurs Allemands VDA sur les répercussions en termes d’emplois des deux côtés de l’Atlantique, les grands constructeurs germains comme BMW, qui dispose d’un important site de production en Caroline du Sud, semblent relativement sereins. Le “made in USA” pourrait leur offrir une certaine protection face à d’éventuels droits de douane selon Oliver Zipse, le patron de BMW.
Chimie et pharmacie : l’Allemagne encore concernée
Autre secteur sensible outre-Rhin, la chimie et plus particulièrement l’industrie pharmaceutique. Avec des géants comme Bayer ou BASF, l’Allemagne réalise une part importante de ses exportations hors UE de produits chimiques et pharmaceutiques vers les États-Unis, son premier marché. La France n’est pas en reste, avec plus de 17% de ses exportations de médicaments à destination du marché américain en 2022.
Si les experts ne prévoient pas de “choc commercial” majeur sur ce type de produits comme les vaccins ou les dispositifs médicaux, les incertitudes demeurent, notamment en Irlande, en Suisse et en Belgique selon une étude du groupe Allianz.
Agroalimentaire : le spectre des représailles
Le secteur agroalimentaire européen voit aussi le retour de Donald Trump d’un mauvais œil, se rappelant les lourdes taxes imposées en 2019 sur certains produits comme les vins, les fromages ou le cognac français. Ce dernier, déjà touché par des mesures similaires en provenance de Chine, redoute de nouvelles taxes qui compliqueraient significativement la vie des producteurs, les États-Unis étant le premier débouché à l’export.
D’autres filières comme l’huile d’olive espagnole, frappée depuis 2019 par des droits de douane additionnels jugés illégaux par l’OMC en 2021, pourraient aussi pâtir des décisions de la nouvelle administration américaine. Les exportations ibériques ont déjà chuté de 70% depuis l’instauration de cette taxe.
Énergie : entre espoirs et craintes
Le paysage énergétique pourrait aussi évoluer avec l’arrivée d’un partisan déclaré des énergies fossiles à la Maison Blanche. Si l’industrie gazière et pétrolière, notamment américaine, se réjouit du retour aux affaires de Donald Trump, les acteurs des énergies renouvelables s’inquiètent. “Le secteur de l’énergie va être divisé entre les fossiles qui vont bénéficier de la politique Trump et les renouvelables, portées par l’Europe, qui risquent d’en souffrir car il y aura beaucoup moins de demande américaine”, analyse Antonio Fatas, professeur d’économie à l’Insead.
En France, la directrice générale d’Engie, Catherine MacGregor, a indiqué être vigilante sur ce sujet, évoquant le risque d’un moratoire sur l’éolien offshore aux États-Unis, où le groupe développe actuellement trois projets. Un coup dur potentiel mais “qu’Engie peut surmonter” selon sa dirigeante.
Finance et cryptomonnaies : un second souffle ?
Seul secteur qui semble tirer son épingle du jeu, la finance ne devrait pas être fragilisée par le second mandat de Donald Trump, voire même voir ses activités dopées par un assouplissement anticipé des exigences réglementaires sur les banques. Concernant les cryptomonnaies, le nouveau président pourrait aussi donner un coup de pouce en allégeant la réglementation sur les monnaies numériques. En témoigne le bond du bitcoin au-delà des 75.000 dollars mercredi à l’annonce de sa victoire.
Entre opportunités et menaces, les entreprises européennes vont devoir naviguer avec agilité dans ce nouvel environnement façonné par le retour d’un Donald Trump plus déterminé que jamais à imposer sa vision. Pour certains secteurs, l’adaptation passera probablement par un renforcement des investissements et de la production sur le sol américain afin d’échapper aux futures barrières douanières. Pour d’autres, il faudra sans doute revoir la stratégie en misant sur de nouveaux relais de croissance à l’international. Une chose est sûre, le “America First” version Trump II promet de redistribuer les cartes du commerce international.