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Doliprane : Quelles garanties pour l’emploi et l’approvisionnement ?

Le Doliprane passe sous pavillon américain, mais le gouvernement annonce des garanties fortes pour l'emploi et la production. Malgré cela, les salariés restent en grève et méfiants. L'État entre au capital pour peser dans les décisions futures.

C’est désormais officiel : la filiale de Sanofi qui produit le célèbre médicament Doliprane va passer sous pavillon américain. Une annonce qui suscite de vives inquiétudes en France quant à l’avenir de l’emploi et de l’approvisionnement de ce produit emblématique. Face à ces craintes, le gouvernement se veut rassurant en affirmant avoir obtenu des garanties solides de la part du repreneur d’outre-Atlantique.

Des engagements fermes pour préserver la production hexagonale

Lors d’une conférence de presse, le ministre de l’Économie Antoine Armand a tenu à clarifier la position de l’exécutif. Selon lui, malgré le changement de propriétaire, la production du Doliprane restera ancrée dans l’Hexagone. Et ce quelles que soient les velléités du groupe américain.

Pour appuyer ses propos, le locataire de Bercy a détaillé les garde-fous négociés avec l’acquéreur :

  • Interdiction de délocaliser la production, sous peine d’une amende de 40 millions d’euros en cas de fermeture d’usine.
  • Engagement de maintenir les emplois actuels, avec une sanction de 100 000 euros par emploi supprimé.
  • Obligation de produire un minimum de 250 millions de boîtes par an, au risque de devoir s’acquitter d’une pénalité pouvant grimper jusqu’à 100 millions d’euros.

Des garanties qui se veulent dissuasives pour l’industriel, mais qui ne font pas l’unanimité auprès des travailleurs concernés.

Le spectre des délocalisations plane toujours

Du côté de Lisieux, dans le Calvados, où est implantée l’une des usines de production du Doliprane, les annonces gouvernementales sont accueillies avec prudence, voire défiance. Si certains habitants se montrent rassurés par les engagements exigés, d’autres nourrissent un certain scepticisme :

Au début, ils disent toujours qu’il y a des emplois, mais au final, c’est fini.

Un sentiment partagé par les salariés du site, qui ont décidé de poursuivre leur mouvement de grève malgré les promesses formulées. Pour eux, les garanties avancées ne s’inscrivent que sur du court terme. Ils réclament des engagements pérennes, valables pour les 5 à 10 prochaines années.

Conscient de ces inquiétudes, le gouvernement a décidé de prendre une participation minoritaire au capital de l’entreprise, à hauteur de 1%. Un investissement chiffré entre 100 et 150 millions d’euros, qui doit permettre à l’État de garder un œil sur les décisions stratégiques et de s’assurer que les garanties négociées seront bien respectées dans la durée.

Le Doliprane, un enjeu de souveraineté sanitaire

Au-delà de l’emploi, c’est aussi la question de la souveraineté sanitaire qui est en jeu avec ce rachat. Le Doliprane, antidouleur le plus vendu en France, est considéré comme un médicament d’intérêt stratégique. Son approvisionnement doit donc être sécurisé.

En imposant un niveau de production minimal, le gouvernement entend éviter une pénurie qui pourrait être préjudiciable pour les Français. Mais certains experts s’interrogent sur la pérennité de cet approvisionnement en cas de crise internationale ou de rupture des chaînes logistiques.

Cette problématique fait écho aux récents débats sur la nécessité de relocaliser la production de certains médicaments jugés essentiels. Une réflexion qui a pris de l’ampleur avec la crise sanitaire du Covid-19, qui a mis en lumière la dépendance de la France vis-à-vis de l’étranger pour son approvisionnement en produits de santé.

Vers un renouveau du “made in France” pharmaceutique ?

Face à ce constat, le gouvernement a lancé en 2020 un plan de relance de la production pharmaceutique française. L’objectif : réduire la dépendance aux importations et sécuriser l’accès aux traitements pour les patients.

Des investissements massifs ont été annoncés, ainsi que des mesures incitatives pour encourager les industriels à (re)localiser leurs unités de production dans l’Hexagone. Un mouvement qui semble s’amorcer, avec l’annonce de plusieurs projets d’usines ces derniers mois.

Mais le chemin est encore long pour retrouver une réelle souveraineté sanitaire. Selon un rapport sénatorial, 80% des principes actifs utilisés dans les médicaments commercialisés en Europe sont produits hors du continent, dont 60 à 80% en Asie.

Un constat qui pousse certains à réclamer une véritable politique industrielle pharmaceutique au niveau européen, afin de réduire cette dépendance et de garantir la sécurité d’approvisionnement des médicaments pour les citoyens.

Le dossier du Doliprane apparaît donc comme un symbole des défis qui attendent la France et l’Europe en matière d’indépendance sanitaire. Si les garanties apportées par le gouvernement se veulent rassurantes à court terme, elles ne règlent pas la question de fond d’une industrie pharmaceutique fragmentée et mondialisée, source de vulnérabilités.

Un débat complexe, qui va bien au-delà du simple cas du paracétamol et qui promet d’animer les discussions politiques et économiques dans les mois et années à venir. Avec en toile de fond, l’épineuse question de la conciliation entre les lois du marché, la préservation de l’emploi et la protection de la santé publique.

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