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Dissolution de l’Assemblée : un électrochoc nécessaire ?

Emmanuel Macron a dissous l'Assemblée, provoquant un séisme politique. Entre audace et témérité, cette décision radicale va-t-elle résoudre la crise démocratique ou l'aggraver ? Analyse d'un pari très risqué qui...

C’est une décision fracassante qui a secoué la vie politique française comme un tremblement de terre : dimanche dernier, Emmanuel Macron a prononcé la dissolution de l’Assemblée nationale, un an seulement après les élections législatives qui avaient privé son camp de la majorité absolue. Une décision qui s’apparente à un véritable coup de poker, un pari très risqué sur l’échiquier politique. Mais au-delà du choc et de la surprise, cette dissolution est-elle un électrochoc salutaire pour notre démocratie ou au contraire le symptôme d’une crise plus profonde ?

Un président dos au mur

Pour comprendre ce geste fort, il faut revenir au contexte politique tendu de ces derniers mois. Depuis sa réélection en avril 2022, Emmanuel Macron fait face à une opposition virulente, aussi bien dans la rue avec les manifestations contre la réforme des retraites, qu’au Parlement où sa majorité relative peine à faire passer ses textes. Critiqué pour son “autoritarisme” et son “déni de démocratie”, le chef de l’État semble dos au mur.

En dissolvant l’Assemblée, Macron cherche moins à répondre à la crise démocratique qu’à l’invisibiliser.

Christophe Guilluy, géographe

Pourtant, cette dissolution apparaît pour beaucoup comme une fuite en avant, voire un aveu d’échec. En retournant devant les électeurs, le président espère obtenir une nouvelle majorité, plus solide et plus docile. Mais c’est aussi prendre le risque d’une grande incertitude politique, à l’heure où les partis anti-système, RN en tête, sont en embuscade.

Macron “verbomoteur sans frein”

Au delà des enjeux électoraux, c’est aussi la personnalité clivante d’Emmanuel Macron qui est en cause. Omniprésent sur la scène médiatique depuis 7 ans, le président est décrit comme un “verbomoteur sans frein” par la journaliste Catherine Nay. En multipliant les déclarations chocs et les petites phrases, il a fini par lasser une partie de l’opinion.

Emmanuel Macron est un verbomoteur sans frein.

Catherine Nay, journaliste

Le lourd héritage du référendum de 2005

Derrière la crise actuelle, plane aussi le souvenir du référendum de 2005 sur le Traité constitutionnel européen, rejeté par 55% des Français mais adopté par voie parlementaire. Un “déni de démocratie” qui a laissé des traces profondes, selon le philosophe Michel Onfray :

Le vote des européennes, c’est la revanche du peuple sur le référendum méprisé de 2005.

Michel Onfray, philosophe

En dissolvant l’Assemblée, Emmanuel Macron rejoue en quelque sorte le match de 2005, en demandant aux Français de trancher. Mais cette manœuvre est-elle à la hauteur des enjeux ? Ne risque-t-elle pas au contraire de fracturer encore un peu plus le pays ?

Un pari risqué pour la démocratie

Car au delà des calculs politiciens, c’est bien la crise de la démocratie représentative qui est en jeu. En court-circuitant le travail parlementaire, la dissolution renforce le pouvoir présidentiel au détriment des contre-pouvoirs. Elle fait aussi le jeu des populistes et des extrêmes, prompts à dénoncer “l’oligarchie” et le “système”.

Pourtant, dans ce moment de doute, un retour aux urnes n’est-il pas aussi un sursaut démocratique, une nécessité pour renouer le dialogue abîmé entre gouvernants et gouvernés ? C’est en tout cas le pari d’Emmanuel Macron, qui mise sur “l’intelligence des Français” pour lui donner une nouvelle majorité et poursuivre son action réformiste.

L’ombre du gaullisme

Derrière ce coup d’éclat très macronien, certains voient aussi la référence au gaullisme, en particulier à la dissolution de 1962 sur l’élection du président au suffrage universel. Une comparaison que ne renie pas Alain Malraux, le fils de l’écrivain :

Quoi de plus gaullien que de consulter les électeurs, de leur rendre la parole?

Alain Malraux, homme de lettres

Reste à savoir si Emmanuel Macron sortira grandi ou affaibli de ce bras de fer institutionnel, qui engage sa responsabilité et son crédit politique. D’ici les élections anticipées du 7 juillet, la campagne éclair qui s’annonce promet d’être électrique et imprévisible. Face au choc de la dissolution, les partis politiques comme les électeurs vont devoir se mobiliser et faire des choix face à un paysage recomposé.

Une chose est sûre : cette séquence inédite sous la Ve République marquera durablement notre vie démocratique, en redistribuant les cartes du pouvoir et de l’opposition. Reste à savoir dans quel sens et avec quelles conséquences pour l’avenir du pays. Réponse dans les urnes.

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