InternationalPolitique

Disparition d’un Cyberactiviste en Côte d’Ivoire : Enquête en Cours

Un cyberactiviste ivoirien porté disparu depuis mardi. Sa famille dépose plainte pour enlèvement. Le gouvernement dément. À l’approche de la présidentielle, que cache cette affaire ?

Dans une Côte d’Ivoire où chaque jour semble apporter son lot de rebondissements politiques, la disparition soudaine d’un cyberactiviste influent a jeté une lumière crue sur les tensions qui agitent le pays à l’approche de l’élection présidentielle du 25 octobre 2025. Ibrahim Zigui, connu pour ses prises de position engagées sur les réseaux sociaux, n’a plus donné signe de vie depuis la nuit du 1er au 2 septembre. Sa famille, inquiète, a décidé de porter plainte pour enlèvement et séquestration, un acte qui soulève de nombreuses questions dans un contexte politique déjà brûlant.

Une disparition qui secoue la Côte d’Ivoire

Ibrahim Zigui n’est pas un inconnu. Avec plus de 600 000 abonnés sur TikTok et 250 000 sur Facebook, cet activiste numérique s’est imposé comme une voix incontournable pour une partie de la jeunesse ivoirienne. Sympathisant du Parti des Peuples Africains – Côte d’Ivoire (PPA-CI), dirigé par l’ancien président Laurent Gbagbo, il utilise sa plateforme pour commenter l’actualité politique et mobiliser ses followers. Mais cette influence a un prix. Dans la nuit du 1er au 2 septembre, des individus non identifiés auraient fait irruption à son domicile pour l’emmener, sans laisser de traces.

Selon son avocat, Me Sylvain Tapi, la famille a immédiatement réagi en déposant une plainte auprès des autorités judiciaires à midi trente, le vendredi suivant la disparition. Cette démarche, loin d’être anodine, vise à exiger des réponses claires dans une affaire qui pourrait avoir des ramifications politiques profondes. La famille en appelle à la diligence des autorités pour localiser Zigui et éclaircir les circonstances de cet événement troublant.

Un climat politique sous haute tension

La disparition d’Ibrahim Zigui ne survient pas dans un vide politique. À moins de deux mois de l’élection présidentielle, la Côte d’Ivoire est en proie à une montée des tensions. Plusieurs militants de l’opposition ont été arrêtés ces dernières semaines, et les critiques contre le gouvernement en place se multiplient. L’opposition, en particulier le PPA-CI, dénonce ce qu’elle considère comme des manœuvres pour museler les voix dissidentes. La candidature controversée du président sortant, Alassane Ouattara, qui brigue un quatrième mandat, est au cœur des débats. Ses adversaires estiment que cette candidature viole la Constitution, alimentant un climat de méfiance généralisée.

« On n’enlève personne en Côte d’Ivoire. Toutes les personnes prétendument enlevées, on les retrouve dans des procédures judiciaires. »

Amadou Coulibaly, porte-parole du gouvernement

Face aux accusations d’enlèvement, le gouvernement, par la voix de son porte-parole Amadou Coulibaly, a tenu à démentir toute implication. Selon lui, les cas signalés comme des disparitions s’inscrivent dans des cadres judiciaires légaux, avec des gardes à vue dûment enregistrées. Cette déclaration, bien que destinée à calmer les esprits, n’a fait qu’attiser les spéculations, d’autant que la famille de Zigui affirme n’avoir reçu aucune information officielle sur son sort.

Le rôle des réseaux sociaux dans la mobilisation

Ibrahim Zigui n’est pas seulement un activiste, c’est aussi un symbole de l’impact grandissant des réseaux sociaux dans la politique ivoirienne. En août, il avait lancé un appel à la mobilisation, invitant les Ivoiriens à se réunir dans les lieux publics le 10 septembre, vêtus du maillot orange de l’équipe nationale de football. Cette date coïncide avec la publication par le Conseil constitutionnel de la liste définitive des candidats à la présidentielle, une étape cruciale qui pourrait voir des figures majeures de l’opposition, comme Laurent Gbagbo ou Tidjane Thiam, écartées pour des raisons judiciaires ou administratives.

Ce type d’appel, relayé à des centaines de milliers de personnes, illustre la puissance des plateformes numériques dans la mobilisation citoyenne. Mais il expose aussi ses acteurs à des risques. En Côte d’Ivoire, où la liberté d’expression est souvent sous pression, les cyberactivistes comme Zigui marchent sur une ligne fine entre influence et danger.

Pourquoi les réseaux sociaux sont-ils devenus un champ de bataille politique en Côte d’Ivoire ? Parce qu’ils permettent à des voix indépendantes de contourner les médias traditionnels, souvent perçus comme alignés sur le pouvoir.

Rumeurs et désinformation : un défi supplémentaire

Dans ce climat de suspicion, la désinformation prospère. Peu après la disparition de Zigui, des rumeurs sur les réseaux sociaux ont fait état de son décès. Une annonce rapidement démentie par la plateforme officielle de lutte contre les fausses nouvelles, Alertes 100, qui a assuré qu’Ibrahim Zigui était « bien vivant » et qu’une procédure judiciaire était en cours. Cette mise au point, bien que claire, n’a pas suffi à dissiper les doutes, notamment parmi les partisans de l’opposition.

La propagation de fausses informations est un problème récurrent en période électorale. Les réseaux sociaux, bien qu’ils offrent une tribune aux activistes, sont aussi un terrain fertile pour les manipulations. Dans le cas de Zigui, ces rumeurs ont amplifié l’inquiétude de sa famille et de ses soutiens, tout en compliquant la recherche de la vérité.

Une opposition sous pression

La disparition de Zigui s’inscrit dans un contexte plus large de pressions exercées sur l’opposition. En août, onze membres du PPA-CI ont été inculpés pour « acte terroriste » après des incidents à Abidjan, incluant l’incendie d’un bus dans la commune de Yopougon. Ces arrestations, perçues comme une tentative d’intimidation, ont renforcé le sentiment d’injustice parmi les opposants au régime.

Laurent Gbagbo, figure centrale de l’opposition, risque d’être exclu de la course présidentielle en raison d’une condamnation judiciaire antérieure. De même, Tidjane Thiam, autre leader d’opposition, pourrait être disqualifié pour des questions de nationalité. Ces décisions, attendues le 10 septembre, pourraient déclencher de nouvelles vagues de contestation, dans un pays où les élections sont souvent marquées par des violences.

Que peut-on attendre des autorités ?

La plainte déposée par la famille d’Ibrahim Zigui met les autorités ivoiriennes face à un défi de taille : prouver leur transparence dans une affaire qui touche à la fois aux libertés individuelles et à la stabilité politique. Si le gouvernement affirme que tout se déroule dans un cadre légal, la pression publique et internationale pourrait l’obliger à fournir des explications plus détaillées.

Pour l’heure, les regards sont tournés vers les forces de l’ordre et le système judiciaire. La famille de Zigui, soutenue par une large communauté en ligne, exige des réponses rapides. Chaque jour sans nouvelles alimente les spéculations et renforce la méfiance envers les institutions.

Événement Détails
Disparition d’Ibrahim Zigui Nuit du 1er au 2 septembre, domicile envahi par des individus non identifiés
Plainte déposée Vendredi, pour enlèvement et séquestration
Contexte politique Tensions pré-électorales, arrestations de militants, candidature controversée

Quel avenir pour le cyberactivisme en Côte d’Ivoire ?

Le cas d’Ibrahim Zigui soulève une question plus large : quel est l’avenir du cyberactivisme dans un pays où la politique est aussi polarisée ? Les réseaux sociaux ont donné aux citoyens un moyen de s’exprimer et de s’organiser, mais ils exposent aussi les activistes à des risques accrus. La disparition de Zigui pourrait dissuader certains de s’exprimer, mais elle pourrait aussi galvaniser d’autres à poursuivre son combat.

Dans un pays où la jeunesse représente une part importante de la population, l’influence des cyberactivistes ne peut être ignorée. Leur capacité à mobiliser rapidement, à sensibiliser et à contourner les canaux traditionnels en fait des acteurs clés du paysage politique. Mais cette influence attire aussi l’attention des autorités, qui cherchent à contrôler le récit numérique.

Un appel à la vigilance

Alors que la Côte d’Ivoire se prépare à une élection qui s’annonce tendue, l’affaire Zigui rappelle l’importance de protéger la liberté d’expression. Les organisations de défense des droits humains, tant locales qu’internationales, pourraient jouer un rôle crucial dans la surveillance de cette affaire. La société civile, elle aussi, a un rôle à jouer pour exiger des comptes et maintenir la pression sur les autorités.

Pour l’instant, l’attente continue. La famille d’Ibrahim Zigui, ses abonnés et une large partie de la population espèrent des nouvelles rassurantes. Mais dans un contexte où chaque événement semble chargé de significations politiques, cette disparition pourrait bien devenir un symbole des luttes à venir.

Dans un pays où les voix numériques résonnent fort, la disparition d’un cyberactiviste pourrait-elle changer la donne politique ? L’avenir nous le dira.

Passionné et dévoué, j'explore sans cesse les nouvelles frontières de l'information et de la technologie. Pour explorer les options de sponsoring, contactez-nous.