Près d’une décennie après les révélations fracassantes du « Dieselgate », l’affaire est loin d’être terminée. Ce mercredi, le parquet de Hanovre a annoncé la mise en accusation de quatre anciens hauts dirigeants de l’équipementier automobile Continental pour leur rôle présumé dans ce scandale planétaire qui a éclaboussé l’industrie automobile allemande.
D’ex-PDG dans le viseur de la justice
Parmi les personnalités visées, un nom retient particulièrement l’attention : celui de l’ancien président du directoire désigné comme « Dr N. » par le parquet. Selon plusieurs médias allemands, il s’agirait de Karl-Thomas Neumann, qui fut à la tête de Continental de septembre 2008 à août 2009, après plusieurs années au sein du groupe. Cet ancien patron emblématique a par la suite dirigé la marque Opel de 2013 à 2017.
Les trois autres anciens cadres poursuivis n’ont pas été nommés, mais tous sont accusés de « complicité de fraude en tant qu’auteur indirect » « dans plus de trois millions de cas », d’après le communiqué du parquet. Un chiffre vertigineux qui donne la mesure de l’ampleur de ce scandale tentaculaire.
Un logiciel au cœur du scandale
Les enquêteurs soupçonnent ces responsables d’avoir collaboré étroitement avec Volkswagen pour mettre au point le fameux moteur EA 189, qui s’est retrouvé au centre de la tempête du Dieselgate déclenchée en 2015. Pour rappel, le géant automobile avait alors reconnu avoir installé un logiciel manipulant les tests anti-pollution sur 11 millions de ses voitures diesel dans le monde.
En tant que fournisseur de composants électroniques, Continental n’a pas échappé aux soupçons et s’est vite retrouvé dans le collimateur de la justice, au même titre que Bosch, leader du marché des équipements automobiles. Le groupe de Hanovre aurait fourni des éléments logiciels essentiels au fonctionnement des moteurs truqués.
Des millions de voitures concernées
Concrètement, les procureurs accusent Continental d’avoir vendu à Volkswagen entre novembre 2008 et septembre 2015 un logiciel de calcul qui n’aurait jamais dû être homologué, et qui a équipé plus de 3 millions de voitures du groupe. Un chiffre conséquent qui illustre l’implication massive de l’équipementier dans cette vaste tromperie.
Les dirigeants aujourd’hui poursuivis sont soupçonnés d’avoir « encouragé le projet de moteur EA 189 et incité leurs collaborateurs à poursuivre le développement malgré leur connaissance du dispositif frauduleux », détaille le parquet de Hanovre. Des accusations graves qui, si elles sont confirmées, impliqueraient une responsabilité au plus haut niveau de la hiérarchie.
Continental tente de limiter les dégâts
Face à ces révélations accablantes, Continental tente de circonscrire l’incendie judiciaire. Le groupe a accepté au printemps de verser une amende de 100 millions d’euros pour clore une partie des poursuites, sans pour autant mettre fin aux enquêtes visant directement des dizaines de ses employés.
Une goutte d’eau au regard des retombées désastreuses de ce scandale d’une ampleur inédite pour la réputation de l’industrie automobile allemande, fleuron de la première économie européenne. Depuis 2015, les révélations n’ont cessé d’écorner l’image du « made in Germany » et de ses acteurs emblématiques.
Un procès à rebondissements
Du côté de Volkswagen, l’ancien PDG Martin Winterkorn a déjà commencé à comparaître en septembre dernier pour répondre de son rôle dans le Dieselgate, avant que son procès ne soit interrompu pour des raisons de santé. Une péripétie de plus dans cette saga judiciaire qui n’en finit plus de livrer son lot de surprises.
Il y a quelques semaines, c’est l’ex-patron d’Audi, filiale haut de gamme de Volkswagen, qui était condamné à 21 mois de prison avec sursis et 1,1 million d’euros d’amende dans ce même dossier. Mais Rupert Stadler a fait appel de cette décision, prolongeant encore un peu plus ce feuilleton industriel et judiciaire.
Vers de nouvelles révélations ?
Alors que l’étau se resserre autour de Continental et de ses anciens dirigeants, une question brûle toutes les lèvres : jusqu’où remonte les responsabilités dans ce dossier tentaculaire ? Quels autres noms de l’industrie automobile risquent d’être éclaboussés par le scandale ?
Une chose est sûre : même dix ans après son déclenchement, l’affaire du Dieselgate est loin d’avoir livré tous ses secrets. Et chaque nouveau rebondissement judiciaire pourrait faire trembler un peu plus les fondations du monde automobile, de l’autre côté du Rhin et au-delà. L’histoire semble loin d’être terminée.