C’est une véritable bombe qui vient d’exploser sur la scène politique britannique. Diane Abbott, première femme noire élue au Parlement du Royaume-Uni et députée de longue date du Parti travailliste, s’est vue signifier qu’elle ne pourrait pas se présenter sous l’étiquette du Labour aux prochaines élections du 4 juillet. Une décision qui suscite l’incompréhension et la colère, tant la carrière de cette pionnière de 70 ans force le respect.
Retour sur une carrière exceptionnelle
Élue pour la première fois en 1987, Diane Abbott a ouvert la voie à de nombreuses autres femmes politiques noires par la suite. Représentant sans discontinuer depuis 35 ans la circonscription de Hackney North et Stoke Newington, dans le nord-est de Londres, elle s’est illustrée par ses combats contre le racisme, la pauvreté et son engagement sur les questions internationales.
Proche alliée de l’ancien leader travailliste Jeremy Corbyn, elle a occupé des fonctions de premier plan au sein du Shadow Cabinet lorsque celui-ci dirigeait l’opposition de 2015 à 2020. Une période marquée par de vives polémiques sur l’antisémitisme qui aurait gangrené le parti, selon un rapport accablant du chien de garde de l’égalité.
Une lettre qui ne passe pas
C’est justement sur ce sujet ultrasensible que Diane Abbott a achoppé. Dans une lettre adressée l’an dernier au journal The Observer, la députée écrivait que « les préjugés subis par les juifs sont similaires au racisme, sans être exactement la même chose ». Des propos qui lui ont valu une suspension du parti, malgré des excuses « sans réserve » de sa part.
Ils subissent indubitablement des préjugés. C’est similaire au racisme, et les deux mots sont souvent utilisés de façon interchangeable. Mais toute leur vie, ils ne sont pas sujets au racisme.
– Extrait de la lettre de Diane Abbott à The Observer
L’ombre de Corbyn
Cette exclusion fait écho au sort réservé récemment à Jeremy Corbyn lui-même. Empêché de se présenter sous la bannière travailliste pour avoir minimisé l’ampleur de l’antisémitisme au sein du Labour, l’ex-leader a finalement décidé de se présenter en candidat indépendant. Un scénario que nombre de partisans de Diane Abbott redoutent, estimant qu’elle est victime d’un « deux poids, deux mesures ».
Indignation et interrogations
Car si ses propos sur les juifs et le racisme ont fait polémique, beaucoup jugent la sanction disproportionnée au regard de son engagement de toute une vie contre les discriminations. D’autant que l’intéressée, cible de torrents d’injures racistes et sexistes sur les réseaux sociaux, n’a eu de cesse de les condamner.
- Pourquoi une telle sévérité envers Diane Abbott, quand d’autres élus ayant tenu des propos problématiques ont pu réintégrer le groupe parlementaire ?
- Cette mise à l’écart ne risque-t-elle pas d’envoyer un message désastreux à la communauté afro-caribéenne, dont Diane Abbott est une figure tutélaire ?
Autant de questions qui se posent, à l’heure où le dirigeant travailliste Keir Starmer, donné largement favori pour Downing Street, entend tourner la page des années Corbyn et de la crise de l’antisémitisme. Quitte à sacrifier une des personnalités les plus emblématiques de son parti ? L’avenir le dira, mais cette affaire laissera des traces.