L’imitation de l’aigle à deux têtes du drapeau albanais par deux ressortissants suisses leur a valu une condamnation à l’expulsion de Serbie. Un geste qui a ravivé les tensions diplomatiques entre Belgrade et Pristina.
Geste provocateur devant le Parlement serbe
Selon une source proche du dossier, les deux hommes avaient été interpellés samedi après s’être photographiés en train de mimer avec les mains le symbole de l’aigle noir albanais face au bâtiment du Parlement à Belgrade. Un geste considéré comme une provocation par les autorités serbes.
À l’issue d’une procédure de plaider-coupable, le tribunal leur a infligé des peines de 6 mois et 1 an de prison avec sursis pour “incitation à la haine”. Ils ont également été frappés d’une interdiction de séjour en Serbie pendant 10 ans et le téléphone ayant servi à prendre la photo a été saisi.
L’aigle albanais, un symbole qui divise
En Serbie, arborer l’aigle bicéphale présent sur le drapeau de l’Albanie est perçu comme un signe de ralliement à la cause de la “Grande Albanie”. Une doctrine irrédentiste visant à réunir les populations albanaises des Balkans, notamment celles du Kosovo dont l’indépendance proclamée en 2008 n’est toujours pas reconnue par Belgrade.
Ce n’est pas la première fois que ce geste crée des remous entre les deux pays. Lors de la Coupe du Monde 2018, les footballeurs suisses d’origine kosovare Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri avaient célébré leurs buts contre la Serbie en mimant cet aigle. Un geste qui leur avait valu une amende de la FIFA mais avait été perçu comme un affront côté serbe.
Incident diplomatique et tensions persistantes
Si l’imitation de l’emblème albanais peut sembler anodine, elle renvoie en réalité à des blessures encore vives dans les Balkans. La guerre du Kosovo (1998-1999) a laissé des traces et les relations entre Serbes et Albanais du Kosovo demeurent très tendues.
Ces incidents à répétition montrent que le chemin vers une normalisation complète des rapports entre la Serbie et le Kosovo est encore long et semé d’embûches.
– Un diplomate européen en poste dans les Balkans
L’expulsion des deux ressortissants helvétiques pour ce geste controversé illustre la persistance des crispations, 20 ans après le conflit. Un signe que malgré les pressions de l’Union Européenne en faveur d’un rapprochement, la réconciliation n’est pas pour demain.
Il est à noter qu’en dehors de l’Albanie et du Kosovo, l’aigle à deux têtes est également le symbole national du Monténégro, sans que son usage n’y soit perçu comme une provocation par Belgrade. Un autre pays où cohabitent Serbes et Albanais, la Macédoine du Nord, a elle réussi l’exploit d’un vivre-ensemble apaisé entre ces communautés.
Vers une désescalade des tensions ?
Si cet épisode peut paraître anecdotique, il témoigne de la rémanence du lourd passif entre la Serbie et le Kosovo. Pourtant, un dégel progressif s’est amorcé ces dernières années sous l’impulsion de la communauté internationale.
Des accords sur la libre-circulation ou la reconnaissance des diplômes ont été signés. Mais il faudra du temps pour que ces avancées se traduisent dans les mentalités et le quotidien des populations. D’ici là, le moindre incident ou geste maladroit peut rapidement raviver les braises mal éteintes des conflits passés.
L’Union Européenne, qui ambitionne d’intégrer à terme tous les pays des Balkans occidentaux, a un rôle clé à jouer pour favoriser le dialogue et œuvrer au rapprochement durable de ces voisins meurtris par l’Histoire. Car au-delà des symboles et des provocations, Serbes et Kosovars ont un destin lié et un avenir à construire en commun au sein de la famille européenne.