Imaginez partir en vacances entre amies en Thaïlande, pleine de rêves et d’insouciance, et vous retrouver dix mois plus tard derrière les barreaux d’une immense prison turque. C’est le cauchemar que vivent deux jeunes Parisiennes depuis près d’un an. Leur histoire, à la fois tragique et édifiante, soulève des questions sur la naïveté, la manipulation et les dangers du trafic international de drogue.
Un voyage qui tourne au drame judiciaire
Tout commence par un séjour touristique en Thaïlande. Ibtissem B., 22 ans, et Mariam N., 23 ans, deux meilleures amies originaires de Paris, décident de profiter de la vie. À la fin de leur voyage, un contact leur propose de rapporter deux valises en Europe. Ce qu’elles ignoraient, c’est que ces bagages contenaient près de 25 kilogrammes de cannabis.
L’escale fatidique à l’aéroport d’Istanbul, le 28 février dernier, change tout. Les douanes turques découvrent la marchandise illicite. Les deux jeunes femmes sont immédiatement arrêtées et placées en détention provisoire. Depuis, elles résident dans la prison de Silivri, considérée comme la plus grande d’Europe, située à l’ouest d’Istanbul.
Dix mois plus tard, ce mardi, elles doivent à nouveau comparaître devant la justice turque. Les juges pourraient même prononcer leur verdict lors de cette audience. La peine encourue dépasse les dix années d’emprisonnement, une perspective terrifiante pour ces jeunes femmes qui clament leur innocence.
Des versions qui divergent à la barre
Lors de la première audience, en septembre, les deux accusées ont présenté des récits légèrement différents, compliquant leur défense commune. Mariam N. a affirmé n’avoir jamais rencontré l’homme qui leur aurait remis les valises à Bangkok. Selon elle, seule son amie Ibtissem était en contact avec ce mystérieux individu.
Elle a déclaré devant les juges : sa valise était fermée par un cadenas, et Ibtissem lui avait assuré qu’elle contenait uniquement des cosmétiques. Une confiance aveugle qui, aujourd’hui, lui coûte cher.
De son côté, Ibtissem B. soutient que c’est Mariam qui a réceptionné les bagages le matin du départ, pendant qu’elle dormait encore. Elle insiste sur le fait qu’elle n’a même pas vérifié le contenu, faisant entièrement confiance à un ami nommé Taeric O.
« Si on avait su qu’il y avait de la marijuana à l’intérieur, jamais on aurait pris les valises. On n’allait pas risquer d’aller en prison. »
Ibtissem B. lors de son audience
Ces divergences ont pu semer le doute chez les magistrats turcs, habitués à des affaires de trafic où les « mules » minimisent souvent leur implication.
La figure centrale : un manipulateur présumé
Au cœur de cette affaire se trouve Taeric O., présenté comme l’orchestrateur de l’opération. Ce jeune homme était pourtant incarcéré à la prison d’Amiens, dans le nord de la France, au moment des faits. Comment a-t-il pu organiser un tel trafic depuis sa cellule ?
L’avocate de la famille d’Ibtissem, Carole-Olivia Montenot, pointe du doigt un élément crucial : l’accès illégal à un téléphone portable en détention. Sans cet outil, rien de tout cela n’aurait été possible, selon elle.
Les deux jeunes femmes ignoraient totalement que Taeric était derrière les barreaux. Elles le considéraient comme un simple ami qui leur rendait service en organisant le transport de valises supposedly innocentes vers la Belgique, destination finale où elles devaient être remises à sa mère.
Cette manipulation à distance illustre les nouvelles méthodes des réseaux de trafic de drogue, qui exploitent la confiance et la naïveté de personnes sans casier judiciaire pour transporter leur marchandise.
Des familles qui décrivent des « gamines naïves »
Du côté des proches, l’incompréhension domine. Une tante d’Ibtissem, sous couvert d’anonymat, la décrit comme une jeune femme immature, facilement influençable.
« Ce sont deux vraies naïves, deux gamines qui se sont fait avoir. »
La tante d’Ibtissem
Cette parente s’est rendue plusieurs fois à la prison de Silivri pour visiter sa nièce. Elle rapporte qu’Ibtissem a pris conscience de la gravité de la situation et regrette amèrement sa confiance aveugle.
Aujourd’hui, la jeune femme admet avoir été « bête » et se prépare à « payer les pots cassés ». Un discours qui montre une certaine maturité acquise dans la douleur de la détention.
Les familles restent toutefois optimistes. Elles espèrent que les juges turcs feront preuve de clémence, notamment parce que la drogue n’était pas destinée au marché turc, mais en transit vers l’Europe.
Les conditions de détention en Turquie
La prison de Silivri, où sont détenues les deux Françaises, est connue pour être l’une des plus vastes et des plus modernes d’Europe. Pourtant, pour des jeunes femmes habituées à la vie parisienne, l’adaptation a été brutale.
Dix mois de privation de liberté, loin de leurs proches, dans un pays dont elles ne maîtrisent pas forcément la langue. Les visites familiales, rares et encadrées, représentent des moments précieux mais insuffisants pour apaiser l’angoisse.
Cette expérience marque à vie. Elle transforme des jeunes femmes insouciantes en adultes confrontées à la dure réalité du système pénitentiaire international.
Un espoir de clémence et de transfèrement
Les proches fondent beaucoup d’espoir sur cette nouvelle audience. Ils souhaitent une peine réduite, prenant en compte le contexte de manipulation et l’absence d’antécédents judiciaires.
À plus long terme, un transfèrement vers la France reste l’objectif principal. Cela permettrait aux deux jeunes femmes de purger une éventuelle peine dans des conditions plus familières, proche de leur famille.
Des accords bilatéraux existent entre la France et la Turquie pour ce type de situation, mais leur application dépend souvent de la décision des autorités turques.
La famille se dit prête à se battre jusqu’au bout pour obtenir cette mesure, si nécessaire en saisissant les instances internationales.
Les leçons d’une affaire tragique
Cette histoire rappelle les dangers du trafic de drogue international. Chaque année, des centaines de personnes, souvent jeunes et sans expérience, se retrouvent piégées dans des affaires similaires.
La confiance accordée à des connaissances, même proches, peut avoir des conséquences dramatiques lorsque le crime organisé est impliqué. Accepter de transporter des bagages pour quelqu’un d’autre, surtout à l’international, est une pratique à haut risque.
Les autorités françaises et internationales multiplient les campagnes de sensibilisation dans les aéroports, mais les recruteurs trouvent toujours de nouvelles proies sur les réseaux sociaux ou via des contacts personnels.
L’affaire de ces deux Parisiennes illustre parfaitement cette vulnérabilité. Leur jeunesse, leur absence de méfiance, en ont fait des cibles idéales pour des réseaux opérant depuis l’Asie du Sud-Est vers l’Europe.
L’attente du verdict
Ce mardi, tous les regards seront tournés vers le tribunal d’Istanbul. Les familles, les avocats, mais aussi l’opinion publique française, attendent avec anxiété la décision des juges.
Une condamnation lourde marquerait des années perdues pour ces jeunes femmes. Une peine clémente, ou un acquittement, permettrait de tourner la page d’un cauchemar qui dure déjà depuis trop longtemps.
Quelle que soit l’issue, cette affaire restera comme un avertissement pour tous ceux qui voyagent : la prudence doit primer, surtout lorsqu’il s’agit de transporter quoi que ce soit pour autrui.
En attendant, Ibtissem et Mariam continuent d’espérer, derrière les murs épais de Silivri, que la justice reconnaîtra leur rôle de victimes autant que d’accusées dans cette sombre histoire de trafic international.
À retenir : Ne jamais accepter de transporter des bagages pour une tierce personne lors de voyages internationaux. La naïveté peut coûter très cher face aux réseaux criminels organisés.
Cette affaire, au-delà du sort individuel de ces deux jeunes femmes, interroge notre société sur la protection des plus vulnérables face à la criminalité transnationale.
Elle met aussi en lumière les défis diplomatiques et judiciaires lorsque des citoyens français sont impliqués dans des procédures à l’étranger.
Espérons que cette histoire trouve une issue aussi juste que possible, et qu’elle serve d’exemple pour éviter que d’autres ne vivent le même calvaire.









