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Deux Français Extradés du Maroc pour Trafic de Drogue

Deux jeunes Toulousains, considérés comme des cadres du réseau « Arai Farmers », viennent d’être extradés du Maroc et placés en détention. Derrière eux, un empire de la cocaïne qui irriguait la France depuis Barcelone… Mais ce n’est que la partie visible d’un iceberg bien plus inquiétant.

Ils pensaient être à l’abri sous le soleil marocain. Raté. Deux Toulousains de 27 et 28 ans, soupçonnés d’être parmi les têtes pensantes d’un impressionnant réseau de trafic de cocaïne, viennent d’être extradés et placés en détention provisoire. L’affaire, qui porte le nom de code « Arai Farmers », illustre parfaitement la sophistication du narcotrafic moderne entre l’Europe du Sud et le Maghreb.

Un réseau tentaculaire enfin décapité

Jeudi 27 novembre 2025, les deux hommes ont foulé le sol français sous haute escorte. Le lendemain, le juge d’instruction toulousain les mettait en examen pour des faits graves : importation de stupéfiants en bande organisée, trafic international et blanchiment. Quarante personnes sont déjà impliquées dans ce dossier. Et ce n’est probablement pas fini.

Ce qui frappe, c’est la structuration quasi entrepreneuriale de l’organisation. Des commanditaires installés au Maroc, des logisticiens à Barcelone, des livreurs et des nourrices en France. Une chaîne complète, huilée, qui fonctionnait depuis au moins janvier 2021.

Barcelone, plaque tournante du go-fast nouvelle génération

Barcelone n’est plus seulement la ville de Gaudí et des plages bondées. Elle est devenue, ces dernières années, l’un des principaux points d’entrée de la cocaïne sud-américaine en Europe. Le port, les innombrables vols low-cost, la proximité avec la France : tout y est.

Dans le cas d’Arai Farmers, les mules n’étaient pas des amateurs. Les véhicules utilisés étaient équipés de caches hydrauliques ultra-sophistiquées ou de réservoirs entièrement refaits. Ouvrir le coffre ne suffisait plus : il fallait connaître le bon bouton, la bonne séquence, pour accéder à la marchandise. Des centaines de kilos passaient ainsi la frontière chaque mois.

Une fois en France, direction Toulouse et sa région. Des appartements discrets servaient de nurseries où la drogue était découpée, conditionnée, puis dispatchée vers Lyon, Bordeaux, Paris ou Marseille via des livreurs à scooter ou des services postaux détournés.

Le rôle central du Maroc : refuge et base arrière

Pourquoi le Maroc ? D’abord parce que le royaume est devenu, pour certains trafiquants français, une destination prisée quand la pression judiciaire devient trop forte. Climat agréable, coût de la vie faible, et surtout une coopération judiciaire qui, pendant longtemps, restait perfectible.

Mais les choses changent. Depuis quelques années, Rabat durcit le ton et accepte plus facilement les extraditions, surtout quand les faits sont graves et que la France met la pression diplomatique. Les deux Toulousains l’ont appris à leurs dépens : visés par un mandat d’arrêt européen depuis avril 2024, ils ont fini par être arrêtés et remis aux autorités françaises.

Le Maroc n’est pas qu’un refuge. Il est aussi une base arrière. Certains commanditaires y résident en permanence, pilotant leurs affaires à distance grâce aux messageries cryptées. Telegram, en l’occurrence, était l’outil privilégié du réseau Arai Farmers.

Blanchiment : fausses factures et cryptomonnaies

Un trafic de cette ampleur génère des dizaines, peut-être des centaines de millions d’euros. Il faut les blanchir. Les enquêteurs ont mis au jour des schémas classiques mais toujours efficaces : création de sociétés écran, fausses facturations, achat de biens immobiliers au soleil.

Mais le réseau allait plus loin. Les flux en cryptomonnaies occupaient une place importante. Bitcoin, Monero, USDT… des monnaies difficiles à tracer quand on sait s’y prendre. Des wallets étaient alimentés depuis l’Espagne, puis dispatchés vers des comptes au Maroc ou à Dubaï.

« Les sommes en jeu sont colossales et les techniques de blanchiment de plus en plus sophistiquées », confiait récemment un magistrat spécialisé.

La coopération avec la Guardia Civil a été décisive sur ce point. Les Espagnols, qui luttent depuis des années contre les narcos galiciens et colombiens, ont développé une expertise précieuse dans le suivi des flux crypto.

Toulouse, ville nourricière malgré elle

Dans la Ville rose, plusieurs appartements servaient de lieux de stockage et de reconditionnement. Des jeunes, parfois mineurs, étaient recrutés comme nourrices. Quelques milliers d’euros par mois pour garder chez soi plusieurs dizaines de kilos. Un risque énorme pour un gain dérisoire.

Les livraisons se faisaient ensuite via des réseaux de « Uber shit » locaux ou par colis postaux. Une partie de la drogue alimentait également les points de deal traditionnels dans les quartiers sensibles de la métropole occitane.

Ce schéma n’est malheureusement pas isolé. De nombreuses villes moyennes françaises sont devenues des plaques tournantes secondaires, loin du tumulte parisien ou marseillais, mais tout aussi rentables pour les organisations criminelles.

Coopération internationale : le seul vrai rempart

Cette affaire illustre une réalité encourageante : quand les polices et les justices collaborent vraiment, les résultats suivent. L’enquête a été menée conjointement par l’OFAST (Office antistupéfiants), la PJ de Toulouse, la Guardia Civil et les autorités marocaines.

Des réunions trilatérales, des échanges de renseignements en temps réel, des écoutes coordonnées : tout l’arsenal moderne a été déployé. Résultat : plus de quarante mises en examen, des tonnes de cocaïne saisies, des millions d’euros bloqués.

Mais pour chaque réseau démantelé, combien se créent ? La demande européenne reste insatiable et les cartels sud-américains s’adaptent sans cesse. Les trafiquants français, eux, apprennent vite : cryptage, diversification des routes, implantation dans des pays à la coopération judiciaire aléatoire.

Et demain ?

L’extradition de ces deux cadres supposés du réseau Arai Farmers n’est qu’une étape. Les enquêteurs savent que d’autres têtes pensantes courent toujours. Certains seraient déjà à Dubaï, en Turquie ou en Amérique du Sud.

La guerre contre le narcotrafic est une guerre d’usure. Chaque coup porté est important, mais la victoire définitive semble encore lointaine. En attendant, des milliers de consommateurs continuent d’alimenter, bien souvent sans le savoir, ces organisations qui gangrènent nos sociétés.

Une chose est sûre : tant que la demande existera, l’offre s’organisera. Avec ou sans Arai Farmers.

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