Imaginez deux enfants de 14 ans, à peine sortis de l’enfance, déjà impliqués dans une tentative d’assassinat. Ce n’est pas le scénario d’un film américain, c’est la réalité qui a frappé Montbéliard en cette fin d’année 2025. Un commando de cinq personnes, dont deux adolescents, a tenté d’abattre un jeune homme de 24 ans à l’arme à feu. L’affaire glace le sang et soulève des questions vertigineuses sur la délinquance juvénile.
Quand des adolescents deviennent tueurs à gages
Le procureur de Montbéliard l’a confirmé : les cinq suspects, dont les deux mineurs, sont poursuivis pour tentative de meurtre en bande organisée et association de malfaiteurs. Le mobile ? Un contrat passé dans le cadre d’un trafic de stupéfiants. Le commanditaire aurait recruté ses exécutants… sur les réseaux sociaux.
Dans ce type d’opérations, les rôles sont bien répartis : un conducteur, un tireur, parfois un filmeur chargé d’envoyer la preuve vidéo au donneur d’ordre. Mais ici, les enquêteurs ignorent encore précisément ce que faisaient les deux adolescents de 14 ans dans le commando. Étaient-ils là pour conduire ? Pour filmer ? Ou pour appuyer sur la détente ? La réponse fait frémir.
Un profil déjà lourd pour un si jeune âge
L’un des deux adolescents n’était pas un inconnu des services de police. Déjà condamné pour détention d’arme et de munitions – un pistolet automatique 9 mm, rien de moins –, il s’était évadé en novembre d’un centre éducatif fermé situé en région Centre-Val de Loire. Moins d’un mois plus tard, le voilà soupçonné d’avoir participé à une expédition punitive mortelle.
Son comparse, lui, n’avait jamais eu affaire à la justice. Casier vierge, aucune mention. Placé sous contrôle judiciaire, il échappe à la prison. L’autre, considéré comme plus dangereux, a été écroué.
« Dans ce genre de dossier, il est courant que l’un des membres du commando soit chargé de conduire la voiture, qu’un autre tire, et qu’un troisième filme la scène afin d’attester auprès des donneurs d’ordre que le contrat a bien été exécuté. »
Le procureur de la République de Montbéliard
Le recrutement 2.0 des tueurs à gages
Ce qui choque le plus, c’est la facilité avec laquelle ces adolescents ont été approchés. Snapchat, Instagram, Telegram : les réseaux sociaux sont devenus les nouveaux terrains de chasse des narcotrafiquants. Un message, une proposition d’argent facile, et des gamins se retrouvent embarqués dans des affaires qui les dépassent totalement.
On parle de sommes parfois dérisoires : quelques centaines d’euros pour risquer vingt ans de prison. Ou la mort. Car dans ce milieu, ceux qui ratent leur cible deviennent souvent les suivantes.
Ce phénomène n’est pas nouveau, mais il prend une ampleur terrifiante. Des adolescents de 13, 14, 15 ans deviennent des exécutants jetables. Leur minorité les protège partiellement de la prison ferme, ce qui en fait des profils idéaux pour les commanditaires.
Les centres éducatifs fermés : une passoire ?
L’évasion du premier adolescent pose une question brutale : à quoi servent les centres éducatifs fermés s’ils ne parviennent pas à retenir ceux qu’ils sont censés protéger… et protéger la société ? Créés pour les mineurs multirécidivistes, ces établissements ultra-sécurisés étaient présentés comme la réponse forte à la délinquance juvénile violente.
Pourtant, les évasions se multiplient. Et quand ces jeunes sortent, ils replongent immédiatement, souvent plus violemment qu’avant. Le message envoyé est désastreux : même les structures les plus fermées ne parviennent pas à enrayer la spirale.
Une société qui fabrique ses propres monstres ?
Comment en est-on arrivé là ? Comment des enfants de 14 ans se retrouvent-ils à manipuler des armes de guerre et à participer à des contrats sur la vie d’autrui ?
Il y a d’abord l’échec éducatif global. L’école qui ne parvient plus à retenir certains jeunes, la famille parfois absente ou dépassée, l’absence de perspectives dans certains quartiers. Et puis il y a l’argent facile du trafic, qui fait rêver ceux qui n’ont rien.
Mais il y a aussi une forme de banalisation de la violence. Les jeux vidéo, les séries, les réseaux sociaux où l’on exhibe armes et liasses de billets… Tout contribue à désensibiliser une partie de la jeunesse.
Que dit la loi face à ces mineurs tueurs ?
En France, la responsabilité pénale des mineurs est particulière. Avant 13 ans, pas de prison. Entre 13 et 16 ans, les peines sont fortement atténuées. Même pour un meurtre, un adolescent de 14 ans risque au maximum une peine de vingt ans, souvent bien moins en pratique.
Cette clémence, justifiée par la nécessité de privilégier l’éducation sur la punition, devient problématique quand les faits sont d’une gravité extrême et que la récidive est immédiate.
Certains magistrats le disent en privé : face à ces nouveaux profils de mineurs ultra-violents, le système est à bout de souffle. Les centres éducatifs ne fonctionnent plus, les peines ne font plus peur, et la prison pour mineurs reste l’exception.
Vers une réponse pénale plus ferme ?
Cette affaire de Montbéliard pourrait bien marquer un tournant. Comme après chaque drame impliquant des mineurs, les voix s’élèvent pour demander un durcissement législatif. Baisser l’âge de la majorité pénale ? Créer de vrais établissements pénitentiaires pour mineurs dangereux ? Allonger les peines ?
Le débat est ancien, mais il prend une nouvelle acuité quand on voit des enfants de 14 ans recrutés pour tuer.
Car derrière les grands principes éducatifs, il y a aussi la protection de la société. Et quand des adolescents deviennent des tueurs à gages, la question n’est plus seulement de les sauver… mais de sauver les autres d’eux.
Conclusion : un signal d’alarme
L’affaire de Montbéliard n’est pas un cas isolé. Elle est le symptôme d’une délinquance juvénile qui change de nature, plus violente, plus organisée, plus précoce. Des enfants soldats du narcotrafic, recrutés sur TikTok et Snapchat, armés comme des militaires et prêts à tout pour quelques billets.
Si nous continuons à fermer les yeux, à nous réfugier derrière les grands principes de l’ordonnance de 1945, alors nous nous préparons des lendemains terrifiants.
Parce que les prochains contrats ne rateront peut-être pas leur cible. Et les prochains adolescents recrutés auront peut-être 13 ans. Ou 12.
Il est temps de regarder la réalité en face. Avant qu’il ne soit trop tard.









