Dans un développement sans précédent, un tribunal norvégien a récemment prolongé la détention d’un éminent leader séparatiste camerounais, accusé d’avoir incité à commettre des crimes contre l’humanité dans son pays d’origine. Cette décision marque une étape importante dans la lutte contre l’impunité des auteurs de crimes internationaux, la Norvège démontrant sa détermination à poursuivre les suspects, où qu’ils se trouvent.
Un leader séparatiste derrière les barreaux en Norvège
Selon des sources judiciaires, Cho Lucas Yabah, également connu sous le nom de Lucas Cho Ayaba, restera en détention jusqu’au 14 janvier 2025. Il est accusé d’avoir été le président du gouvernement de l’Ambazonie et le commandant de l’Ambazonian Defense Force, l’un des groupes armés séparatistes actifs dans l’ouest du Cameroun, fréquemment impliqués dans des enlèvements de civils.
Bien que l’accusé ait nié avoir intentionnellement ciblé des civils, le juge a estimé que ses activités constituaient une incitation à des crimes contre l’humanité au sens de la loi norvégienne. La cour a également jugé qu’une interdiction de visite et de communication était proportionnée, compte tenu des risques d’altération des preuves et des difficultés à obtenir des témoignages en raison de la peur.
Une première pour la justice norvégienne
L’arrestation de Cho Lucas Yabah fin septembre par l’unité Kripos, chargée des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité, constitue une première pour la Norvège. Jamais auparavant le pays n’avait arrêté quelqu’un pour incitation à commettre de tels crimes, un chef d’accusation passible de 30 ans de prison selon la législation norvégienne.
La Norvège est déterminée à lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves qui affectent la communauté internationale dans son ensemble.
Ambassade de Norvège à Washington
Un conflit meurtrier dans l’ouest du Cameroun
Le conflit séparatiste qui déchire l’ouest du Cameroun depuis 2016 trouve son origine dans la répression violente par le président Paul Biya de manifestations pacifiques d’anglophones, qui représentent environ 20% de la population et dénoncent leur marginalisation par le pouvoir central francophone.
Depuis, les affrontements entre l’armée camerounaise et divers groupes armés séparatistes ont fait plus de 6000 morts et contraint plus d’un million de personnes à fuir leur domicile, selon l’International Crisis Group. Les civils sont les principales victimes, pris en tenaille et subissant des exactions des deux camps, comme l’ont documenté des ONG internationales et l’ONU.
Des victimes en quête de justice
C’est dans ce contexte que Me Emmanuel Nsahlai, avocat d’un groupe de victimes, avait déposé plainte contre Cho Lucas Yabah aux États-Unis, où il exerce, ainsi qu’auprès du procureur de la Cour pénale internationale (CPI) en février. Il avait également demandé l’ouverture d’une enquête à la Norvège.
Dans un courrier consulté par l’AFP, l’ambassade norvégienne à Washington avait alors assuré coopérer étroitement avec la CPI, soulignant la détermination de la Norvège à lutter contre l’impunité des auteurs des crimes les plus graves.
La Norvège, un acteur engagé pour la justice internationale
Au fil des années, la Norvège s’est imposée comme un acteur clé de la justice pénale internationale, apportant un soutien politique, diplomatique et financier important à la CPI. Le pays accueille également sur son sol des tribunaux spéciaux chargés de juger des crimes internationaux, à l’instar du Mécanisme pour les tribunaux pénaux internationaux.
Avec l’arrestation et la détention de Cho Lucas Yabah, Oslo franchit un nouveau cap dans son engagement contre l’impunité. Cette affaire illustre la volonté croissante des États de poursuivre les auteurs présumés de crimes internationaux, où qu’ils se trouvent, sur la base du principe de compétence universelle.
La compétence universelle est un outil essentiel dans la lutte contre l’impunité. Elle permet à tout État de poursuivre les auteurs des crimes les plus graves, même s’ils ont été commis à l’étranger, dès lors que les suspects se trouvent sur son territoire.
Un expert en droit pénal international
Un message fort à l’attention des responsables de crimes internationaux
Au-delà du cas de Cho Lucas Yabah, cette affaire envoie un message fort à tous les responsables de crimes contre l’humanité, de crimes de guerre et de génocide : aucun refuge n’est sûr, la justice peut les rattraper à tout moment, où qu’ils se cachent.
Elle témoigne également de l’importance cruciale de la coopération judiciaire internationale dans la répression des crimes les plus graves. Seule une action concertée et déterminée des États, main dans la main avec la CPI, permettra de mettre fin à l’impunité qui prévaut encore trop souvent.
Alors que le conflit continue de faire rage dans l’ouest du Cameroun, avec son lot quotidien d’atrocités, l’affaire Cho Lucas Yabah offre une lueur d’espoir aux victimes et rappelle que les responsables de crimes internationaux, quels que soient leur rang ou leur fonction, devront un jour répondre de leurs actes devant la justice.