Le paysage politique turc est une nouvelle fois secoué par la destitution de deux maires d’opposition de l’Est du pays. Cevdet Konak, maire de Tunceli affilié au parti prokurde DEM, et Mustafa Sarigül, maire d’Ovacik du parti social-démocrate CHP, ont été démis de leurs fonctions après avoir été condamnés chacun à plus de 6 ans de prison pour appartenance au PKK, considéré comme un groupe terroriste par Ankara.
Des maires remplacés par des administrateurs nommés par l’État
Suite à cette condamnation, le ministère turc de l’Intérieur a annoncé vendredi que les deux élus avaient été remplacés par des administrateurs nommés par le gouvernement central. Une décision qui s’inscrit dans la lignée de destitutions similaires survenues quelques semaines plus tôt, où quatre autres maires d’opposition avaient déjà été démis.
Les partis concernés, le DEM prokurde et le CHP social-démocrate, ont vivement réagi. Le DEM, troisième force au parlement et régulièrement visé par les autorités qui l’accusent de liens avec le PKK, a condamné ces destitutions, estimant que “le gouvernement détruit peu à peu la volonté du peuple”. Özgür Özel, leader du CHP, principal parti d’opposition, a lui dénoncé “un vol de la volonté de la nation”, notamment après la large victoire de sa formation aux élections locales de mars dernier.
Des manifestations de colère et des condamnations internationales
Ces remplacements ont provoqué l’indignation d’une partie de la population. Selon des images relayées par des médias locaux, des manifestants en colère se sont rassemblés vendredi soir devant la municipalité de Tunceli, certains tentant de forcer un cordon policier. Des scènes de tension qui font écho à celles survenues fin octobre et début novembre lors de la destitution du maire CHP de l’arrondissement le plus peuplé d’Istanbul et de trois maires prokurdes du sud-est.
Au niveau international, des voix se sont également élevées pour condamner ces destitutions. Le Conseil de l’Europe et des organisations de défense des droits humains avaient déjà fermement critiqué les précédents remplacements de maires élus par des administrateurs.
Une répression constante de l’opposition par le pouvoir turc
Ces événements s’inscrivent dans un contexte de répression constante de l’opposition par le gouvernement du président Erdogan. Le parti prokurde DEM est particulièrement ciblé, régulièrement accusé de collusion avec le PKK malgré ses démentis. De nombreux élus et militants kurdes ont été arrêtés ou démis de leurs fonctions ces dernières années.
En mars dernier, l’opposition turque espérait avoir marqué des points en remportant de grandes villes aux élections municipales, dont Istanbul et Ankara. Mais depuis, le pouvoir multiplie les pressions et les manœuvres pour affaiblir ces bastions gagnés par ses adversaires. Ces destitutions de maires, condamnés via une justice aux ordres selon l’opposition, illustrent la détermination du président Erdogan à ne laisser aucun répit à ses opposants, quitte à s’attirer les critiques de la communauté internationale. De quoi suggérer de nouvelles tensions à venir dans le paysage politique turc.