À quelques jours d’une élection présidentielle américaine qui s’annonce extrêmement serrée, les experts mettent en garde contre une nouvelle vague de désinformation qui déferle sur le pays. Comme lors des scrutins de 2016 et 2020, de nombreuses allégations de fraude électorale et d’irrégularités potentielles pendant le dépouillement des votes circulent déjà massivement.
Le spectre de 2020 plane sur l’élection
D’après Lisa Deeley, membre de la commission électorale dans l’État clé de Pennsylvanie, la situation actuelle est un véritable déjà-vu. Le candidat républicain Donald Trump répète depuis plusieurs semaines, sans preuves tangibles, que les démocrates permettraient à des migrants de voter illégalement pour sa rivale Kamala Harris. Une théorie à laquelle souscrivent 8 républicains sur 10 selon un sondage récent.
Ces allégations font écho à celles qui avaient pollué l’élection de 2020, avec des soupçons de piratage des machines à voter, de bourrage des urnes ou encore de comptabilisation de votes de personnes décédées. Des rumeurs qui avaient atteint leur paroxysme le 6 janvier 2021 avec l’assaut du Capitole par des partisans de Donald Trump.
Un déluge d’infox redouté le jour J
Avec un scrutin qui s’annonce très disputé, les spécialistes craignent une nouvelle avalanche de désinformation le 5 novembre et dans les jours suivants. Images truquées, deepfakes, annonces prématurées de victoire… Tout est à prévoir selon Justin Levitt, professeur de droit :
Ce ne sont que des projections le soir de l’élection. Et si ces projections prennent un peu plus de temps que d’habitude, ce n’est pas un signe d’irrégularités, mais plutôt que le processus démocratique suit son cours.
Une fraude massive jugée improbable
Malgré la perception répandue de fraudes à grande échelle, les cas avérés restent extrêmement rares selon les experts. Sur les dizaines de millions de bulletins déposés en 2020 et 2022, seules quelques dizaines de condamnations pour fraude ont été recensées, rappelle la base de données de l’Heritage Foundation. Des chiffres corroborés par le Brennan Center for Justice sur les scrutins antérieurs.
Selon Charles Stewart du MIT, l’idée d’une fraude électorale massive apparaît ainsi comme “assez risible” au vu des multiples garde-fous en place. Chaque État a en effet mis en œuvre des mesures de sécurité strictes à chaque étape du vote, du contrôle de l’identité des électeurs au dépouillement public et transparent des bulletins.
Vers plus de transparence pour restaurer la confiance
Face aux doutes qui persistent chez certains sur l’intégrité du processus électoral, les autorités tentent d’accroître encore la transparence. Dans le comté de Maricopa en Arizona, les électeurs peuvent ainsi suivre la trace de leur bulletin par correspondance “à chaque étape”. Le comté de Fulton en Géorgie retransmet même en direct le décompte des voix.
L’objectif est clair : couper court aux rumeurs et théories du complot avant qu’elles ne se propagent. “Nous voulons que les gens voient les choses par eux-mêmes plutôt que de se fier à des vidéos mensongères”, explique Nadine Williams, directrice des opérations électorales à Fulton. Un défi de taille à l’heure des réseaux sociaux.
S’impliquer pour comprendre
Au-delà de la transparence, l’implication citoyenne apparaît aussi comme un remède à la défiance. Lisa Deeley, à Philadelphie, invite ainsi ceux qui doutent encore à devenir bénévoles le jour du scrutin :
En participant directement au processus démocratique, ils pourront constater par eux-mêmes son intégrité et sa rigueur.
Une démarche exigeante, mais nécessaire pour tenter de recréer de la confiance dans un contexte de polarisation extrême. Car au-delà des systèmes de vote, c’est bien la foi dans la démocratie elle-même qui semble fragilisée. Un constat préoccupant à l’heure où les Américains s’apprêtent à faire un choix crucial pour l’avenir de leur pays.