Après plus de deux ans d’une guerre acharnée contre la Russie, l’armée ukrainienne fait face à un phénomène grandissant qui mine son moral et ses effectifs : les désertions. Traumatisés par l’horreur des combats et les pertes massives, de plus en plus de soldats choisissent de quitter le front, tiraillés entre l’angoisse de mourir et la culpabilité d’abandonner leurs frères d’armes. Face à cette situation, le commandement oscille entre compréhension et sanctions.
Des soldats à bout, broyés par une guerre impitoyable
Oleksandre, un soldat de 45 ans qui a déserté après avoir vu son unité décimée pendant six mois dans l’est de l’Ukraine, témoigne de l’enfer vécu :
On voulait vivre. On avait pas d’expérience militaire, on était des gens ordinaires, des travailleurs, venant de villages.
Comme lui, ils seraient 90 000 à avoir déserté ou quitté leur poste sans autorisation depuis le début de l’invasion russe en février 2022, selon le parquet ukrainien. Un chiffre en forte hausse en 2024, alors que l’armée ukrainienne a perdu au moins 43 000 soldats et sans doute des dizaines de milliers d’autres portés disparus.
La prison plutôt que la tombe
Si certains, rongés par la culpabilité, finissent par retourner au front, d’autres assument leur choix. C’est le cas de Serguiï Gnezdilov, 24 ans, qui a publiquement annoncé sa désertion sur les réseaux sociaux en septembre pour protester contre une mobilisation à durée indéterminée. Malgré la menace de 12 ans de prison, il affirme préférer la geôle à la tombe.
Des mesures d’indulgence pour inciter au retour
Conscientes du manque d’effectifs, les autorités ukrainiennes tentent de faire preuve de compréhension. En août, une loi a été votée pour exempter de poursuites les déserteurs qui regagnent leurs unités, s’ils n’ont pas été condamnés auparavant pour ce motif. Certaines brigades ont même lancé des appels au retour, reconnaissant que « nous faisons tous des erreurs ». Résultat : 8 000 soldats seraient revenus rien qu’en novembre.
Mieux former et encadrer pour limiter les abandons
Mais pour beaucoup, ces mesures ne suffisent pas. Avec les soldats les plus motivés déjà morts ou blessés, les désertions risquent de se multiplier si la guerre perdure. Des officiers plaident pour renforcer la formation et l’encadrement des troupes, avec un meilleur soutien psychologique pour les préparer à l’épreuve des tranchées. Car comme le résume le commandant Siver, il n’y a qu’une solution miracle pour endiguer le phénomène : « On doit juste terminer la guerre. »
Dans ce conflit qui s’enlise, l’Ukraine doit donc tout à la fois remotiver ses troupes et se montrer compréhensive envers ceux qui craquent, au risque de voir son armée s’effriter. Un fragile équilibre entre fermeté et empathie, à l’image du dilemme moral qui ronge ses soldats.